Le puits de la colonie d'Avalon
À Ferryland, une vieille légende veut qu'il y ait déjà eu un puits quelque part dans les environs où nous effectuions nos fouilles. L'histoire raconte que le puits avait été abandonné longtemps après avoir servi de source d'approvisionnement en eau et qu'un enfant s'y était noyé en tombant au fond. Les résidents ont donc décidé d'obturer le puits.
À différents moments au cours des 30 dernières années, des gens ont signalé l'emplacement du puits à divers endroits sur les quelque 10 acres entourant le site archéologique d'Avalon. Au cours de l'été 1994, M. Wilfred Costello, un résident parmi les plus âgés de Ferryland qui était propriétaire du terrain où nous avions mis au jour une maison du 17e siècle, a offert de localiser le puits. Il nous a conduits jusqu'à une parcelle d'un pré située juste au sud de la maison qui ne semblait pas présenter un intérêt particulier. Il a montré le sol du doigt en indiquant que le puits se trouvait précisément à cet endroit. Quelque peu sceptiques, nous avons accepté d'examiner cette zone et, après environ une demi-journée de travail, nous avons découvert les parties supérieures de ce qui était visiblement un puits aux parois de pierre.
Après un certain délai qui nous a donné le temps de nous procurer des sections de ponceaux d'acier que nous avions l'intention d'installer dans le puits pendant les fouilles, nous avons commencé à retirer des tonnes de pierres du puits. Il est vite apparu que le puits avait été rempli intentionnellement. Nous avons atteint le fond à une profondeur de 7,6 mètres (25 pieds) sous la surface actuelle. Quatre longues poutres servant de fondation au puits étaient recouvertes d'une rangée de briques servant de collecteurs tandis que la maçonnerie en pierre commençait à 7,3 mètres (24 pieds) au-dessus des briques.
Nous avons été quelque peu déçus de constater qu'il n'y avait pas beaucoup de détritus accumulés au fond du puits. Nous avons retrouvé des barres de fer lourdes et des fers de haches que ses utilisateurs avaient probablement l'habitude d'accrocher sur les côtés des seaux avant de les descendre au fond afin de pouvoir les incliner et les remplir plus facilement. Il ne restait pratiquement plus que des morceaux de ce qui semblait être la structure d'un mécanisme de levage, des parties de plusieurs seaux et quelques tessons de verre et de céramique. On a finalement découvert dans le puits un tesson de verre semblable au verre retrouvé près du site de la maison, ce qui laisse croire que les deux datent de la même époque. Le puits semble donc avoir été creusé alors que la maison était encore habitée, c'est-à-dire dans le courant de la seconde moitié du 17e siècle.
Plus intéressant encore, nous avons trouvé dans les remblais des tessons de verre datant à peu près tous de la dernière décennie du 18e siècle, soit l'époque où le puits a été obturé. Il semblait donc fort probable que ce puits était bel et bien celui de la légende, laquelle aura été pendant près de 200 ans un récit fidèle et remarquable de la tradition orale.
Quand M. Costello est retourné sur le site lors d'une de ses visites régulières, on lui a demandé pourquoi il connaissait l'emplacement du puits alors que tant d'autres personnes croyaient que celui-ci était situé dans d'autres parties du site. Il a répondu : « Parce que j'ai prêté attention »; puis il a poursuivi en racontant qui le lui avait dit, qui l'avait dit à cette personne, et il est remonté ainsi jusqu'à la dernière partie du 19e siècle. La morale de cette histoire saute aux yeux.
