Le litige entre la France et le Canada au sujet de la frontière maritime

Durant les années 1980, un litige a opposé le Canada et la France au sujet de la délimitation exacte des espaces maritimes entre leurs territoires respectifs dans la région. Le litige était imputable en partie au chevauchement de prétentions à propos du fond marin et des ressources minérales, comme le pétrole, susceptibles d'être trouvées sur ou sous le plancher océanique.

Dès 1966, les deux pays ont commencé à délivrer des licences autorisant l'exploration d'hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) sur le banc de Saint-Pierre et autour. En 1967, la France et le Canada ont accepté un moratoire sur l'exploration jusqu'à ce que la propriété des ressources soit attribuée officiellement, mais l'acharnement des Canadiens et des Français à réclamer des zones de pêche exclusives toujours plus grandes n'a cessé d'alimenter les querelles entre les deux pays. La Canada a étendu sa mer territoriale à 12 milles marins à la fin des années 1970, et la France a fait de même en 1971. Cela signifie que leurs revendications territoriales maritimes se chevauchaient dans la région de la péninsule de Burin et empiétaient sur les droits de pêche tels que définis dans les nombreux traités signés entre 1713 et 1904.

Un chalutier de retour à Saint-Pierre s.d.
Un chalutier de retour à Saint-Pierre s.d.
L'industrie de la pêche constituait une part importante de l'économie de Saint-Pierre et Miquelon.
Tiré de Raymond Rallier du Baty, La Pêche sur les Bancs de Terre-Neuve et autour des Iles de St. Pierre et Miquelon (Paris, Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes, 1925), p. 67.

La conclusion d'un accord

Par la suite, en 1972, les deux pays sont parvenus à un accord pour régler ces revendications et restructurer les arrangements concernant la pêche inclus dans leurs traités. Cet accord a non seulement établi la frontière maritime entre les îles françaises et la côte de Terre-Neuve, mais elle a également établi une distinction entre les droits d'accès de la flotte de pêche de la France métropolitaine et ceux des pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon. Toutefois, en 1977, le Canada a déclaré zone de pêche exclusive (ZPE) la zone de 200 milles s'étendant le long de son littoral tandis que la France a déclaré zone économique exclusive (ZEE) soumise à sa juridiction la zone s'étendant à 200 milles au-delà des eaux territoriales de Saint-Pierre et Miquelon. La différence entre les deux tenait au fait que la ZEE était directement concernée par les problèmes liés à l'exploitation des ressources minérales. Même si la position du Canada était que Saint-Pierre et Miquelon n'avait droit qu'à une mer territoriale de 12 milles marins au large de ses côtes, l'accord de 1972 a été automatiquement élargi afin que la France ait accès à toute zone de juridiction canadienne étendue, à certaines conditions, et ce, jusqu'à la conclusion d'un accord sur la délimitation des espaces maritimes.

Le principal problème de chevauchement concernait la partie sud des îles françaises s'étendant jusqu'au banc de Saint-Pierre, laquelle est riche en poisson et, potentiellement, en gisements de pétrole. Dans les années 1980, la France a commencé à dépasser les quotas de pêche autorisés malgré les efforts canadiens de lui imposer de plus petits quotas à cause de l'effondrement des stocks. En 1988, après beaucoup de frictions et de disputes entre les deux pays, notamment la saisie de navires de pêche, le rappel d'ambassadeurs et la violation des accord existants, le Canada et la France sont finalement parvenus à un accord sur la délimitation maritime. Ce litige, qui aura duré un quart de siècle, a été réglé en 1992 par une cour internationale d'arbitrage. Le comité a décidé d'accorder à la France une zone économique de 24 milles marins de rayon depuis les lignes de base de Saint-Pierre et Miquelon, ainsi qu'un corridor de 10,5 milles de large orienté vers le sud s'étendant à 200 milles vers les eaux internationales. Cette zone économique, qui mesure seulement 3607 milles marins carrés, est beaucoup plus petites que ce que la France avait réclamé, ce qui lui donne accès à une moins grande quantité de poisson. Selon la décision de l'arbitrage, la France devra négocier avec le Canada pour avoir le droit de pêcher à l'extérieur de cette zone.

Ces deux années de crise grave pour l'industrie de la pêche de Terre-Neuve ont été causées par une surexploitation des stocks de poisson par les pêcheurs canadiens et étrangers. La décision de la cour d'arbitrage a également provoqué une courte période de grande tension entre les pêcheurs du Canada et ceux de Saint-Pierre et Miquelon. En 1994, le Canada et la France sont toutefois parvenus à un nouvel accord réglementant les pêches qui a permis de trouver un modus vivendi [terrain d'entente] satisfaisant.

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