Les aspirants découvreurs avant Jean Cabot

Certains prétendent que les pêcheurs anglais se rendaient à Terre-Neuve avant la célèbre expédition de Jean Cabot en 1497, et d’autres encore allèguent que les Basques, les Portugais, et même les Écossais et les Gallois, les ont précédés.

Les Gallois et les Écossais

La plupart de ces revendications sans fondement sont plutôt des affabulations ayant pour but d’inspirer la fierté nationale ou celle de descendants. Par exemple, la croyance persiste à ce jour qu’un prince gallois du nom de Madoc a fondé une colonie en Amérique de Nord vers 1170, même s’il n’y a aucune preuve historique qu’il ait existé. L’histoire de ce Madoc surgit dans les années 1580, peut-être à l’instigation de la dynastie des Tudor afin de célébrer leurs racines galloises, et du même coup, remettre en question les assertions de l’Espagne comme premier découvreur du Nouveau Monde. La présomption que l’Écossais Henry Sinclair, originaire des îles Orcades, a exploré l’Amérique du Nord un siècle avant Jean Cabot ne repose sur aucun fait historique et se compare davantage à un acte de foi. Robert McGhee déclare que si Saint-Brendan est le candidat des Irlandais et le prince Madoc celui des Gallois, alors le prince Henry Sinclair joue le même rôle pour les Écossais comme prétendu découvreur de Nouveau Monde. (Robert McGhee, p. 78) Jusqu’à preuve du contraire, ces prétentions relèvent plus de la foi et du mythe que de l’histoire.

Les Basques et les Portugais

Les arguments d’autres prétendants, plus solides ceux-là, butent toujours sur le même obstacle: la nécessité d’en faire la preuve. Les Basques ont longtemps affirmé avoir découvert le continent avant Jean Cabot. Pourtant, Selma Huxley Barkham, la spécialiste de la présence des Basques à Terre-Neuve, est catégorique. Les abondantes archives sur les Basques ne mentionnent aucune expédition vers Terre-Neuve avant 1511 ni de traversées courantes au moins avant 1520.

Les Portugais affirment également avoir pêché dans ces eaux bien avant l’arrivée de Jean Cabot. Effectivement, dès 1452, le navigateur portugais Diego de Teive sillonne l’Atlantique et découvre d’autres îles dans l’archipel des Açores, îles qui s’ajoutent à celles déjà connues. Des historiens avancent même qu’il a aperçu plus à l’ouest une terre qui était peut-être Terre-Neuve.

D’autres expéditions comme celle de 1473-1474, qui consiste à trouver de nouvelles îles et des continents plus au nord, offrent fort peu de détails. C’est le roi du Danemark qui organise l’expédition, mais c’est à l’initiative du Portugal. Le pilote, portugais lui aussi, est probablement João Corte-Real. Sa découverte de la « terre du poisson séché », lui vaut un poste de gouverneur dans les Açores. Certains présument que cette terre est Terre-Neuve, mais en l’absence d’un plus grand nombre de renseignements et de preuves, il est impossible de l’affirmer. D’ailleurs, si les Portugais avaient découvert Terre-Neuve avant Jean Cabot, n’y auraient-ils pas pêché en abondance avant tous les autres? Nous savons que les pêcheurs portugais pêchaient dans les eaux de Terre-Neuve dans les années 1500. Ils ne sont pas les premiers à consigner de tels voyages à Terre-Neuve et rien n’indique des activités de pêche intensives.

Il est vraisemblable que des navigateurs européens soient arrivés de manière fortuite à Terre-Neuve avant Jean Cabot. Nous devons tout de même conclure que c’est à lui que revient la découverte de Terre-Neuve, car c’est lui qui non seulement l’a trouvée mais surtout l’a signalée à l’Europe.

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