Les conséquences de la guerre sur les premières colonies

À Terre-Neuve, pratiquement aucune décennie du 17e siècle n'a pu échapper aux répercussions des guerres européennes. L'île a subi des pertes directes en devenant le théâtre de véritables conflits ouverts ainsi que des dommages indirects lors des interruptions de transport qui l'ont souvent empêchée de livrer le poisson salé destiné au marché méditerranéen.

Sir George Calvert, (lord Baltimore), a évoqué le fait que les coûts énormes du combat maritime mené contre le corsaire français de la Rade avaient joué un rôle dans sa décision d'abandonner la colonie d'Avalon en 1629. La première guerre civile anglaise (Grande Rébellion) des années 1640 a stimulé le commerce entre Terre-Neuve et les nouvelles colonies de la Nouvelle-Angleterre, mais le conflit entre les forces royalistes et les forces parlementaires pour le contrôle des ports du West Country (région du sud-ouest de l'Angleterre) a créé un climat d'incertitude dans le domaine du commerce du poisson et, par le fait même, au sein des jeunes colonies de la côte anglaise. Après la victoire des forces parlementaires en 1649, le gouverneur de Terre-Neuve, sir David Kirke, a payé le prix en tant que royaliste, d'abord sous le gouvernement du Commonwealth, puis sous le protectorat d'Oliver Cromwell établi peu de temps après. Le protectorat s'est ensuite engagé dans une guerre navale avec les Pays-Bas qui a causé la perte de plusieurs des bateaux utilisés jusque-là pour la pêche dans les eaux de Terre-Neuve.

Sir George Calvert, 1579/80-1632
Sir George Calvert, 1579/80-1632
Tableau de Daniel Mijtens. Autorisé sous licence dans le domaine public par Wikimedia Commons

En guerre avec les Pays-Bas

La deuxième guerre avec les Pays-Bas a incité une flotte néerlandaise à lancer une attaque contre Terre-Neuve en 1665. Les Néerlandais s'intéressaient depuis longtemps à cette région puisqu'ils y faisaient commerce depuis le 16e siècle grâce à leurs bateaux spécialisés dans le transport des cargaisons (sack ships). L'amiral de Ruyter a pillé St. John's bien qu'il ait décidé de ne pas suivre les ordres qui lui avaient été donnés de brûler la ville à cause, dira-t-il plus tard, de l'état de pauvreté de celle-ci. En 1673, la troisième guerre anglo-néerlandaise a donné lieu à une sérieuse offensive sur le poste anglais de Ferryland et d'autres colonies. Des fouilles archéologiques effectuées sur le site de la colonie d'Avalon indiquent que l'impressionnante propriété située au bord de l'eau à Pool Plantation avait été bombardée et brûlée, mais que certaines maisons avaient probablement résisté à l'attaque.

La guerre franco-anglaise

La fin du 17e siècle a été témoin d'une guerre prolongée entre la Grande-Bretagne et la France qui a causé une destruction économique et sociale dans les colonies du nord entre 1688 et 1713. En 1694, les Français ont attaqué le poste anglais de Ferryland, lequel était bien défendu grâce à un fort érigé par le capitaine William Holman. Ce fort a été découvert lors de fouilles récentes. Pendant l'hiver de 1696-1697, un détachement composé de guerriers amérindiens et canadiens-français, sous le commandement du gouverneur de Brouillan et de Pierre Le Moyne d'Iberville, est revenu sur les lieux pour dévaster la plus grande partie de la côte anglaise. Au cours de cet assaut, qui a détruit les possessions de la bourgeoisie anglaise locale (les colons propriétaires), les Français ont détenu leurs prisonniers à Plaisance dans l'espoir d'obtenir une rançon. Même si la colonie a été brièvement anéantie dans la plupart des collectivités, les colons (habitants-pêcheurs) ont fait une demande d'aide pour retourner dans leurs ports respectifs, ce qui a permis de restaurer rapidement la colonie. Ces colons ont subi de grandes pertes au cours de cette période, mais leurs malheurs étaient loin d'être terminés puisque le conflit avec les Français n'a cessé d'éclater de façon sporadique à Terre-Neuve jusqu'à la signature du traité d'Utrecht en 1713.

La destruction de la côte anglaise au tournant du 18e siècle a souligné la nature éphémère des premières colonies anglaises de Terre-Neuve : celles-ci devaient se rendre à l'évidence qu'elles avaient été soudainement éclipsées. Des travailleurs du domaine des pêches originaires des îles Britanniques avaient occupé des douzaines de petites collectivités entre 1621 et 1696. Ils avaient bâti une société qui avait permis à Terre-Neuve de créer des liens non seulement avec la région du sud-ouest de l'Angleterre et l'Irlande, mais aussi avec la Nouvelle-Angleterre, la baie de Chesapeake, les Indes occidentales, les Açores, l'Espagne, le Portugal, la France et les Pays-Bas. Ce sont malheureusement ces mêmes liens qui ont fait de cette île une cible évidente en temps de guerre.

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