Sir George Calvert et la colonie d'Avalon

La carrière de sir George Calvert (?1580-1632) à la cour du roi Jacques 1er atteint son apogée en 1619. Il est alors nommé secrétaire d'État et devient membre du conseil privé du souverain. Rapidement par contre, sa situation à la cour se fragilise et il démissionne de son poste de secrétaire d'État dès le début de 1625. Il annonce simultanément sa conversion au catholicisme. Le monarque le fait baron Baltimore, du nom de ses propriétés en Irlande.

Des intérêts outremer

Son retrait de la cour permet à George Calvert de s'intéresser aux plantations (installations côtières) outre-Atlantique, d'abord à Terre-Neuve, puis plus tard avec succès au Maryland. En 1620, il avait acheté à William Vaughan une parcelle de terre qui s'étendait de la région située un peu au sud d'Aquaforte jusqu'à la baie Caplin (maintenant Calvert) à Terre-Neuve. En 1621, il envoie des colons à Ferryland sous le commandement du capitaine Edward Wynne (ou Winne). C'est l'un des premiers établissements européens permanents du nord-est de l'Amérique du Nord. Elle est aussi parmi les mieux financées, car George Calvert sait exercer son influence et il est riche.

Bol en céramique de grande qualité
Bol en céramique de grande qualité
Ce bol en céramique sigillée de grande qualité a été fabriqué à Estremos au Portugal et imite le style romain. Il a été retrouvé à Ferryland. Il a probablement appartenu à un membre de l'aristocratie en raison de sa valeur. Il montre bien l'aisance qui règne à Ferryland au début de la colonisation et signale de possibles relations commerciales avec le sud de l'Europe.
Avec la permission de J. A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N-L.

Après l'implantation de la colonie, Calvert parvient à obtenir une concession de terre plus importante. En avril 1623, le roi Jacques 1er lui octroie « la province d'Avalon ». Parmi tous les avantages qui y sont rattachés, il reçoit un droit de propriété sur une portion de territoire, un « lot » bien démarqué (du sud d'Aquaforte à Petty Harbour, y compris le territoire intérieur). Il possède les ports, les havres, les anses, les sols, les terres, les forêts, etc., ainsi qu'un droit de pêche. Il sait que les activités de pêche représentent le principal soutien des plantations. La colonisation de Ferryland reste une « aventure de pêche ». Pour George Calvert, l'établissement de la colonie d'Avalon ne se limite pas à l'industrie de la pêche. Il cherche plutôt à favoriser le développement de sa propriété de Terre-Neuve en s'appuyant sur celle-ci.

En 1627, Ferryland compte environ 100 hommes et femmes lorsque George Calvert (qui devient dorénavant lord Baltimore) entreprend son premier voyage vers Terre-Neuve. L'année suivante, il revient s'y installer avec toute sa maisonnée comprenant 40 personnes, dont des serviteurs. Il habite la résidence officielle que lui a construite le capitaine Wynne. Il est possible que parmi les colons qui l'accompagnent se trouvent des Irlandais, car sa famille réside en Irlande depuis plusieurs années.

En 1629, George Calvert n'aime déjà plus sa province de Terre-Neuve. Il en rejette la faute sur les conditions météorologiques exécrables que sa femme et lui ont endurées en 1628-1629. Il se plaint à son ami sir Francis Cottington qu'il a beaucoup souffert dans ce terrible pays où ils faillirent périr lors d'un horrible hiver. Il affirme qu'il est impossible de lui raconter en mots son supplice. Il déclare au roi Jacques 1er que l'hiver persiste de la mi-octobre à la mi-mai sur tout le territoire. La mer et la terre sont si solidement gelées que rien n'y pousse ou n'y nage avant le début de mai. L'air est insupportablement froid, et sa résidence s'est transformée en hôpital tout l'hiver.

L'adieu à Terre-Neuve

La situation économique joue ici un rôle aussi décisif que l'hiver. Ce n'est pas un hasard si la pêche souffre déjà au moment du désengagement de George Calvert envers sa colonie de Terre-Neuve. Les activités y ont chuté d'un tiers depuis les premières années de1620, l'époque de la planification de la colonie d'Avalon. George Calvert a également dû investir la majorité de sa fortune et consacrer beaucoup de temps à la préparation d'une guerre maritime contre le corsaire français La Rade.

Lord Baltimore finit par obtenir une autre province dans la région de Chesapeake. Il quitte donc Terre-Neuve en 1629 en laissant la colonie aux pêcheurs. Les quelque 30 personnes sur place, hommes, femmes et enfants, sont parmi les tout premiers colons anglais établis en permanence dans ce qui est de nos jours le Canada. La colonie parvient à survivre et même à s'enraciner, fortifiée chaque été par la venue de centaines de pêcheurs migratoires.

La religion et la colonie d'Avalon

Lord Baltimore établit la colonie d'Avalon sur des principes dont l'importance dépasse même l'ampleur de l'établissement. Lors de son voyage à Terre-Neuve en 1627, il est accompagné de deux prêtres catholiques dont l'un demeurera dans la colonie jusqu'à la fin de 1629. C'est le début de la présence permanente du clergé catholique en Amérique du Nord britannique. En dépit des graves conflits religieux qui marquent l'époque, George Calvert garantit aux colons de confession catholique la liberté religieuse dans la nouvelle colonie. Il inscrit ce concept inédit dans la charte d'Avalon et, plus tard, dans celle du Maryland. La colonie d'Avalon devient donc la première administration à mettre en application la notion de tolérance religieuse, et ce, malgré l'intolérance fanatique du pasteur de confession puritaine de la colonie, Erasmus Stourton. Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver une croix de style baroque richement façonnée qui témoigne de l'étendue de la pratique religieuse dans la colonie au 17e siècle, même à la suite du départ de ces ministres du culte.

Croix catholique ou anglicane en fer
Croix catholique ou anglicane en fer
Cette croix composée de fer et d'un métal jaunâtre montre des traces de dorures. Certains indices laissent croire qu'elle aurait été sertie de pierres précieuses. Elle a été retrouvée à Ferryland lors de fouilles associées à la colonie de George Calvert. Les archéologues sont incapables de déterminer si la croix appartenait à une église de confession catholique ou anglicane.
Avec la permission de J. A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Les infrastructures

Les premiers colons assurent que George Calvert a construit des lieux visant à protéger les bateaux. Les installations de Pool à Ferryland sont l'un de ces havres aménagés pour la défense. De récentes fouilles archéologiques sous-marines et sur le littoral ont permis de dégager les vestiges des ouvrages de maçonnerie des quais. En 1630, le front de mer de Ferryland ressemble aussi bien aux ports anglais en pierre du sud ouest, le port de Dartmouth par exemple, qu'aux installations de pêche saisonnière en bois parsemées le long de la côte anglaise de Terre-Neuve. George Calvert a voulu investir un montant substantiel dans des infrastructures durables et exigeant peu d'entretien. Cecil Calvert, son fils, déclare que son père a déboursé plus de 20,000 £ (environ 4 millions de dollars en dollars actuels) pour la colonie d'Avalon. C'est un investissement judicieux si l'investisseur en reste le maître. Lord Baltimore craint justement de perdre cet investissement au profit d'autres qui sauront en tirer parti pour bâtir leur fortune. C'est exactement ce qui se produit lorsqu'il abandonne Ferryland. Celui qui retirera tous les avantages de cet investissement prévoyant est sir David Kirke, qui reprend la propriété en 1637. Ses descendants aussi en profiteront. George Calvert avait confié à des agents sa résidence officielle et le reste de son établissement de Ferryland. En 1638, David Kirke demande d'ailleurs à l'un d'eux, William Hill, de quitter les lieux et de s'installer au nord du havre.

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