Les transports et l'exploitation des ressources terrestres

Les progrès accomplis dans le secteur des transports à la fin du 19e et au début du 20e siècle ont eu un impact considérable sur le développement des industries minières et forestières à Terre-Neuve-et-Labrador. La construction du chemin de fer et de nouvelles routes a donné accès à l'intérieur de l'île, ce qui a permis au gouvernement et aux gens d'affaires d'exploiter les ressources naturelles de cette région peu développée.

Le chemin de fer de Terre-Neuve, s.d.
Le chemin de fer de Terre-Neuve, s.d.
La construction du chemin de fer a eu un impact considérable sur l'exploitation des ressources terrestres à Terre-Neuve-et-Labrador.
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-147137).

Au cours des premières décennies du 20e siècle, de nouvelles usines et industries forestières et minières se sont installées le long de la ligne de chemin de fer. Lorsque les dirigeants d'industries découvraient de nouvelles ressources minières et forestières à l'intérieur de l'île, ils décidaient souvent de construire de nouvelles routes ou nouveaux embranchements ferroviaires afin d'avoir accès à la ligne principale du chemin de fer ou à des régions plus peuplées. L'expansion de ces industries spécialisées dans l'exploitation des ressources terrestres n'a pas été rendue possible uniquement à cause des nouveaux modes de transport, mais elle a elle-même contribué à la multiplication de ceux-ci.

Les chemins de fer et l'industrie forestière

La fin du 19e siècle a été difficile pour l'économie traditionnelle de Terre-Neuve-et-Labrador. La chute des prix ainsi que des décennies de surexploitation ont provoqué le déclin de l'industrie de la pêche à la morue et de la chasse au phoque, et les occasions d'emplois étaient rares en dehors de ces secteurs en difficulté. Les représentants du gouvernement ont admis que la situation économique ne leur permettait plus de venir en aide à une population en pleine croissance mais qu'ils avaient bon espoir de créer des emplois en exploitant d'autres ressources naturelles.

Des relèvements géologiques effectués au cours de la première moitié du 19e siècle avaient confirmé que l'intérieur de l'île était probablement riche en ressources minérales et forestières encore inexploitées. Le gouvernement espérait que la construction d'un chemin de fer faciliterait l'accès à cette région et, en 1890, il a mandaté Robert Gillespie Reid pour la construction et l'exploitation du chemin de fer. Huit ans plus tard, au moment de l'achèvement des travaux, la ligne principale traversait le nord de l'île entre la péninsule d'Avalon et la vallée des Exploits, avant de se diriger vers le sud

Voie principale du chemin de fer de Terre-Neuve, 1898
Voie principale du chemin de fer de Terre-Neuve, 1898
En 1898, au moment de l'achèvement des travaux, la voie principale traversait le nord de l'île entre la péninsule d'Avalon et la vallée des Exploits, avant de se diriger vers le sud jusqu'à Port aux Basques.
Carte de Tanya Saunders. © 2001, site Web du Patrimoine de Terre-Neuve-et-Labrador.

L'industrie du bois de sciage a été la première à profiter de ce nouveau mode de transport. Pendant que la voie ferrée progressait vers l'ouest dans les années 1890, des scieries étaient construites à Terra-Nova (1893), Benton (1894), Glenwood (au milieu des années 1890), Norris Arm (à la fin des années 1890) et ailleurs. Même si une pénurie de pin blanc a entraîné le déclin de cette industrie au début des années 1900, l'industrie en pleine croissance du secteur des pâtes et papiers a commencé à exploiter les terres forestières autour du chemin de fer. Des usines ont été construites à des endroits comme Black River, baie Placentia (1897), Grand Falls (1909), Bishop's Falls (1911), Campbellton (1914) et Corner Brook (1925).

Certaines sociétés ont pu acquérir des terres boisées grâce à un contrat d'exploitation du chemin de fer que Reid avait négocié avec le gouvernement. En 1893, Reid a accepté d'exploiter le chemin de fer pendant 10 ans en échange de droits de superficie et de droits miniers sur 5000 acres pour chaque mille exploité. Il est ainsi devenu propriétaire d'environ 6500 milles carrés de terrains le long du chemin de fer. En 1905, il a vendu une partie de ceux-ci à la société Anglo-Newfoundland Development Company (AND) afin qu'elle puisse ériger une usine à Grand Falls. Reid a aussi cédé des terrains à Albert E. Reed and Company pour l'aménagement de l'usine de pâtes et papiers de Bishop's Falls.

Plusieurs exploitants ont construit des lignes secondaires afin que leurs usines puissent se greffer au chemin de fer principal ou à d'autres parties de l'île. C'est ce qu'a fait la société AND en construisant 35 kilomètres de voie ferrée entre son usine de Grand Falls et la ville portuaire de Botwood, d'où elle pouvait exporter son papier journal vers les marchés étrangers. De son côté, l'entreprise Bowater a exploité un chemin de fer privé pour son chantier de Corner Brook en plus de construire un chemin de fer forestier entre Deer Lake et Adies Pond.

La construction du chemin de fer a causé certaines difficultés au secteur forestier. Les étincelles et les charbons ardents qui s'échappaient de la cheminée des locomotives, ainsi que l'explosion des chaudières à vapeur mal entretenues qui alimentaient les scieries, causaient régulièrement des feux de friches catastrophiques. Impatient de promouvoir son plan de diversification économique, le gouvernement de Terre-Neuve a préféré attribuer la plupart de ces incendies à des travailleurs du secteur des pêches prétendument insouciants au lieu de blâmer les locomotives et les chaudières des scieries, ce qu'il aurait été censé faire à la lumière des enquêtes qu'il avait lui-même menées à la suite des feux de forêt particulièrement désastreux de 1903 et 1904. Au cours de la première moitié du 20e siècle, les feux de forêt d'origine industrielle représentaient une menace sérieuse pour les ressources forestières.

Les mines et le transport

Comme pour les usines de papier, la proximité du chemin de fer et d'autres modes de transport permettait d'évaluer le succès éventuel d'une exploitation minière. S'il était impossible aux promoteurs d'avoir accès aux gisements de minerai ou d'exporter ce dernier vers les différents marchés, l'entreprise courait tout droit à sa perte. Après avoir inspecté l'île dans les années 1830 et 1840, le géologue Joseph Jukes avait signalé qu'on y trouverait probablement du charbon et d'autres ressources minérales, mais le manque d'accessibilité à ces régions éloignées était souvent un problème.

À la fin du 19e siècle, à la suite de l'inauguration d'un chapelet de mines de cuivre à baie Notre-Dame, sur la côte nord-est de l'île, le gouvernement et les responsables de l'exploitation minière ont réalisé plus que jamais l'urgence des besoins en infrastructures de transport. Étant donné qu'aucune route ne reliait ces mines à St. John's – le centre commercial et industriel du pays – les opérateurs miniers ne pouvaient compter que sur le transport par bateau pour expédier le minerai à l'extérieur de la baie. De plus, les exportations étaient impossibles entre les mois de novembre et mars à cause des glaces. Ces mines étaient donc très désavantagées par rapport aux autres mines des régions mondiales plus chaudes qui pouvaient exporter leur minerai à longueur d'année sans interruption.

Souhaitant surmonter cet obstacle, le gouvernement Whiteway a planifié la construction d'un chemin de fer entre St. John's et baie Notre-Dame. Malheureusement, le boum de l'exploitation du cuivre tirait déjà à sa fin lorsque sa construction a commencé et les planificateurs ont finalement décidé de contourner la baie.

Néanmoins, le chemin de fer avait ouvert la route aux prospecteurs qui pouvaient désormais se rendre jusqu'au centre de Terre-Neuve. C'est ainsi que, dès 1927, l'exploitation minière a été rendue possible à Buchans. Contrairement à la plupart des mines de l'île de Terre-Neuve – situées près de la côte pour la plupart –, la mine de zinc, plomb et cuivre était située au centre de l'île, ce qui la gardait isolée des baies et des autres collectivités.

En 1926, l'AND Company et l'American Smelting and Refining Company (ASARCO) ont conclu une entente de partenariat dans le but d'exploiter les gisements de minerai à Buchans. À cette époque, le site était une région sauvage inexploitée. Toutefois, à la fin de 1927, Buchans comptait une mine, une église, une école ainsi que des quartiers pour les travailleurs et leurs familles. ASARCO a aussi construit un chemin de fer de 35 kilomètres vers Millertown afin de pouvoir se greffer à la voie principale. Les travailleurs utilisaient cette voie de chemin de fer pour expédier le minerai de Buchans vers le port de Botwood, où l'on procédait ensuite à son exportation.

La mine de Buchans, vers 1928
Buchans Mine, ca. 1928
En 1926, Buchans était une région sauvage inexploitée, mais son paysage a changé considérablement au cours des prochaines années.
Avec la permission du Musée des mineurs de Buchans.

Le chemin de fer a permis à quelques autres mines et carrières moins connues de mener des opérations au centre de l'île de Terre-Neuve. Mentionnons entre autres les carrières de granite de Benton (près de Gander) et du plateau Gaff Topsail (près de Buchans) ainsi que la mine de charbon de Howley, près du lac Grand. Aucune de ces exploitations n'a toutefois connu un succès comparable à celui de la mine de Buchans. Celle-ci a poursuivi ses activités pendant près de 60 ans jusqu'à sa fermeture en 1984.

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