Secteurs non maritimes au début des années 1900

Pour tenter de diversifier l'économie de Terre-Neuve et du Labrador dans des secteurs autres que la pêche à la morue, les représentants du gouvernement ont fait la promotion de divers secteurs non maritimes au cours de la première moitié du 20e siècle. Ce sont dans les secteurs minier et forestier que leurs efforts ont donné les meilleurs résultats, bien que l'agriculture ait elle aussi gagné en importance. La construction de la ligne de chemin de fer vers la fin des années 1800 et de lignes secondaires au début des années 1900 a facilité le développement des secteurs non maritimes, en rendant les terres à l'intérieur de l'île plus accessibles que jamais.

Ligne de chemin de fer le long de la rivière Humber, vers 1896
Ligne de chemin de fer le long de la rivière Humber, vers 1896
La construction de la ligne de chemin fer de Terre-Neuve a ouvert l'accès aux terres à l'intérieur de l'île. Les représentants du gouvernement et du monde des affaires s'intéressent davantage à l'exploitation des ressources naturelles de la région.
Photographe : S. H. Parsons. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 16.01.003), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Au début de la Deuxième Guerre mondiale, de nouvelles mines et usines ont vu le jour un peu partout sur les côtes et à l'intérieur du territoire. Celles-ci ont, à leur tour, mené à l'établissement de divers nouveaux sites de peuplement, notamment de la ville papetière de Grand Falls et de la ville minière de Buchans. Bien que les nouvelles entreprises établies appartiennent pour la plupart à des investisseurs étrangers, Terre-Neuve et le Labrador avaient ainsi diversifié son économie, qui dépendait dès lors de trois ressources plutôt que d'une seule.

Industries forestières

Bien que les usines de bois de sciage aient été présentes à Terre-Neuve et au Labrador depuis les années 1600, la construction de la ligne de chemin de fer a permis à l'industrie de prendre une importance nouvelle en augmentant la demande de bois d'œuvre et en permettant l'accès aux forêts à l'intérieur des terres. Tout au long des années 1890, les exploitants ont construit des usines ou établi des collectivités forestières à Botwoodville, à Norris Arm, à Glenwood, à Millertown, à Terra Nova, à Benton et à divers autres endroits le long de la ligne de chemin de fer. La Grand River Company, une entreprise de la Nouvelle-Écosse, a également construit une usine à Mud Lake, au Labrador, et a commencé à y effectuer des opérations forestières.

Usine de bois de sciage de Botwoodville, vers 1900
Usine de bois de sciage de Botwoodville, vers 1900
La première grande usine de bois de sciage de Terre-Neuve et du Labrador a été construite à Botwoodville (maintenant Botwood) en 1890.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 20.03.002), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

En 1901, Terre-Neuve et le Labrador comptaient près de 200 usines de bois de sciage, qui employaient 2 400 travailleurs. Le pays exportait chaque année jusqu'à 50 millions de pieds-planche de bois d'œuvre, dont la majeure partie était du pin blanc. Toutefois, les années d'exploitation forestière intensive ont épuisé les ressources de pin blanc avant la Première Guerre mondiale, et l'industrie du bois de sciage a alors connu un déclin.

Heureusement, l'industrie des pâtes et papiers, qui était en plein essor et qui exploitait l'épinette noire, le sapin baumier et d'autres variétés de résineux, a créé beaucoup d'emplois pour les bûcherons et les travailleurs d'usine. Tout comme l'industrie du bois de sciage, l'industrie des pâtes et papiers a pris de l'expansion, après que la ligne de chemin de fer eut ouvert l'accès à des forêts auparavant inexploitées en vue d'y réaliser des opérations forestières. En 1909, l'Anglo-Newfoundland Development (AND) Company a ouvert une usine de pâtes et papiers sur la rive nord-ouest de la rivière Exploits. L'entreprise a établi la ville papetière de Grand Falls pour loger les travailleurs d'usine, et en 1911, 1 634 personnes y avaient élu domicile. L'entreprise a également acquis des droits sur les terres forestières de Badger et a commencé à y réaliser des opérations forestières en vue d'alimenter en bois d'œuvre son usine de Grand Falls. La localité de Badger a donc elle aussi connu une croissance rapide au cours des années qui ont suivi.

Après que le site de Grand Falls eut été construit, d'autres usines ont également vu le jour sur l'île, mais celles-ci n'ont pas toutes connu le même succès. En 1911, la société Albert E. Reed and Company a ouvert une usine de pâte de bois à environ 16 kilomètres en aval de Grand Falls, ce qui a mené à la création de la ville de Bishop's Falls. En 1932, l'entreprise a vendu ses droits sur l'usine et ses droits de coupe à l'AND Company, qui a continué à produire de la pâte à papier sur le site de Bishop's Falls jusqu'en 1952.

En 1914, la Horwood Lumber Company a construit une usine à Campbellton, dans la baie Notre Dame, mais a interrompu ses opérations un an plus tard, après la rupture du barrage principal sur le cours d'eau Indian Arm. Dans les années 1920, la Terra Nova Sulphite Company Limited a commencé à construire une usine de papier à Glovertown, mais a manqué d'argent avant d'avoir terminé les travaux de construction. En 1923, l'entreprise a vendu l'ensemble des bâtiments de l'usine, ainsi que tous ses droits sur le bois d'œuvre, à l'AND Company, qui a commencé à expédier le bois de Glovertown à son usine de Grand Falls.

En 1925, avec l'aide d'autres bailleurs de fonds, la Reid Newfoundland Company a construit une usine de papier journal importante et prospère, à proximité de la rivière Humber. En plus de construire cette usine, l'entreprise a également établi un lotissement urbain pour les travailleurs d'usine, lequel est désormais connu sous le nom de Corner Brook. Afin d'alimenter son usine, la Reid Newfoundland Company a construit une centrale hydroélectrique à Deer Lake, et pour la première fois, des gens sont venus s'installer en permanence dans la région.

Usine de Corner Brook, vers 1930
Usine de Corner Brook, vers 1930
En 1925, la Reid Newfoundland Company a construit une usine de papier journal prospère, à proximité de la rivière Humber.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 16.03.001), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Bien que l'usine de Corner Brook ait changé de propriétaire au fil des ans (la société International Paper en a fait l'acquisition en 1926, Bowater a pris la relève en 1938 et Kruger Inc. en est devenu propriétaire en 1984), l'usine a continué de jouer un rôle important dans l'économie de Terre-Neuve et du Labrador et est toujours en activité aujourd'hui.

Exploitation minière

L'industrie minière de Terre-Neuve et du Labrador a également pris de l'expansion vers la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle. Cette croissance est en grande partie attribuable aux progrès technologiques réalisés dans le domaine des transports et de l'exploitation minière, de même qu'au soutien offert par le gouvernement pour favoriser le développement des ressources dans l'espoir de stimuler l'économie et de créer de l'emploi pour une population croissante.

La première mine d'envergure a ouvert ses portes à Tilt Cove en 1864, après que des prospecteurs y eurent découvert d'importants gisements de cuivre et des traces d'or en 1857. À la suite de l'ouverture de cette mine, qui est demeurée en activité jusqu'en 1917, une série d'autres travaux d'exploitation minière d'envergure beaucoup moins grande ont été réalisés dans la baie Notre Dame, sur la côte nord-est de l'île. Des mines de cuivre ont ouvert leurs portes à des endroits comme Terra Nova (1860–1864, 1902–1906 et 1910–1915), Betts Cove (1875–1886), Little Bay (1878–1894, 1898–1901 et 1961–1968) et Pilley's Island (1887–1889, 1892–1899 et 1902–1908). Toutefois, la baisse soudaine des prix du cuivre sur le marché mondial, en 1907–1908, a mis un terme à l'essor de l'industrie du cuivre à Terre-Neuve et au Labrador.

Mine de Tilt Cove, vers 1900
Mine de Tilt Cove, vers 1900
La première mine d'envergure de Terre-Neuve et du Labrador a ouvert ses portes à Tilt Cove en 1864.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 13.06.001), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

L'ouverture des mines de minerai de fer lucratives de l'île Bell, en 1895, a aidé à compenser le déclin de l'industrie du cuivre. Ces mines, qui employaient des centaines de travailleurs de l'endroit, ont contribué à l'établissement de la ville minière de Wabana. Deux entreprises de la Nouvelle-Écosse, la Nova Scotia Steel and Coal Company et la Dominion Steel Corporation (DOSCO), sont demeurées propriétaires de ces mines pendant la majeure partie des années où celles-ci ont été exploitées. Lorsque ces mines ont fermé leurs portes en 1966, elles avaient produit environ 81 millions de tonnes de minerai de fer, qui avaient été en grande partie exportées en Nouvelle-Écosse et en Europe.

Dix ans après l'ouverture des mines de l'île Bell, de riches gisements minéraux furent découverts près de la rivière Buchans, au centre de Terre-Neuve. En 1905, l'AND Company a acquis des droits exclusifs sur le bois d'œuvre, l'eau et les minéraux, pour une période de 99 ans, sur une superficie de 6 000 kilomètres carrés de terre autour des lacs Red Indian et Victoria. Bien que l'entreprise fût principalement intéressée par les forêts du pays, elle a tout de même embauché un prospecteur chargé de chercher des gisements minéraux sur ses terres. Si du zinc, du plomb, du cuivre, de l'or et de l'argent ont été découverts en 1905, l'AND Company n'a commencé ses travaux d'exploitation minière qu'en 1927, lorsque les avancées technologiques ont permis aux travailleurs d'extraire et de séparer les minéraux. L'entreprise a également établi la collectivité de Buchans pour loger les employés. Lorsque la mine a fermé ses portes en 1984, elle avait produit environ 17,5 millions de tonnes de minerai, dont 3,8 millions de tonnes de zinc, 1,8 million de tonnes de plomb et 580 000 tonnes de cuivre.

La DOSCO de Sydney, en Nouvelle-Écosse, a ouvert une carrière de calcaire à Jack of Clubs Cove, sur la côte ouest de l'île en 1912. L'entreprise a également établi la ville minière d'Aguathuna pour loger les travailleurs. La DOSCO a poursuivi ses activités à Aguathuna jusqu'en 1966, année où elle a fermé la mine et vendu tous ses avoirs fonciers au gouvernement pour la somme de 1 000 $.

La mine de fluorine de St. Lawrence, qui a été ouverte en 1933 par la St. Lawrence Corporation of Newfoundland basée aux États-Unis, est une autre mine d'envergure qui a vu le jour avant la Confédération. Lorsque cette mine a fermé en 1977, elle avait produit plus de 4,2 millions de tonnes de fluorine, un minéral utilisé dans la fabrication de l'aluminium, du verre, de l'émail, de fluides frigorigènes et d'autres matériaux. La mine a rouvert ses portes en 1982, avant de fermer de nouveau en 1990. Bien que ce projet d'exploitation ait fourni un emploi à des centaines de travailleurs, un grand nombre d'entre eux sont tombés malades et certains sont même décédés des suites de leur exposition au radon et à la poussière de silice dans les puits de mine mal ventilés.

Agriculture

L'agriculture a également pris de l'expansion au cours du demi-siècle qui a précédé la Confédération, mais elle n'a pas connu le même succès économique que les industries forestière et minière. Les agriculteurs commerciaux de Terre-Neuve et du Labrador ont dû surmonter un certain nombre d'obstacles: le terrain accidenté du pays a rendu difficile et coûteux le défrichement de nouvelles terres, le climat et le sol acide n'étaient propices à la culture que d'une petite variété de produits agricoles et la rareté des marchés locaux limitait la possibilité de tirer un revenu substantiel.

Néanmoins, entre la fin du 19e siècle et le milieu du 20e siècle, diverses administrations gouvernementales ont tenté d'encourager l'agriculture pour essayer de diversifier l'économie et de fournir un revenu supplémentaire aux gens. Le gouvernement responsable a offert des incitatifs en espèce, dans les années 1870 et 1880, afin d'aider les agriculteurs à acheter et à défricher de nouvelles terres, tandis que la Commission de gouvernement de Terre-Neuve a élaboré un programme de colonisation rurale pendant la Grande Dépression, afin d'encourager l'agriculture. Dans le cadre de ce programme, la Commission a créé plusieurs nouvelles communautés agricoles à divers endroits, tels que Markland, Brown's Arm, Lourdes et Midland, avant d'abolir ce projet coûteux en 1941. Vers le milieu des années 1930, le gouvernement a également établi une ferme de démonstration et une école d'agriculture à proximité de St. John's afin de contribuer à la formation de futurs agriculteurs.

Le développement de nouvelles zones populeuses à Grand Falls, à Corner Brook, à Buchans et dans d'autres régions à la suite de la construction de la ligne de chemin de fer a également créé de nouveaux marchés à l'extérieur de St. John's pour les agriculteurs de l'endroit. Cependant, l'agriculture à Terre-Neuve et au Labrador a continué d'être pratiquée en grande partie à des fins de subsistance plutôt que d'évoluer et de devenir une industrie à part entière. Selon le recensement de 1935, seulement 4 339 personnes exerçaient le métier d'agriculteur, alors que 35 469 personnes cultivaient une parcelle de terre, tout en exerçant un des autres métiers possibles.

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