Le projet de la baie de Voisey et l'environnement

Comme toute activité industrielle, le projet de la baie de Voisey, s'il n'est pas géré de manière appropriée par l'industrie et par le gouvernement, a le potentiel de causer des dommages considérables à l'environnement. Pour extraire le minerai, le séparer de la roche et l'expédier sur le marché, l'industrie minière doit inévitablement perturber l'écosystème local, pouvant notamment libérer des matières toxiques et d'autres polluants dans l'environnement, détruire la faune et son habitat et contaminer les aliments, l'eau et les autres ressources utilisées par les collectivités voisines.

Diverses préoccupations écologiques sont associées au projet de la baie de Voisey. Pour séparer le nickel du minerai, on utilise de grandes quantités de carburant, de pétrole et d'autres matières dangereuses, qui peuvent tous être déversés accidentellement dans la nature. La transformation du minerai entraîne la création de déchets, ou résidus miniers, qui peuvent libérer des acides dans la nature s'ils ne sont pas éliminés de façon appropriée. La poussière produite par la mine et l'usine de concentration peut nuire à la qualité de l'air et polluer les lacs et les rivières des environs, empoisonnant les poissons. Le site de la mine elle-même et le tracé de ses couloirs de navigation peuvent aussi perturber l'écosystème, et affecter les phoques, les oiseaux de mer, les caribous et les ours.

Pétrole, résidus miniers et autres polluants

Le processus d'extraction a recours à diverses substances toxiques comme les carburants, les hydrocarbures, la graisse, divers aérosols et antigels, le méthanol et les batteries d'équipement. Ces produits peuvent aboutir dans l'écosystème à la suite de déversements, de pannes, d'erreurs humaines et d'autres accidents, posant de graves menaces pour la santé humaine, la qualité de l'air et de l'eau, la faune et son habitat et le bien-être général des écosystèmes locaux.

À cause des grandes quantités de carburants, de mazout, de graisses et d'autres hydrocarbures requis pour l'opération et l'entretien des machines, les déversements sont au nombre des plus grands risques associés à l'industrie minière. Ainsi, en 2006, le projet de la baie de Voisey a brûlé quelque 30 millions de litres de carburant diesel et 35 000 litres d'essence. La compagnie a signalé cette année-là deux déversements d'hydrocarbures : 350 litres de carburant diesel répandu sur le site minier lorsqu'un gros rocher a percé un réservoir; et 200 litres d'huile hydraulique déversée sur une route à la suite d'un bris mécanique. Dans son rapport de performance environnementale de 2006, Vale Inco indique que ces déversements n'ont pas contaminé de cours d'eau et ont tous deux été contenus.

Autre source de préoccupation, une fois que les minéraux convoités ont été extraits du minerai, l'environnement peut être pollué par les substances toxiques contenues dans les résidus miniers : roche concassée, eau, métaux, hydrocarbures et autres produits chimiques utilisés pour l'extraction. Le concentrateur de la baie de Voisey produit de larges quantités de résidus, et il en est de même à l'usine de raffinage à Long Harbour qui est entrée en service en 2014.

Étant donné que les minéraux de la baie de Voisey contiennent des sulfures hautement réactifs, les résidus non traités peuvent libérer de l'acide dans l'environnement. Il est donc crucial que Vale Inco dispose de ces rejets toxiques de manière appropriée. Le processus adopté par la compagnie à la baie de Voisey consiste à submerger ces résidus au fond d'un étang voisin. Des digues et des géomembranes étanches empêchent ces résidus de polluer d'autres cours d'eau ou de s'infiltrer dans le sol sous-jacent. Cependant, certains risques subsistent. Ces étangs de rétention risquent d'attirer des caribous, des canards et d'autres créatures sauvages, les exposant à des substances toxiques susceptibles de les rendre malades ou de les tuer. De même, il suffit que la géomembrane se déchire pour que les résidus miniers contaminent les zones voisines.

Vale Inco pompe les résidus de la mine dans l'étang Headwater, situé à environ neuf kilomètres de la mine. Pour préparer cet étang, la compagnie a édifié des digues de douze mètres de haut à la tête et au déversoir de l'étang, en a tapissé le fond d'une géomembrane et en a transporté les poissons dans une autre étendue d'eau, l'étang 61. Malgré ces précautions, des accidents sont survenus. Ainsi, en mai 2006, quelque 1100 m3 d'eau résiduelle ont fui dans le ruisseau Camp Pond voisin par une déchirure de la géomembrane. En novembre 2007, un bris d'équipement le long du pipeline d'acheminement à l'étang des résidus du concentrateur a provoqué l'écoulement d'environ 50 m3 de boue contaminée sur une route et dans un marécage voisin.

La mine de la baie de Voisey produit toutes sortes d'autres résidus toxiques, notamment des batteries et des filtres à huile usés, des bouteilles d'aérosols vides, de l'antigel, des chiffons imprégnés de graisse, des rebuts de méthanol et de carbone et divers autres déchets et produits chimiques. Pour éliminer tous ces produits, les travailleurs doivent avoir recours aux techniques les plus responsables qui soient sur le plan de l'environnement.

Poussière et gaz à effet de serre

Les sites miniers présentent souvent des problèmes de poussière, qui vient polluer l'atmosphère et les cours d'eau des environs. Le défrichage, l'activité des bulldozers, l'abattage du minerai aux explosifs, son concassage et son transport par convoyeur, le camionnage de matériaux sur des routes de terre, le chargement des navires et diverses autres activités peuvent tous créer de la poussière, qui reste en suspension dans l'atmosphère et peut être transportée à distance par le vent.

Les particules de poussière contiennent des métaux lourds et des produits chimiques toxiques qui peuvent compromettre la santé des écosystèmes locaux en se déposant sur les plantes et les cours d'eau. Les humains risquent d'être atteints de maladies respiratoires et autres; les particules de poussière de moins de 2,5 microns (1 micron équivaut à 1/1000e de mm) posent les plus graves dangers pour la santé humaine, puisqu'elles sont assez petites pour s'infiltrer dans les sacs alvéolaires des poumons.

Des stations de surveillance testent la présence de particules de poussière, d'oxyde nitreux et d'autres substances chimiques à la baie de Voisey. Dans son rapport de performance environnementale de 2007, Vale Inco a signalé que le taux de poussière au site portuaire avait dépassé les limites recommandées à trois reprises, soit une fois en avril et deux fois en août. La compagnie a attribué ces taux élevés à la poussière soulevée par les vents violents et par le nettoyage du système de convoyage et de chargement des navires.

Les autres importants polluants atmosphériques créés aux sites de mines sont les gaz à effet de serre. L'oxyde nitreux et le CO2, notamment, sont produits par la combustion des carburants qui alimentent les véhicules et la machinerie, entre autres. En 2007, Vale Inco a signalé que sa centrale au diesel avait produit au site de la baie de Voisey 96 000 mégawatts-heure d'électricité (1 mégawatt-heure équivaut à 1000 kilowatts durant une heure), brûlant à cette fin plus de 24 millions de litres de carburant. S'ajoutent à cette pollution les gaz d'échappement des camions, des navires et des autres véhicules et machines requis pour extraire, concentrer et transporter le minerai.

Faune et habitats fauniques

L'exploitation d'une mine peut nuire aux espèces animales locales en détruisant ou abîmant leur habitat, en répandant des polluants dans la nature et en créant du bruit et d'autres dérangements. Le projet de la baie de Voisey est susceptible d'avoir un impact sur les caribous, les ours, les phoques, les oiseaux de mer et les poissons. On craint aussi la contamination d'aliments récoltés traditionnellement par les Innus et les Inuit.

Les activités de transport maritime risquent de déranger les phoques et d'autres mammifères marins en produisant du bruit et en brisant la glace de mer. Un déversement d'hydrocarbures pourrait causer de graves dommages à l'écosystème marin. En vertu de son entente avec l'Association des Inuit du Labrador (AIL), Vale Inco n'est pas autorisé à expédier du minerai du Labrador durant une période de six semaines au début de l'hiver, lorsque la banquise se forme, et durant une période identique au printemps, quand la banquise a peu de chance de se reformer. On cherche ainsi à éviter que le transit des navires détruise l'important habitat glaciaire des populations de phoques.

Cette région du Labrador abrite aussi des oiseaux de mer, servant notamment de site de reproduction à l'arlequin plongeur, désigné « espèce préoccupante » par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), en raison de sa faible population; or, la mine risque de perturber les habitudes d'accouplement de cet oiseau. En outre, le passage des navires peut nuire à la reproduction et aux autres activités des colonies de guillemots à miroir établies le long du couloir de navigation.

Pour traiter le minerai, le projet de la baie de Voisey pompe d'énormes volumes d'eau, qu'il recycle ensuite à une station de traitement des eaux résiduaires et déverse dans la baie d'Anaktalak. Même si les études menées par Vale Inco en 2007 ont conclu que cette pratique n'avait pas pollué l'eau de la baie, il demeure possible que ces déversements finissent par nuire à la santé des poissons et d'autres créatures marines. Ainsi, la compagnie a relevé en 2007 que l'eau résiduelle était possiblement responsable d'une réduction du poids des moules juvéniles et adultes.

Le site de la mine empiète aussi sur certains territoires des caribous et des ours noirs. Le bruit, les activités humaines, la pollution atmosphérique et la destruction de la flore dans le secteur exploité peuvent affecter ces animaux; ceci dit, dans son rapport de 1999 sur le projet de la baie de Voisey, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a conclu que cet impact serait probablement minime.

Quoi qu'il en soit, le processus minier expose de toute évidence les écosystèmes des environs à nombre de dommages. Il est donc important que l'industrie, le gouvernement et les écologistes œuvrent de concert à identifier les risques du projet pour l'environnement, à lui appliquer de strictes directives d'exploitation et à surveiller de près ses répercussions.

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