Les industries forestières de 1970 à 2010

Les industries forestières contribuent fortement à l'économie de Terre-Neuve-et-Labrador. Elles créent des emplois, stimulent les entreprises locales, ajoutent aux recettes du gouvernement par les taxes et divers autres moyens, et aident à diversifier l'économie provinciale. Depuis les années 1970, le secteur forestier de Terre-Neuve-et-Labrador est constitué d'usines de papier journal, de scieries, d'activités d'abattage, d'une fabrique de carton doublure et de diverses entreprises de production d'articles en bois. La plupart de ces activités sont concentrées dans le centre et l'ouest de Terre-Neuve; le gouvernement et l'industrie manifestent également de l'intérêt pour les vastes forêts du Labrador.

Papeterie de la société AbitibiBowater à Grand Falls, 2011
Papeterie de la société AbitibiBowater à Grand Falls, 2011
La papeterie de Grand Falls produit du papier journal depuis 1909.
Reproduit avec la permission de Rosaline Mouland, © 2011

Exploité depuis plus d'un siècle, le secteur forestier commercial de Terre-Neuve-et-Labrador ne parvient pas à montrer des profits réguliers. Les industries forestières, à la merci des marchés internationaux, sont exposées à des risques et des incertitudes de toutes sortes. Ces dernières années, une récession mondiale et une crise de l'industrie du journal imprimé ont sapé la profitabilité du secteur forestier. La demande de papier journal et d'autres produits du papier a fondu au soleil, contraignant diverses usines à réduire leur production, à licencier des employés ou même à cesser leurs activités. En 2009, la foresterie et la coupe du bois employaient à peine 0,2 p. 100 des travailleurs de la province, pour rapporter environ 0,3 p. 100 du produit intérieur brut.

Après la fermeture des usines d'AbitibiBowater à Stephenville (2005) et à Grand Falls-Windsor (2009), l'usine de papier journal de Corner Brook reste la seule en activité dans l'île. De nombreuses scieries tournent encore dans la province, ainsi que diverses manufactures de revêtements de plancher, d'armoires de cuisine, de meubles et d'autres articles fabriqués de bois d'œuvre abattu localement.

Industrie des pâtes et papiers

L'industrie des pâtes et papiers a longtemps été la pierre angulaire du secteur forestier de Terre-Neuve-et-Labrador, étant donné qu'elle crée généralement plus d'emplois et rapporte davantage que toute autre industrie forestière. Il y avait en 1972 deux usines de pâtes et papiers dans l'île, l'une à Grand Falls et l'autre à Corner Brook. La première était exploitée par la Price Pulp and Paper Company; au gré de diverses fusions, elle aura appartenu à Abitibi-Price en 1975, à Abitibi-Consolidated en 1997 et à AbitibiBowater à compter de 2007. Abitibi-Price a acheté de la province la fabrique de carton doublure en faillite de Stephenville, pour en faire la troisième papeterie de l'île en 1981. Quant à l'usine de Corner Brook, elle a été achetée par la société Bowaters en 1938, qui l'a revendue en 1984 à Kruger Inc., notamment en raison d'une chute des profits.

Chacune des trois usines de l'île aura été une mine d'emplois de premier ordre dans sa région, et aura garanti la prospérité des économies locales. Les papeteries ne créent pas des emplois seulement pour les travailleurs d'usines, mais aussi pour les bûcherons, les camionneurs, les débardeurs et tous les travailleurs engagés dans la récolte, la transformation et l'expédition du bois et du papier journal. Ces emplois se répartissent entre les résidants des villes où s'élèvent les usines et les travailleurs forestiers des petites collectivités voisines des forêts sur lesquelles les entreprises détiennent des droits de coupe, dans le centre, l'ouest et le nord de la province. En 1989, l'industrie des pâtes et papiers terre-neuvienne a créé des emplois directs pour 2 200 travailleurs en usine et 1 500 travailleurs forestiers.

Dans l'industrie forestière, les salaires sont plutôt élevés par rapport à la moyenne des emplois en région : en 2007, les travailleurs d'usine étaient payés 1 146 $ par semaine et les travailleurs forestiers recevaient 924 $ par semaine, alors que le salaire hebdomadaire moyen des travailleurs de la province était de 665 $. Il est reconnu que les gens qui ont des emplois bien payés dépensent davantage et profitent à d'autres secteurs de l'économie, notamment aux industries du détail et de l'immobilier. Les administrations fédérale, provinciales et municipales profitent aussi d'un niveau de taxation supérieur sur leurs revenus, leurs propriétés et leurs ventes.

Difficultés en vue pour l'industrie du papier journal

Malgré son importance pour l'économie de la province, l'industrie des pâtes et papiers n'est pas à l'abri des risques. Les papetières doivent vendre du papier journal sur le marché international, où les cours et la demande fluctuent en raison de nombreux facteurs hors du contrôle de l'industrie locale. On songe notamment aux fluctuations du cours du dollar canadien et des autres devises, à la santé de l'économie internationale, en particulier de l'industrie des journaux, et aux conditions socioéconomiques des pays acheteurs de papier journal.

Ces dernières années, un ralentissement des marchés et une récession mondiale ont nui à l'industrie des pâtes et papiers. De tous temps, les papeteries de Terre-Neuve-et-Labrador ont surtout alimenté les marchés d'Amérique du Nord et d'Europe; or, depuis la fin des années 1990, on observe sur les deux continents un déclin constant de la demande de papier journal, attribuable en partie à la concurrence des médias en ligne qui ont grugé les ventes de journaux et forcé certains éditeurs à réduire soit le nombre d'exemplaires imprimés, soit le format de leurs journaux. La consommation de papier journal aux États-Unis a baissé de quasi 50 p. 100 durant les huit premières années du 21e siècle, passant de 11,9 millions de tonnes en 2000 à 6,8 millions de tonnes en 2008.

Pour compenser la baisse de leurs profits, les compagnies papetières de la province ont licencié des travailleurs et fortement réduit leur production. Abitibi a fermé son usine de Stephenville en octobre 2005, éliminant autour de 300 emplois à temps plein et à temps partiel. En 2009, la même compagnie allait aussi fermer son usine de papier journal centenaire de Grand Falls-Windsor, mettant à pied 450 employés à temps plein et 500 travailleurs saisonniers ou à temps partiel.

Barrières fermées à l'usine d'AbitibiBowater, 2011
Barrières fermées à l'usine d'AbitibiBowater, 2011
AbitibiBowater a fermé son usine de papier journal centenaire de Grand Falls-Windsor en 2009.
Reproduit avec la permission de Roseline Mouland. ©2011

La société Kruger exploite toujours son usine de Corner Brook, mais a dû réduire sa force de travail et sa production pour rester rentable. La chute des ventes de papier journal et le cours élevé du dollar canadien en 2009 ont nui aux profits de Kruger, l'amenant à fermer une de ses trois machines à papier; 70 employés d'usine et 60 travailleurs forestiers ont alors été mis à pied. L'entreprise emploie toujours quelque 530 travailleurs, 380 à son usine et 150 autres en forêt.

Scieries et entreprises à valeur ajoutée

L'industrie du bois de sciage (également appelé bois d'œuvre) est la deuxième en importance dans le secteur forestier de la province. Elle réunit des grandes scieries commerciales exploitées à l'année longue, ainsi que des scieries familiales saisonnières, beaucoup plus modestes. En 2003, les quelque 175 à 260 travailleurs des grandes scieries étaient payés entre 10 $ et 16 $ de l'heure.

Les scieries de la province vendent le gros de leur bois d'œuvre aux États-Unis et aux marchés locaux. Comme dans l'industrie du papier journal, la valeur des exportations de bois fluctue en fonction de divers facteurs externes, notamment de la vigueur du marché de l'habitation nord-américain, des hauts et des bas de l'économie mondiale et des fluctuations du cours du dollar canadien.

Le prix du bois est tombé de 50 p. 100 entre 2004 et 2008, passant de 405 à 200 dollars américains par mille pieds-planche. Durant cette période, la production de bois d'œuvre de la province a diminué de 125 millions à environ 70 millions de pieds-planche. Certains propriétaires de scieries, leurs profits en chute libre, ont fermé leurs usines, alors que d'autres ont réduit leur main-d'œuvre.

Le troisième élément du secteur forestier de Terre-Neuve-et-Labrador regroupe ce qu'on appelle les industries à valeur ajoutée. On parle ici de manufactures qui transforment du bois récolté localement en une vaste gamme de produits comme des meubles, des armoires de cuisine, des guitares acoustiques, des revêtements de plancher, des boiseries, des revêtements extérieurs et des moulures. À la différence des papeteries, les industries à valeur ajoutée ont un faible effectif : la plupart des usines ont moins de 15 employés. En 2003, on comptait une vingtaine d'entreprises de ce genre dans la province, qui employaient ensemble quelque 250 travailleurs et avaient une valeur économique de 10 millions de dollars.

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