Les industries forestières et l'environnement

Les forêts de Terre-Neuve-et-Labrador sont une ressource renouvelable, pour autant qu'elles sont exploitées de façon durable. Si la repousse naturelle et la plantation ne suffisent pas à remplacer les arbres abattus, les ressources forestières diminuent, et risquent même de disparaître, entraînant une catastrophe économique et écologique. Les forêts servent d'habitat aux animaux sauvages, captent les dangereux gaz à effet de serre de l'atmosphère, réduisent l'érosion des sols et favorisent la santé de l'environnement de maintes autres façons; il est donc vital qu'elles soient exploitées de façon responsable.

Les sociétés forestières commerciales de Terre-Neuve-et-Labrador récoltent, transportent et transforment d'énormes volumes de bois. Chacune de ces activités est susceptible d'endommager les écosystèmes forestiers et l'environnement en général. Ainsi, les bûcherons, même après leur transition de la scie à bûches à la scie à chaîne, ont été remplacés en forêt par d'énormes machines qui récoltent beaucoup plus de bois en bien moins de temps. Si cette mécanisation a permis aux compagnies papetières et à d'autres industries de récolter davantage de bois, elle a causé des dommages sans précédent aux écosystèmes forestiers.

Quiconque veut abattre des arbres à Terre-Neuve-et-Labrador doit d'abord satisfaire à divers règlements visant le volume de bois autorisé dans l'année, les sites choisis à la coupe et les méthodes d'abattage permises. Les usines de papier journal et les autres industries associées aux produits du bois doivent aussi satisfaire aux normes environnementales établies par la province et le gouvernement fédéral. Des programmes gouvernementaux de sylviculture s'emploient à préserver la santé à long terme des forêts existantes.

Exploitation forestière et environnement

Dans la province comme ailleurs au Canada, on pratique communément la coupe à blanc, autrement dit l'abattage et l'enlèvement d'un peuplement d'arbres au complet. Malgré son efficacité, la coupe à blanc crée divers problèmes écologiques. Elle peut aggraver l'impact du vent et de la pluie sur les écosystèmes locaux, détruire l'habitat précieux d'espèces sauvages comme la martre des pins et le caribou parmi d'autres, et assécher le sol forestier, dont l'échauffement accroît les risques d'incendie et perturbe la repousse des jeunes plants. Les activités d'abattage peuvent aussi altérer la composition chimique et physique des lacs et cours d'eau qui arrosent le site, nuisant à la santé des poissons et des autres créatures aquatiques.

Aux dires d'aménagistes professionnels et de bûcherons, la coupe à blanc imite des perturbations naturelles comme les feux de forêts et les infestations d'insectes, et est viable lorsque gérée correctement. La coupe des arbres adultes expose les jeunes plants à plus de lumière et de pluie, ce qui en encourage la croissance. Des travailleurs forestiers visitent les zones de coupe à blanc et les replantent si la repousse n'a pas atteint un niveau satisfaisant après environ six ans. À Terre-Neuve-et-Labrador, où le climat frais et humide stimule la repousse, la régénération des zones coupées à blanc ne semble pas soulever de problème majeur, la prévalence de tourbières près des zones boisées favorisant encore la régénération.

En 2000 et en 2001, des intervenants ont protesté contre le plan de la société forestière Kruger de pratiquer une coupe à blanc dans les terres forestières aux environs immédiats de la rivière Main, près du parc national du Gros-Morne. Ce site comprenait une rare forêt boréale adulte, habitat de sapins baumiers de 250 ans et d'une faune variée, notamment de la martre des pins, une espèce menacée de disparition. Pour les protestataires, l'abattage dans cette région allait causer des dommages irréparables à l'environnement et à la population de martre des pins. Devant ces protestations, le gouvernement fédéral a désigné la rivière Main « rivière du patrimoine canadien » en 2002. La coupe à blanc y a été interdite, mais la province a tout de même permis à la société Kruger de mener des opérations de coupe limitées aux environs du cours d'eau.

Ces dernières années, les gouvernements ont voulu mieux encadrer la coupe à blanc. Les bûcherons doivent désormais préserver des couloirs pour le passage de la faune dans les zones d'abattage, afin que les animaux puissent circuler entre les aires boisées sans avoir à traverser des étendues dépourvues d'arbres. Une loi provinciale, la 1990 Forestry Act, a interdit tout abattage dans des zones tampons autour des cours d'eau et des étangs. Depuis l'adoption de cette loi, la taille des aires de coupe à blanc a diminué.

Transport et transformation du bois

Il n'y a pas que l'abattage des arbres qui affecte l'environnement. Pour que les machines se rendent aux lieux de coupe et que des camions en rapportent le bois à la papeterie ou ailleurs, il faut tracer des routes en forêt. Compactés par les passages, les sols transformés en route se prêtent rarement à la repousse une fois l'abattage terminé. De plus, les chemins forestiers ouvrent à la population en général des zones auparavant difficiles d'accès; il en résulte une perturbation accrue des écosystèmes forestiers par des activités humaines comme l'abandon de détritus, la chasse et la pollution par les gaz d'échappement des véhicules tout terrain (VTT), eux-mêmes responsables de graves dommages écologiques.

Les usines de pâtes et papiers déchargent des eaux résiduaires (effluents) dans les cours d'eau, exposant la vie aquatique à des produits chimiques toxiques. En 1992, une étude a établi que la papeterie de Corner Brook déversait dans le bras Humber des effluents contenant des fibres de bois qui étouffaient les organismes benthiques. Après avoir plaidé coupable d'avoir déversé des substances toxiques dans le bras Humber en 1996, la société Kruger a dû payer 500 000 $ d'amende, ainsi que 125 000 $ pour la réalisation de divers projets locaux. La papetière a aussi réduit la présence de déchets solides dans ses effluents en construisant une deuxième station d'épuration.

Les papeteries produisent également des gaz à effet de serre et d'autres polluants. Pour veiller à ce que ses émissions ne dépassent pas les normes provinciales, la société Kruger a construit des stations d'échantillonnage de l'air près de son usine de Corner Brook.

La loi sur les forêts (1990 Forestry Act)

Tous les utilisateurs des forêts de Terre-Neuve-et-Labrador, que ce soient de grandes sociétés multinationales, de petites compagnies locales ou des habitants du coin, doivent se plier à divers règlements qui stipulent comment, à quel endroit, et en quelles quantités ils sont autorisés à couper du bois. L'aménagement forestier de la province est gouverné par la 1990 Forestry Act (Loi sur les forêts), qui exige que toutes les ressources forestières soient prélevées de manière durable.

Le gouvernement provincial a divisé le territoire en 24 zones d'aménagement, 18 dans l'île et six au Labrador. Chaque année, la Direction des ressources forestières produit une possibilité annuelle de coupe (PAC) pour chaque district, autrement dit un contingent fondé sur le volume d'arbres qu'il est possible de tirer d'une forêt tout en la conservant dans son état normal. Pour déterminer la PAC, les aménagistes doivent tenir compte de nombreux facteurs, notamment l'âge, l'abondance et la composition en espèces des arbres en place, leur taux de croissance anticipé et le volume d'arbres susceptibles d'être détruits par les incendies, les infestations et d'autres phénomènes naturels. Les aménagistes visitent chaque district tous les cinq ans pour déterminer l'approvisionnement en bois et réviser les PAC.

Les forêts de Terre-Neuve-et-Labrador sont une ressource naturelle abondante et précieuse. Elles couvrent 45 p. 100 de l'île et 60 p. 100 du Labrador, contribuant à notre économie et à notre niveau de vie. Si elles sont exploitées de façon durable, elles continueront de le faire indéfiniment.

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