L'électrification du Labrador

Employé de la Compagnie de la Baie d'Hudson, John MacLean est l'un des premiers hommes blancs à explorer le fleuve Hamilton lors de son périple à l'intérieur du Labrador en 1839. Plus de 130 ans s'écoulent jusqu'à l'aménagement d'un des plus importants ouvrages hydro-électriques de Terre-Neuve-et-Labrador. Albert Low est envoyé au Labrador par la Commission géologique du Dominion du Canada en 1894 pour y inspecter les gisements de minerai de fer. Il pressent rapidement le potentiel hydraulique des chutes Hamilton à produire plusieurs millions de watts de chevaux-vapeur (électricité). Il se montre donc des plus optimiste sur l'aménagement de centrales hydro-électriques dans la région. Ce n'est pourtant que vers la fin des années 1890 que se concrétisent les possibilités de l'hydro-électricité. Au Canada, l'utilisation de l'énergie hydro-électrique date peut-être des années 1890, mais l'industrie électrique moderne démarre véritablement avec le harnachement des rivières Niagara en Ontario et Saint-Maurice au Québec au cours des dix premières années du 20e siècle.

Au début des années 1950, la découverte d'importants gisements de minerai de fer dans la partie ouest du Labrador et le nord-est du Québec déclenche le développement économique du Labrador. Le point de départ en est l'établissement d'une base aérienne à Goose Bay dans les années 1940. En 1954, une première centrale est érigée au lac Menihek pour répondre aux besoins de la mine de Schefferville qui appartient à la compagnie minière IOC (Iron Ore Company) au Québec. Une deuxième centrale hydro-électrique est construite au Labrador au début des années 1960. Située sur la rivière Unknown aux chutes Twin, l'électricité produite est destinée aux mines de fer de Labrador City et de Wabush. C'est le secteur privé qui se charge de la construction de ces deux centrales, et assure ainsi le bon déroulement d'autres activités d'exploitation des ressources. Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador se tient à l'écart de la mise en valeur des ressources hydrauliques jusqu'au milieu des années 1960. C'est alors qu'il met sur pied la Newfoundland and Labrador Power Commission, rebaptisée ensuite Newfoundland and Labrador Hydro.

Le barrage Menihek, Labrador
Le barrage Menihek, Labrador
La première centrale hydro-électrique du Labrador. Elle est construite en 1954 pour répondre aux besoins énergétiques de la mine de fer de Schefferville au Québec.
Avec la permission de la compagnie minière IOC du Canada. Tiré de Iron Ore Company of Canada, Quebec - Labrador/Iron Ore Company of Canada, The Co., © 1954, p. 15.

La notion d'exploitation des ressources hydrauliques du Labrador remonte au début du 20e siècle. La première véritable proposition, présentée en 1907, touche les chutes Hamilton (renommées plus tard chutes Churchill). Ce projet est toutefois mis de côté en raison des coûts, du caractère isolé des lieux et des difficultés techniques. En 1915, un ingénieur canadien-français, Wilfred Thibaudeau, effectue un levé du plateau du Labrador. Il recommande le recours à un chenal de dérivation qui capterait les eaux de la rivière en amont des chutes. Ces eaux se jetteraient de nouveau dans la rivière sous les chutes pour l'obtention d'une hauteur maximale. Puisque le plateau forme un bassin naturel, inutile donc de bâtir un grand barrage en béton pour la rétention des eaux. Cette suggestion reste lettre morte jusqu'en 1942 lorsque la société Alcan (Aluminium Company of Canada) s'empare de cette idée pour exploiter la capacité énergétique de la rivière. La productibilité d'une centrale hydro-électrique repose sur le débit d'eau qui fait tourner les turbines et la hauteur d'écoulement des eaux avant de les atteindre. La proposition de la société Alcan est jugée trop onéreuse. Les coûts associés au transport des matériaux et des travailleurs sur le chantier seraient trop élevés. De plus, il n'existe aucun mode de transport de l'électricité vers le plus proche réseau à l'extérieur du Labrador.

En 1947, la Commission de gouvernement demande un arpentage préliminaire du fleuve et des chutes Hamilton. La construction du chemin de fer Québec North Shore & Labrador facilite désormais la mise en valeur des ressources hydrauliques du Labrador. Parachevé en 1954, il permet d'acheminer de l'équipement et des matériaux dans la région et d'en exporter les matières premières. Dans les années 1960, d'autres facteurs jouent en faveur de l'aménagement des chutes Hamilton. Des avancées techniques permettent le transport d'électricité sur de plus vastes distances et en plus grande quantité. L'amélioration des méthodes de construction fait baisser les coûts anticipés sur les chantiers.

Les travaux commencent seulement en 1966, car il faut quelques années pour trouver un client. C'est Hydro-Québec. À l'époque, ce chantier est le plus gigantesque en Amérique du Nord avec plusieurs milliers d'ouvriers. Le nombre d'ouvriers s'élève à 6200 au plus fort des travaux. Sa construction dure sept ans. Les eaux des rapides en amont des chutes et celles détournées des chutes Churchill alimentent en énergie cette immense centrale hydro-électrique.

Les chutes Churchill au Labrador, vers 1969
Les chutes Churchill au Labrador, vers 1969
La dérivation des eaux des chutes et des rapides en amont des chutes fournit l'énergie qui ravitaille la centrale hydro-électrique de Churchill Falls dont la construction a pris fin en 1974.
Avec la permission de la Commission géologique du Canada, Ressources naturelles Canada, © 1998.

Son noyau est sa centrale souterraine de 5 428 500 kilowatts. Peu de temps après la fin des travaux en 1974, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador acquiert une participation majoritaire dans la société Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited (CFLCo), la société mère gestionnaire de la centrale hydro-électrique.

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