Arts et économie

L'industrie culturelle de Terre-Neuve-et-Labrador améliore la qualité de vie des habitants de la province tout en contribuant à l'économie locale. Elle fournit des emplois aux auteurs, aux réalisateurs, aux peintres et aux autres artistes, de même qu'aux machinistes, aux employés des galeries d'art, aux confectionneurs d'instruments et aux autres artistes qui travaillent dans le monde de la production, de la distribution et de la mise en marché d'œuvres de création. La vente de disques audionumériques, de billets de théâtre, de livres, de tableaux et de créations similaires permet à l'argent de rester dans la province et assure une augmentation des recettes fiscales destinées aux fonds publics. Les festivals et les galeries attirent les touristes des différentes régions de la province et de l'extérieur, ce qui stimule l'économie locale.

Réalisateurs de T.-N.-L., 2007
Réalisateurs de T.-N.-L., 2007
Réalisateurs locaux sur le plateau de Ruins, un film tourné au centre-ville de St. John's.
Photographie : Phillip Cairns. Avec la permission de Phillip Cairns. ©2007.

Statistique Canada a rapporté en 2003 que les industries culturelles de Terre-Neuve- et-Labrador produisaient environ 289 millions de dollars de revenus et représentaient 2 p. 100 du produit intérieur brut de la province. Cet organisme fédéral a toutefois aussi relevé en 2001 que les artistes de la place étaient parmi les moins bien payés au Canada avec un revenu annuel moyen de 16 925 $, comparativement à une moyenne nationale de 23 490 $. Par conséquent, plusieurs artistes ont quitté la province pour aller travailler ailleurs ou ont délaissé le monde des arts pour trouver un emploi dans d'autres domaines. On observe aussi des problèmes dans le domaine du marketing lié à l'industrie culturelle puisque le commerce d'exportation – vers les autres provinces et les autres pays – demeure sous-développé malgré son vaste potentiel.

L'industrie culturelle

En 1990, la Commission de relance économique de Terre-Neuve-et-Labrador (Economic Recovery Commission of Newfoundland and Labrador) a publié This Business Culture, une étude indépendante consacrée à l'industrie culturelle de la province et à son incidence sur l'économie locale. L'auteur du rapport, John H. Barry, a déterminé quatre segments de l'industrie : les arts de la scène (danse, musique, théâtre et leurs services de soutien), les arts visuels (peintres, graveurs, sculpteurs et autres producteurs d'art visuel à deux et à trois dimensions), les arts littéraires (auteurs, exploitants de librairies, éditeurs, et autres personnes qui travaillent dans les domaines de la rédaction, de l'édition et de la commercialisation des œuvres littéraires), et les arts médiatiques (travailleurs des domaines du cinéma, de la télévision, de la radio et de la production en ligne).

Festival Shakespeare by the Sea, 2006
Festival Shakespeare by the Sea, 2006
Des acteurs du festival Shakespeare by the Sea dans Le songe d'une nuit d'été (A Midsummer Night's Dream).
Photographie : Chris Hibbs. Avec la permission du festival Shakespeare by the Sea. © 2006.

Le rapport a pu cerner les trois façons dont les arts, comme plusieurs industries, ont particulièrement contribué à l'économie de la province. 1) En attirant des clients de l'extérieur de la province qui viennent dépenser de l'argent en se procurant des biens produits localement (p. ex. : tableaux, albums de musique, livres et billets de festival); 2) en vendant des biens ou des services aux consommateurs locaux qui, autrement, auraient dépensé leur argent ailleurs; 3) en rapportant de l'argent dans la province grâce à des organismes de l'extérieur de Terre-Neuve-et-Labrador, notamment des subventions du gouvernement fédéral (mais pas du gouvernement provincial).

Le rapport a évalué que l'industrie culturelle avait rapporté environ 173 millions de dollars à l'économie locale en 1990. Selon Statistique Canada, ce chiffre a atteint 186 millions de dollars en 1995 et 289 millions de dollars en 2003. En plus des revenus directs générés par la vente d'œuvres d'artistes locaux (un total d'environ 20 millions de dollars en 1990), ces estimations tiennent compte des revenus perçus par les entreprises associées à l'industrie culturelle, dont les emplois périodiques offerts aux auteurs locaux dans le monde de l'édition, les agences de publicité qui emploient des réalisateurs locaux et les magasins qui vendent des instruments de musique ou du matériel d'artiste.

Parmi les 173 millions de dollars touchés en 1990, environ 2,1 millions de dollars provenaient de fonds gouvernementaux du provincial et du fédéral. Même si les artistes dépendent grandement des subventions accordées par divers organismes publics, dont le Conseil des arts du Canada, le Newfoundland and Labrador Arts Council et la Newfoundland and Labrador Film Development Corporation, Barry a signalé en 1990 que « compte tenu des revenus rapportés par l'industrie elle-même, les emplois créés et les divers impôts collectés par le gouvernement provincial, il est évident qu'au total les industries culturelles de la province remettent plusieurs fois au trésor public les sommes octroyées à leur financement » [Traduction libre] (Barry, p. 129).

La main-d'œuvre

La création d'emplois est l'une des façons dont le monde culturel contribue le plus à l'économie provinciale. L'industrie culturelle requiert beaucoup de main-d'œuvre et consacre la plus grande partie de ses revenus aux salaires. Elle crée environ 6,6 emplois par 100 000 $ de revenus (Barry p. 2). Par conséquent, la main-d'œuvre est l'une des plus florissante de la province. En 1990, par exemple, les arts ont fourni de l'emploi direct à 2300 travailleurs (p. ex. : auteurs, acteurs, graphistes, musiciens) et de l'emploi indirect à 1100 autres (p. ex. : encadreurs, techniciens de son, créateurs de costumes, fournisseurs de partitions, imprimeurs). En 1995, Statistique Canada a rapporté que le nombre total d'emplois directs et indirects avait atteint 5532. Les artistes de Terre-Neuve-et-Labrador sont, en général, des travailleurs qualifiés qui ont atteint un niveau d'éducation plus élevé que la main-d'œuvre dans son ensemble, puisque plus de la moitié détiennent des diplômes universitaires. En général, ils sont travailleurs autonomes ou obtiennent des contrats à court terme, ce qui les empêche de se qualifier pour l'assurance emploi ou d'avoir des plans de retraite ou de soins médicaux. La plupart des artistes à temps complet gagnaient 4,61 $ l'heure en 1989, ce qui était nettement inférieur au salaire horaire moyen de 11,65 $ alors en vigueur dans la province. À cause de ces faibles revenus, de nombreux artistes doivent travailler à temps plein ou à temps partiel dans d'autres domaines pour gagner leur vie et celle de leur famille, ce qui limite la qualité et la quantité de leurs créations artistiques.

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Affiche du 31e festival folklorique de T.-N.-L., 2007
Affiche du 31e festival folklorique de T.-N.-L., 2007
Les festivals de musique, de cinéma, de littérature et autres contribuent à l'économie de Terre-Neuve-et-Labrador en attirant des touristes de l'intérieur et de l'extérieur de la province.
Affiche créée par Erin McArthur. Avec la permission du Newfoundland and Labrador Folk Arts Council. © 2007.

De plus, de nombreux artistes doivent acheter leur propre matériel – instruments de musique, toiles, caméras et ordinateurs – ou payer de leur propre poche pour louer une salle de répétition et l'équipement nécessaire à la production. L'argent qu'ils dépensent est toutefois réinjecté dans l'économie locale et crée des emplois indirects pour les magasins de vente au détail, les machinistes et autres. La création artistique génère aussi d'autres types d'emplois dans les maisons d'édition, les galeries et les théâtres de même que quelques postes au sein du ministère du Tourisme, des Loisirs et de la Culture de la province. Le tourisme tire aussi des bénéfices des festivals de musique, de cinéma et de littérature organisés dans la province de même que des expositions d'œuvres d'art et des autres activités liées à l'industrie culturelle.

Les problèmes de l'industrie

Trois principaux problèmes affectent le rendement économique du milieu des arts : 1) les faibles salaires des artistes, 2) un marché d'exportation sous-développé, et 3) une industrie touristique culturelle limitée. À cause de leurs maigres revenus, certains artistes sont forcés de quitter la province pour gagner leur vie tandis que d'autres abandonnent ou réduisent leurs activités artistiques pour prendre un emploi mieux rémunéré. Dans ces deux cas, c'est la vie artistique de toute la province qui s'en trouve appauvrie.

De plus, l'industrie dessert principalement un marché local et n'a pas encore développé un marché d'exportation florissant avec d'autres provinces ou pays. Elle gagnerait à ce que l'industrie touristique et culturelle soit mieux développée afin d'attirer dans la province des visiteurs intéressés par les pièces de théâtre, les festivals, les galeries et les autres événements ou institutions similaires.

Le ministère du Tourisme, des Loisirs et de la Culture a reconnu ces failles dans sa publication de 2006 intitulée Creative Newfoundland and Labrador. Il y annonçait entre autres qu'au cours des trois années suivantes il allait investir 17,6 millions de dollars dans l'industrie culturelle provinciale, notamment en doublant le budget du Newfoundland and Labrador Arts Council, un organisme de financement très important pour les artistes de la province. En 2007, le ministère a aussi créé un Comité consultatif sur le statut de l'artiste. Son mandat était de faire la lumière sur le statut économique des artistes professionnels de la province et de proposer des recommandations afin d'améliorer leurs conditions de travail et leurs revenus. Des artistes en arts visuels, des auteurs dramatiques, des poètes, des réalisateurs et d'autres membres de la communauté artistique ont été invités à faire partie de ce comité.

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