Les cultes religieux à Terre-Neuve-et-Labrador

La religion, bien souvent au cœur même de la vie de nombreuses personnes, est pourtant très difficile à cerner. Elle peut se faire intime et s'incarner dans la prière, la confiance et des valeurs personnelles. Elle peut aussi se manifester par des fêtes et des rituels collectifs. Elle peut donc s'exprimer de diverses façons. Bien avant l'arrivée des Européens sur le sol rocailleux de la province, les peuples autochtones de l'époque pratiquent des cultes religieux. Des vestiges archéologiques nous fournissent quelques indices à ce sujet, car il est maintenant impossible d'observer de près cette dimension spirituelle. Le mobilier funéraire des lieux de sépulture retrouvés à Port au Choix et ailleurs révèle l'étroite communication qu'entretenaient les Autochtones de l'Archaïque maritime avec la nature. Ils vénéraient certains animaux comme l'épaulard et le grand pingouin. Les animaux occupent également une place prépondérante dans l'univers spirituel des Béothuks et des Mi'kmaq. Les mythes et les rites des Inuit du Labrador les rapprochent de la nature et d'autres sociétés inuit. Les Innus de la toundra du Labrador exprimaient dans leurs rites, leur art et leurs légendes leurs convictions spirituelles.

Sculpture en pierre d'un épaulard
Sculpture en pierre d'un épaulard
Cet artefact de la période des Autochtones de l'Archaïque maritime date de 4000 ans. Il a été retrouvé à Port au Choix sur l'île de Terre-Neuve.
Avec la permission de J. A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Les pionniers

Les pionniers anglais qui s'installent dans la péninsule d'Avalon au cours du 17e siècle adhèrent pour la majorité à l'Église d'Angleterre. Par contre, Lord Baltimore fait venir dans sa colonie de Ferryland des laïcs et prêtres catholiques. L'échec des premières colonies entraîne aussi la disparition de la religion organisée, du moins temporairement. À partir de la seconde moitié du 17e siècle, seule la colonie française de Plaisance (maintenant Placentia) parvient à maintenir la présence du catholicisme dans une paroisse dont sont responsables des moines franciscains récollets. Même cet avant-poste de l'Église catholique s'éclipse avec le départ des Français en 1714 après la signature du Traité d'Utrecht.

En 1700, Thomas Bray, le fondateur d'une société anglicane d'évangélisation, l'Anglican Society for the Propagation of the Gospel (SPG), s'appuyant sur l'absence de soutien spirituel aux pêcheurs de Terre-Neuve, suggère que son organisme prête son concours aux missions établies à l'étranger. Cette société d'évangélisation assiste le clergé anglican de l'île de 1703 jusqu'au 20e siècle. Son apport aux charity schools [écoles de charité pour les pauvres] lui confère un rôle important, jusqu'à ce que des institutions sociales et politiques permanentes prennent la relève au 19e siècle.

Laurence Coughlan, vers les années 1770
Laurence Coughlan, vers les années 1770
Avec la permission de Hans Rollmann, Memorial University of Newfoundland, St. John's, N.-T.-L.

Le piétisme

Le piétisme est un mouvement religieux international dont l'objectif consistait à raviver le protestantisme. Il laisse son empreinte à Terre-Neuve et au Labrador dès le milieu du 18e siècle. C'est un prêtre anglican autrefois lié à John Wesley, Laurence Coughlan, qui ouvre la porte au méthodisme sur la rive nord de la baie de la Conception. Il prêche une religion du cœur tout en se consacrant aux devoirs habituels de prêtre à Harbour Grace et Carbonear. Après son départ en 1773, le méthodisme semble s'éteindre sur l'île. Les efforts concertés de missionnaires, un appui marqué de la Grande-Bretagne et les liens tissés avec les Églises sœurs des Maritimes permettent l'implantation du méthodisme sur le sol terre-neuvien.

Hopedale, Labrador, 1861
Hopedale, Labrador, 1861
Aquarelle réalisée par l'évêque Reichel qui s'est rendu dans les missions moraves au Labrador.
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales, bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, N.-T.-L.

L'Église morave

L'Église morave, du mouvement appelé alors Unitas Fratrum, s'intéresse au Labrador depuis 1752, année qui marque l'échec d'une colonie près de la collectivité actuelle de Makkovik. Les missionnaires moraves fondent une collectivité à Nain en 1771 et restent dès lors présents sur le terrain. Ils établissent à différentes époques des postes de traite le long de la côte nord du Labrador aussi loin que Killinek (cap Chidley) et convertissent les Inuit. Pour leur part, les Innus du Labrador, à l'instar des Mi'kmaq, deviennent catholiques.

Les Églises et la politique

Au 19e siècle et au début du 20e siècle, les cultes religieux de la province s'institutionnalisent. L'Église anglicane de Terre-Neuve, tout comme celle des Bermudes, est dorénavant un diocèse à part entière à partir de 1839. Les catholiques, qui jouissent de la liberté religieuse depuis 1784, bataillent ferme pour obtenir le statut de province ecclésiastique. Leur souhait est exaucé en 1904. Les méthodistes de l'île nouent des relations administratives avec d'autres congrégations méthodistes de l'Amérique du Nord britannique en 1855, et avec celles du Canada en 1925. La jeune Église congrégationaliste, elle, fusionne avec l'Église presbytérienne.

La basilique
La basilique
La basilique catholique de St. John the Baptist, St. John's.
Avec la permission de J. E. FitzGerald, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

L'expansion des Églises

Au 19e siècle, les Églises étendent leur sphère d'influence. Elles construisent des établissements religieux et scolaires. Des ordres religieux catholiques tels que les Sœurs de la Miséricorde et les Irish Christian Brothers [Frères chrétiens d'Irlande] propagent l'instruction catholique à l'échelle de la province. Les Églises d'ici emboîtent le pas aux principales institutions chrétiennes d'Europe en matière de doctrine et de piété. Ainsi, l'Église anglicane, d'abord évangélisatrice, suit les traces du Mouvement d'Oxford ou tractarianisme qui met l'accent sur les rites sacramentaux et l'institution. Les catholiques, qui ont d'abord à leur tête des évêques à tendance œcuménique et empreints de tolérance, se replient peu à peu sur leur communauté face aux vents contraires, politiques et religieux, qui soufflent plus tard sur l'île et l'Europe.

L'enseignement confessionnel

Au cours de la première moitié du 19e siècle, des conflits et des tensions dominent le paysage confessionnel de l'île de Terre-Neuve en raison de l'engagement des Églises et des évêques sur la scène politique, particulièrement sur les enjeux du patronage et de l'enseignement. La solution surgit quelques années plus tard avec la mise en place d'un système d'enseignement confessionnel, accompagné d'un accord garantissant la représentativité des Églises à tous les ordres gouvernementaux.

L'Armée du Salut et les pentecôtistes

Vers la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, la venue et l'expansion de l'Armée du Salut et du mouvement pentecôtiste donnent un coup de fouet à la scène religieuse de l'île de Terre-Neuve. Ces deux mouvements poursuivent sur la lancée du méthodisme et de l'anglicanisme, car ils reposent principalement sur les sentiments religieux. D'ailleurs, leurs membres et cadres proviennent de ces deux Églises. Ces groupes se concentrent sur les besoins particuliers des villages côtiers, des villes de compagnie et des centres industriels situés dans les régions centrale et occidentale de l'île de Terre-Neuve. C'est dans ces localités qu'ils exercent pleinement leur véritable vocation sociale et religieuse.

La Confédération

Les principales confessions protestantes cultivent déjà des relations avec d'autres congrégations canadiennes avant la Confédération ou le font dès l'entrée de la province dans la Confédération. En 1948, la division règne toutefois dans les rangs de l'Église catholique. Les régions et les groupes d'ascendance différente ne s'entendent pas. L'archevêque Edward P. Roche et les catholiques de souche irlandaise de la péninsule d'Avalon s'opposent à cette unification et à l'établissement de liens administratifs plus étroits avec les congrégations catholiques canadiennes. Les francophones et les catholiques d'origine écossaise de la côte ouest de l'île, par contre, approuvent ce rapprochement.

L'archevêque Edward P. Roche
L'archevêque Edward P. Roche
Photographie d'Ewart Young, The Atlantic Guardian, Guardian Associates Ltd., Montréal, juillet 1947, vol. 3, No 7, page couverture.

Préoccupations religieuses et autres formes de manifestations spirituelles

Les grandes institutions religieuses se sont rendu compte plutôt tardivement de la vague de sécularisation qui déferle sur le monde. Elles se heurtent maintenant à de graves défis, notamment la perte de confiance de la population envers le système d'enseignement confessionnel, des problèmes financiers et le traumatisme émotionnel des scandales d'abus sexuels. En 1998 survient l'abolition du système d'enseignement confessionnel à la suite d'un référendum et d'une modification apportée à la constitution. De nouvelles formes de manifestations religieuses et spirituelles se déclarent au sein même et à l'extérieur des institutions religieuses de la province, par exemple les mouvements Cursillo et charismatique. De plus, la diversité croissante de la population se traduit dans la mise sur pied d'organismes musulmans et hindous. Dans son ensemble, le portrait religieux de la province ressemble de plus en plus à celui du continent nord-américain alors que les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador s'engagent dans une nouvelle époque.

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