Facteurs d'incitation au départ et d'attirance

La population permanente de Terre-Neuve et du Labrador connut une croissance rapide au cours de la première moitié du 19e siècle, en grande partie en raison de l'arrivée d'immigrants anglais, irlandais et écossais. Jusque là, la colonie avait servi principalement de station de pêche saisonnière pour les pays européens, et la majorité de sa population n'habitait sur l'île que de façon temporaire. Au début des années 1800, toutefois, les pêches migratoires furent remplacées par les pêches de résidents, et de plus en plus d'immigrants vinrent de l'étranger pour élire domicile dans les collectivités côtières sur l'île ou dans le sud du Labrador.

Trinity, Terre-Neuve, vers 1840
Trinity, Terre-Neuve, vers 1840
La plupart des résidents permanents s'installèrent à des endroits comme Trinity, St. John's et leurs environs et d'autres centres de commerce.

Artiste inconnu. Illustration tirée de Philip Tocque, Wandering Thoughts (Londres : Thomas Richardson, 1846), p. 365.

De nombreux facteurs incitaient les immigrants à quitter leur pays et à s'installer à Terre-Neuve et au Labrador. La surpopulation dans de nombreuses villes britanniques poussa à l'exil une partie de leur population, tandis que d'autres groupes voulaient échapper aux difficultés économiques causées par les mauvaises récoltes et les pertes d'emplois attribuables à la mécanisation, à l'effondrement de certaines industries locales et à d'autres facteurs.

Les premières décennies du 19e siècle à Terre-Neuve et au Labrador furent au contraire très prospères. En raison des guerres napoléoniennes, la colonie détenait un quasi-monopole sur le commerce de la morue salée, tandis que l'émergence de l'industrie de la construction navale, de la chasse au phoque et du trappage hivernal contribuaient à diversifier son économie et permettaient aux habitants de rester sur l'île pendant toute l'année. Les routes commerciales bien établies entre le Royaume-Uni et Terre-Neuve et le Labrador facilitaient la migration et rendaient ces destinations accessibles pour ceux qui souhaitaient s'établir ailleurs.

Facteurs d'incitation au départ

Les facteurs d'incitation au départ encouragent les gens à quitter leur lieu d'origine et à s'établir ailleurs, tandis que les facteurs d'attirance amènent des migrants à s'établir dans de nouveaux secteurs. Par exemple, le chômage élevé est un facteur courant d'incitation au départ, tandis qu'une offre abondante d'emplois est un important facteur d'attirance. Bien qu'il soit impossible de savoir précisément pour quelle raison chaque immigrant décida de quitter son pays pour s'installer à Terre-Neuve et au Labrador, il est possible de dresser un portrait global des facteurs d'incitation au départ qui amenèrent certains immigrants à quitter leur lieu d'origine.

La période de migration la plus intense fut observée pendant les trois premières décennies du 19e siècle, pendant lesquelles la population de Terre-Neuve et du Labrador a presque quadruplé pour passer de 19 000 en 1803 à 75 000 en 1836. L'immigration au pays s'est poursuivie pendant le reste du 19e siècle, mais à un rythme plus modéré. Les gens venaient de nombreux endroits, notamment de la Chine, du Liban et de l'Europe de l'Est, mais la plus grande partie des immigrants étaient originaires du sud ouest de l'Angleterre ou du sud est de l'Irlande.

Le sud-ouest de l'Angleterre
Le sud-ouest de l'Angleterre
La plupart des immigrants arrivés à Terre-Neuve et au Labrador pendant la première moitié du 19e siècle étaient originaires du sud ouest de l'Angleterre ou du sud est de l'Irlande.

Adaptée par Tanya Saunders. © 2001, site Web du Patrimoine de Terre-Neuve-et-Labrador.

Différents facteurs d'incitation au départ présents en Angleterre et en Irlande pendant les premières décennies du 19e siècle auraient poussé les gens à émigrer. Parmi les facteurs les plus importants se trouvaient les difficultés économiques et sociales causées par le taux de chômage élevé et la croissance démographique. En Angleterre, la centralisation et l'industrialisation éliminèrent de nombreux emplois en région, en particulier dans la classe des artisans dans le sud-ouest du pays. Le chômage avait également augmenté pendant les guerres napoléoniennes (1803-1815), qui virent le commerce entre la Grande-Bretagne et l'Europe continentale s'effondrer en raison de la politique étrangère de la France. Sans travail et à court de perspectives locales, de nombreux gens de métier et leurs familles émigrèrent à Terre-Neuve et au Labrador.

Les conditions socioéconomiques étaient similaires en Irlande. L'effondrement de l'industrie du textile dans le sud-est du pays et une succession de mauvaises récoltes de 1770 à 1830 entraînèrent la classe ouvrière dans l'incertitude. Au même moment, la population du pays fit un bond et passa de quatre millions d'habitants en 1771 à sept millions d'habitants en 1821, ce qui se traduisit par une pression encore plus forte sur les ressources et les emplois déjà limités de l'Irlande. Au cours des trois premières décennies du 19e siècle, de 30 000 à 35 000 personnes quittèrent l'Irlande pour s'installer à Terre-Neuve et au Labrador, dans bien des cas pour échapper à la famine, à la pauvreté et à la surpopulation.

Facteurs d'attirance

En raison de leur essor économique et de leur population limitée, Terre-Neuve et le Labrador étaient amplement en mesure d'absorber le nombre considérable d'immigrants qui arrivèrent pendant les premières décennies du 19e siècle; ces mêmes facteurs faisaient de la colonie une destination attrayante pour les émigrants qui souhaitaient échapper à la pauvreté et à la surpopulation qui se manifestaient dans leur pays d'origine.

Les guerres napoléoniennes et la guerre anglo américaine du début des années 1800 stimulèrent la prospérité économique de Terre-Neuve et du Labrador ce qui aida à transformer l'industrie migratoire de la pêche côtière en une industrie résidente. Pendant le déclin des pêches française et américaine de 1804 à 1815, la morue de Terre-Neuve et du Labrador prit de la valeur sur les marchés internationaux, et les exportations de poisson de la colonie doublèrent et passèrent de 625 519 quintaux à environ 1,2 million de quintaux pendant la même période (1 quintal = 50,8 kilogrammes). Les marchands européens de poisson établirent des installations sur l'île et élargirent leurs activités pour offrir durant toute l'année des denrées, de l'équipement, des vêtements et d'autres marchandises aux familles résidentes de plus en plus nombreuses.

Préparation de la morue, Cap Rouge, Terre-Neuve, vers 1857-1859
Préparation de la morue, Cap Rouge, Terre-Neuve, vers 1857-1859
Les guerres napoléoniennes et la guerre anglo américaine du début des années 1800 permirent à la colonie d'exercer un quasi-monopole sur le commerce de la morue salée séchée et incitèrent des marchands de poisson européens à établir des installations sur l'île.

Photographie de Paul-Émile Miot. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-202293), Ottawa, Ontario.

L'essor d'autres industries s'ajouta à celui de la pêche estivale et rendit la résidence permanente à Terre-Neuve et au Labrador plus attrayante; on y trouvait, par exemple, la chasse au phoque au printemps, le trappage hivernal et l'industrie de la construction navale. En plus de rendre possible l'occupation de l'île toute l'année, ces industries permirent aux colons de s'établir dans des secteurs moins habités le long de la côte nord est de l'île et dans le sud du Labrador.

Les routes commerciales bien établies entre le Royaume-Uni et Terre-Neuve et le Labrador faisaient également de la colonie une destination prisée des émigrants britanniques. En plus d'expédier des envois réguliers de marchandises vers les ports de Terre-Neuve et du Labrador, les marchands du sud ouest de l'Angleterre et du sud est de l'Irlande envoyèrent des travailleurs à l'étranger; beaucoup de ces travailleurs s'établirent de façon permanente dans la colonie. De plus, puisque les navires britanniques ne pouvaient pas entrer dans les ports américains pendant la guerre anglo-américaine (1812 1814), Terre-Neuve et le Labrador devinrent une destination logique pour les émigrants qui souhaitaient quitter les vieux pays pour s'établir dans le Nouveau Monde.

Autres immigrants

Les immigrants d'origine anglaise et irlandaise ne furent pas les seuls à s'établir à Terre-Neuve et au Labrador pendant le 19e siècle. Après 1840, de nombreux Écossais des Highlands qui habitaient au Cap Breton, en Nouvelle Écosse, s'établirent sur la côte sud-ouest de Terre-Neuve. Il s'agissait principalement de familles d'agriculteurs qui étaient à la recherche de terres. Ommer (1977) soutient que les Écossais quittèrent le Cap Breton en raison de problèmes dans la méthode de tenure découlant de la question des propriétaires terriens qui n'occupaient pas leurs terres et de la possibilité que la confédération avec le Canada entraînent des pénalités financières pour les terres non exploitées. Étant donné que de nombreux Écossais utilisaient leur propriété pour la coupe de bois et l'agriculture, la politique canadienne d'aménagement du territoire aurait rendu la possession de terres plus coûteuse. En revanche, Terre-Neuve et le Labrador n'avaient pas de politique d'aménagement et se trouvaient à une distance raisonnable du Cap Breton. La plupart des Écossais s'établirent dans la vallée du Codroy, où les terres étaient de bonne qualité et similaires à celles du Cap Breton. Un autre facteur d'attirance était l'importante pêche au saumon dans cette région.

Vallée du Codroy, avant 1936
Vallée du Codroy, avant 1936
De nombreux Écossais des Highlands qui vivaient au Cap Breton, en Nouvelle Écosse, ont immigré sur la côte sud ouest de Terre-Neuve après 1840.

Photographe inconnu. Photographie reproduite avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 17.03.001), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Alors que les Écossais des Highlands s'établissaient sur la côte ouest de l'île, les Écossais des Lowlands arrivèrent sur la côte est à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle pour prendre part à l'industrie lucrative de la pêche. Certains d'entre eux étaient des commerçants prospères qui souhaitaient profiter de l'essor du commerce grandissant du poisson salé à Terre-Neuve et au Labrador, alors que d'autres étaient des artisans, des gens de métier et des travailleurs qui cherchaient à être embauchés dans divers magasins et des centres de commerce.

À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, de petits groupes d'immigrants chinois, libanais et juifs arrivèrent à Terre-Neuve et au Labrador, souvent pour échapper aux difficultés économiques, à la persécution religieuse et à l'hostilité de certains gouvernements. Lorsque les ports chinois s'ouvrirent aux échanges commerciaux avec l'étranger à la fin des années 1800, des immigrants chinois arrivèrent à Terre-Neuve et au Labrador dans l'espoir de mieux gagner leur vie. La plupart d'entre eux fondèrent des entreprises, travaillèrent dans l'industrie de la pêche ou dans les mines de Bell Island. Des conflits religieux, la conscription et les difficultés économiques poussèrent également des immigrants libanais et juifs à s'établir à Terre-Neuve et au Labrador pendant les deux dernières décennies du 19e siècle; un grand nombre de ces nouveaux arrivants établirent des entreprises privées ou cherchèrent du travail dans les nouvelles industries du pays, comme l'industrie minière, ou dans les industries bien établies comme celle de la pêche.

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