Les femmes en politique

Les femmes de Terre-Neuve et du Labrador ont obtenu le droit de voter et de se présenter comme candidates aux élections en 1925. Cinq ans plus tard, lady Helena Squires devint la première femme élue à la Chambre d'assemblée. La représentation féminine en politique a depuis augmenté, mais à un rythme lent. Près d'un siècle plus tard, les hommes occupent toujours la majorité écrasante des sièges à tous les ordres de gouvernement. Kathy Dunderdale devint la première femme première ministre élue en 2011, mais lors de cette même élection générale, 40 hommes se virent attribuer un siège à la Chambre d'assemblée sur une possibilité de 48. Il existe un déséquilibre des sexes semblable au sein d'autres assemblées législatives canadiennes.

Le mouvement des suffragettes

Le mouvement des suffragettes a connu un immense succès à l'échelle internationale vers la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle. Les femmes ont obtenu le droit de vote en Nouvelle-Zélande en 1893, en Australie en 1902, en Grande-Bretagne et au Canada en 1918 et aux États-Unis en 1920. Après un combat acharné de plusieurs décennies, les femmes de Terre-Neuve et du Labrador ont acquis elles aussi le droit de voter et de se présenter comme candidates aux élections le 3 avril 1925. Bien que considérable, cette victoire était incomplète : les hommes pouvaient voter à l'âge de 21 ans, mais les femmes, quant à elles, devaient être âgées de 25 ans.

Le 29 octobre 1928, 90 p. cent des électrices déposèrent leur bulletin de vote dans le cadre de leur première élection générale, mais aucune d'elles ne se présenta comme candidate aux élections. Deux ans plus tard, lady Helena Squires, épouse du premier ministre de Terre-Neuve de l'époque, sir Richard Squires, devint la première femme élue à la Chambre d'assemblée après avoir remporté une élection partielle à Lewisporte le 17 mai 1930. Elle reçut 81 p. cent du vote, mais fut défaite lors de l'élection générale de 1932 dans la circonscription de Twillingate. Aucune autre candidate ne s'est présentée.

Après la Confédération

Plus de 40 ans se sont écoulés avant qu'une deuxième femme ne siège à la Chambre d'assemblée. Le 16 septembre 1975, la candidate du Parti libéral Hazel McIsaac remporta la circonscription de St. George's lors d'une élection générale provinciale. Elle fut défaite lors de l'élection générale suivante le 18 juin 1979, mais deux femmes furent élues : les candidates du Parti progressiste-conservateur Hazel Newhook de Gander et Lynn Verge de Humber East. Elles devinrent les premières femmes ministres du cabinet de la province, lorsque le premier ministre Brian Peckford nomma Mme Verge ministre de l'Éducation et Mme Newhook ministre de la Consommation et de l'Environnement. Les deux femmes furent réélues en 1982. Mme Newhook demeura en fonction jusqu'en 1985, et Mme Verge devint la première femme à être chef du Parti progressiste-conservateur de la province en 1995.

Seules trois autres femmes furent élues à la législature provinciale pendant les années 1980 : les candidates du Parti progressiste-conservateur Ida Reid (1982-1985), Shannie Duff (1989-1990) et Patricia (Pat) Cowan (1989-1996). Mme Cowan occupa trois postes ministériels pendant sa carrière, soit les postes de ministre de l'Emploi et des Relations de travail, de ministre de l'Environnement et des Terres et de ministre chargée du Statut de la Femme.

Dans les années 1990, le nombre de femmes élues parlementaires a augmenté considérablement. À l'échelle provinciale, trois femmes furent élues en 1993, sept en 1996 et huit en 1999. Un nombre record de dix femmes furent élues à la Chambre d'assemblée lors de chacune des élections de 2003 et de 2007. Le 3 décembre 2010, Kathy Dunderdale devint la première femme première ministre de la province après la démission de Danny Williams à la tête du Parti progressiste-conservateur; elle a mené le Parti à la victoire lors de l'élection générale de 2011, remportant 37 sièges à la Chambre d'assemblée sur 48. Toutefois, le nombre de députées à la Chambre d'assemblée chuta de dix à huit cette année-là.

Un nombre croissant de femmes ont été nommées à des postes ministériels dans les années 1990, passant d'une en 1993, à quatre en 1996 et à cinq en 1999. Depuis, le nombre de femmes ministres du cabinet varie entre quatre (après les élections de 2003 et de 2011) et cinq (après l'élection de 2007). C'est aux titulaires des postes ministériels qu'incombent la majorité des véritables pouvoirs politiques au Canada; la représentation des femmes au sein de ces postes peut donc favoriser l'apport d'importants changements sur le plan des politiques. En 1979, par exemple, la ministre de l'Éducation Lynn Verge mit sur pied un comité consultatif ministériel responsable des questions touchant les femmes dans le domaine de l'éducation.

À mesure que le nombre de femmes ministres du cabinet augmenta au cours des années qui suivirent, leur influence devint elle aussi plus grande. Joan-Marie Aylward, ministre de la Santé et des Services communautaires au sein du gouvernement libéral dirigé par Brian Tobin de 1996 à 1999, indique l'effet qu'elles ont eu en 1997 : « Cette année-là, nous avons, pour la toute première fois, présenté un budget social, c'est-à-dire un budget dont les caractéristiques d'ensemble étaient axées sur les politiques et les programmes sociaux. C'était une époque très émouvante pour nous (les femmes ministres du cabinet), car nous mettions l'accent sur les enfants, l'éducation de la petite enfance, la School-Lunch Foundation et les services de garde réglementés et autorisés. » [traduction] (Lang, p. 82-83.)

À l'échelle fédérale, Terre-Neuve et le Labrador élurent les candidates du Parti libéral Bonnie Hickey et Jean Payne à la Chambre des communes en 1993. Elles furent les premières femmes députées de la province, élues 44 ans après la Confédération. Parmi les sept sièges à la Chambre des communes, jamais plus de deux n'avaient été occupés par deux femmes en même temps. Aucune femme de Terre-Neuve et du Labrador ne fut élue lors des élections de 1997, 2000, 2004 ou 2006. En 2008, les candidates du Parti libéral Judy Foote et Siobhan Coady remportèrent les circonscriptions de Random-Burin-St. George's et de St. John's South-Mount Pearl, respectivement. Lors de l'élection fédérale de 2011, Mme Foote fut la seule femme élue de la province.

Raisons de la vague des années 1990

La vague de candidates élues dans les années 1990 est attribuable à un certain nombre de facteurs. Le plus important facteur fut le mouvement féministe moderne, qui était actif dans la province depuis les années 1970 et en fit beaucoup pour changer les perceptions du rôle des femmes dans la société. Ce mouvement encourageait les femmes à se présenter comme candidates aux élections dans le cadre de programmes tels que 52 % Solution, qui a permis à Lynn Verge et d'autres figures importantes de faire la tournée de l'île en autobus, et le programme de mentorat des femmes, lequel aidait les candidates à organiser des campagnes électorales.

La 52 % Solution fut créée par le comité consultatif provincial responsable de la condition féminine et divers groupes communautaires destinés aux femmes en 1987. Cette année-là, les femmes représentaient 52 p. cent de la population de la province, mais n'occupaient qu'un seul des 52 sièges de la Chambre d'assemblée. Le comité consultatif provincial appuyait également le programme de mentorat des femmes. Mis sur pied en 1997, le comité consultatif du programme était formé de femmes provenant de toutes les appartenances politiques qui, ensemble, offraient de l'encouragement, des conseils et du soutien aux nouvelles candidates.

La croissance du mouvement féministe a amené les partis politiques à reconnaître qu'ils pouvaient s'attirer des votes en proposant un plus grand nombre de femmes comme candidates. Toutefois, l'un des premiers problèmes rencontrés fut celui où l'on demandait souvent aux femmes de se présenter comme candidates dans des circonscriptions impossibles à remporter, où un adversaire était beaucoup plus susceptible d'être élu. Cette tactique permettait aux partis de faire de la réclame pour le nombre de femmes qui se présentaient comme candidates de leur parti aux élections, tout en réservant les sièges les plus sûrs aux hommes. Selon la députée de Vancouver-Centre, l'honorable Hedy Fry : « Lorsque tous les sondages concordent et que tout mène à croire à la possibilité de former le gouvernement, soudainement les gens veulent se présenter comme candidats dans des circonscriptions pouvant être remportées et ce sont les membres de la “vieille clique”, également membres du parti depuis nombre d'années, qui ont tendance à le faire. » [traduction] (Lang, p. 63.)

Au milieu des années 1990, un changement commença à s'opérer. Les électeurs et les politiciens avaient davantage l'habitude de voir les femmes assumer des rôles publics et occuper des postes de pouvoir que par le passé. Parallèlement, un plus grand nombre de femmes occupaient des postes dans les domaines du droit et de l'administration et exerçaient d'autres professions qui favorisaient non seulement, sur le plan traditionnel, le recrutement de candidates politiques, mais leur apportaient aussi les ressources financières et les réseaux professionnels qui facilitaient l'organisation de campagnes électorales. Ainsi, les femmes étaient plus nombreuses à faire leur entrée en politique et à être proposées comme candidates dans des circonscriptions pouvant être remportées.

Dans les années 1990, les chefs de parti avaient également la volonté politique d'accroître la représentation des femmes. À l'échelle fédérale, le chef du Parti libéral, Jean Chrétien, reçut de son parti le mandat de veiller à ce que 25 p. cent de tous les candidats libéraux à l'élection de 1993 soient des femmes; il accepta la candidature de 64 femmes, en proposa 11 comme candidates dans des circonscriptions pouvant être remportées et 36 furent élues, dont les deux premières députées de Terre-Neuve et du Labrador, Mme Hickey et Mme Payne. À l'échelle provinciale, les trois grands partis politiques s'employèrent à faire de la réclame pour les candidates au cours des années 1990. Au total, 22 se présentèrent comme candidates à l'élection générale de 1996, 27 en 1999 et 30 en 2003.

Le soutien des chefs de parti contribue grandement à favoriser une culture politique accueillante pour les femmes et à précipiter le changement dans l'ensemble du gouvernement. La députée libérale à la Chambre d'assemblée de 1996 à 2003, Julie Bettney, a affirmé que le soutien qu'elle avait reçu de la part de l'ancien chef du Parti libéral Brian Tobin, au cours de l'élection de 1996, avait favorisé la création d'une meilleure atmosphère pour les femmes : « J'avais une base, une présence, sur laquelle je pouvais prendre appui et qui était très respectée et j'avais également un chef qui se donnait du mal pour encourager les autres et leur montrer qu'il souhaitait que des femmes fassent partie de son gouvernement, ce qui me rendit légitime auprès du public. Je me suis proposée comme candidate à l'échelle provinciale une autre fois, il y a un certain nombre d'années, mais l'expérience fut différente; ce fut une expérience plutôt négative où “ceux qui restent dans les coulisses” se liguèrent contre moi. » [traduction] (Lang, p. 50.)

Certaines difficultés demeurent

En dépit des progrès, il demeure toujours des obstacles empêchant les femmes d'atteindre la parité hommes-femmes en politique. Le temps, l'argent et la culture politique figurent au nombre des obstacles les plus importants. Selon le Recensement de la population de 2006 du Canada, les femmes consacrent plus de temps aux tâches domestiques non rémunérées que les hommes. Ce sont encore elles qui prennent essentiellement soin des enfants et des personnes âgées dans notre société, et souvent, leur horaire n'est pas suffisamment souple pour répondre aux exigences de temps considérable que demande une charge publique.

De même, le salaire des femmes est, en moyenne, inférieur à celui des hommes et les femmes ont moins de réseaux professionnels, ce qui complique le financement de campagnes politiques coûteuses au moyen de leur revenu personnel et de campagnes de financement. Les femmes qui souhaitent faire leur entrée en politique ont moins de modèles que les hommes, et les commentaires des collègues chauvins ou sexistes adressés aux femmes qui occupent des sièges au parlement, font souvent l'objet d'une importante couverture médiatique, ce qui vient renforcer la perception selon laquelle la culture politique est plus hostile envers les femmes qu'envers les hommes.

Diverses solutions au problème de la sous-représentation chronique des femmes ont été proposées par le mouvement féministe, les universitaires et les politiciens. Par exemple, les partis politiques peuvent établir des quotas pour les candidates à chaque élection, proposer des femmes comme candidates dans des circonscriptions pouvant être remportées, ainsi que mettre de côté des fonds pour aider les femmes à financer leur campagne ou pour mener des activités éducatives visant à faire la promotion de la présence des femmes en politique. De même, diverses formes de réforme électorale ont été proposées, notamment la représentation proportionnelle, où le nombre de sièges à l'assemblée est plus ou moins proportionnel aux votes exprimés, et les circonscriptions binominales, où les électeurs seraient tenus d'élire un représentant et une représentante dans chaque circonscription.

Bien que la présence des femmes au sein du gouvernement soit plus importante maintenant que par le passé, la parité hommes-femmes n'a pas été atteinte et les progrès réalisés en ce sens stagnent. Les femmes représentent généralement de 51 p. cent à 52 p. cent de la population de la province, mais depuis 2012, le nombre de députées à la Chambre d'assemblée (aux élections de 2003 et de 2007) n'a jamais dépassé 20,8 p. cent et le nombre de députées (aux élections de 1993 et de 2008) n'a quant à lui jamais dépassé 28,6 p. cent. Il existe des situations semblables dans d'autres provinces et dans la plupart des pays.

Néanmoins, d'importants travaux préparatoires ont été accomplis, ce qui pourrait inciter un plus grand nombre de femmes à faire leur entrée en politique au cours des années à venir. Bien que le nombre de femmes au sein du gouvernement soit toujours petit, les filles et les jeunes femmes d'aujourd'hui ont plus de modèles que les générations antérieures. Le fossé des sexes a disparu en enseignement postsecondaire et s'est rétréci de façon spectaculaire en ce qui touche la participation au marché du travail; les sondages et les recherches universitaires indiquent également que les électeurs canadiens n'ont aucun préjugé contre les candidates. La parité hommes-femmes n'a pas encore été atteinte dans les assemblées législatives canadiennes, mais il ne s'agit pas d'un objectif impossible à réaliser.

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