Changements sociaux, 1815-1832

La société de Terre-Neuve et du Labrador a gagné en complexité pendant la période réformiste, qui a vu la naissance de journaux indépendants grâce auxquels la population pouvait analyser les politiques gouvernementales et en discuter avec une facilité et une liberté encore jamais vues. Des écoles ont ouvert leurs portes dans certains des plus grands centres urbains de l'île, tandis que les services médicaux s'étendaient de plus en plus. Les associations philanthropiques et politiques se multipliaient et commençaient à influencer le processus décisionnel du gouvernement.

La ville et le port de St. John's, le 1er juin 1831
La ville et le port de St. John's, le 1er juin 1831
La population résidente de Terre-Neuve et du Labrador s'est étendue et diversifiée pendant la période réformiste de 1815 à 1832.
Aquarelle de William H. Eagar. « La ville et le port de St. John's ». Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (no de catalogue : 1989-520-6).

Les arts également faisaient des progrès et contribuaient à améliorer la qualité de vie des résidents. Tandis que les théâtres faisaient leur apparition sur l'île, les écrivains locaux publiaient des textes sur l'histoire, la géographie, la flore, la faune et d'autres particularités de la colonie. Des bibliothèques ouvraient leurs portes, les événements sportifs gagnaient en popularité et des voyages d'exploration étaient organisés à l'intérieur peu connu de l'île. La population résidente s'est également étendue et diversifiée – outre les pêcheurs et les commerçants, la colonie faisait vivre agriculteurs, tonneliers, avocats, cordonniers, médecins, horlogers, journalistes, boulangers-pâtissiers, menuisiers et toute une panoplie d'autres travailleurs.

Communications

Les communications ont fait des avancées importantes à Terre-Neuve et au Labrador pendant les premières décennies du 19e siècle. En 1807, un rédacteur local, John Ryan, fondait le tout premier journal de la colonie, la Royal Gazette. S'il s'agissait d'une avancée importante, le journal était subordonné à un permis du gouverneur et ne pouvait publier que du contenu approuvé par le bureau du gouverneur, empêchant Ryan de couvrir les politiques et les activités du gouvernement en toute impartialité. La Gazette rapportait certes des nouvelles locales et étrangères, mais la majorité de ses pages étaient consacrées aux déclarations du gouvernement, à des avis publics et à la publicité.

Le journalisme écrit a peu progressé dans les années qui ont suivi, les gouverneurs successifs étant vivement opposés à l'établissement de nouveaux journaux. En 1810, le fils de Ryan, Michael, s'est vu refuser, par le gouverneur sir John Duckworth, l'autorisation de fonder un deuxième journal sur l'île. Trois ans plus tard, le gouverneur sir Richard Keats rejetait des propositions similaires présentées par Alexander Haire et Robert Lee.

Les circonstances ont changé en 1814, lorsque les avocats de la Couronne ont déterminé que le gouverneur ne pouvait pas légalement empêcher l'établissement de journaux locaux et de presses à imprimer. Un an plus tard, Haire et Lee fondaient le Newfoundland Mercantile Journal, suivi par la Newfoundland Sentinel en 1818, le Public Ledger en 1820, The Newfoundlander en 1827, le Harbor Grace and Carbonear Weekly Journal en 1828 et le Conception Bay Mercury à la fin des années 1820.

The Newfoundlander
The Newfoundlander
Le journal The Newfoundlander a commencé à être imprimé en 1827.
Avec la permission de la bibliothèque provinciale de références et de ressources, Arts and Culture Centre, St. John's, T.-N.-L.

La naissance d'une presse indépendante a contraint les autorités gouvernementales à rendre compte de leurs activités plus que jamais auparavant. Les journaux informaient les résidents locaux des nouvelles locales et internationales et représentaient une tribune efficace pour les débats publics. Pendant les années 1820, par exemple, plusieurs journaux publiaient des lettres d'opinion pour ou contre le mouvement réformiste; deux journaux, la Sentinel et le Ledger, manifestaient ouvertement leur appui au mouvement. L'influence de la population sur les politiques gouvernementales a augmenté au fur et à mesure qu'elle a appris à s'exprimer davantage et à participer plus activement à la vie politique par l'intermédiaire de la presse.

Certains citoyens locaux écrivaient et publiaient des pamphlets de protestation dans lesquels ils critiquaient ouvertement la structure et les politiques gouvernementales. Au nombre de ceux-ci, il convient de souligner les réformistes William Carson et Patrick Morris, qui avaient recours à ce moyen pour récolter des appuis au mouvement réformiste. Carson a imprimé le premier pamphlet de protestation de la colonie en 1811 et d'autres parurent dans les années qui ont suivi.

Éducation et médecine

Pendant la période réformiste, l'éducation a fait des avancées dans certains des plus grands centres de l'île. En 1822, le commerçant insulaire Samuel Codner fondait la Newfoundland School Society (NSS) afin d'offrir à la jeune génération de la colonie une éducation non confessionnelle et abordable. L'organisation, qui était également connue sous le nom de Society for Educating the Poor of Newfoundland, a ouvert sa première école à St. John's en 1824 et enseignait la lecture, l'écriture, les mathématiques, la fabrication de filets, la couture et le tricot. Les deux années suivantes, la société a ouvert d'autres écoles à Trinity, à Harbour Grace, à Carbonear, à Petty Harbour et à Quidi Vidi. À la fin de la décennie, la société avait ouvert 28 écoles de jour sur l'ensemble du territoire de l'île qui accueillaient au total 1 513 élèves. Elle exploitait également diverses écoles dominicales, en plus d'offrir aux adultes des cours du soir sur les études religieuses.

Samuel Codner, s.d.
Samuel Codner, s.d.
Le commerçant terre-neuvien Samuel Codner a fondé la Newfoundland School Society (NSS) en 1822 afin d'offrir à la jeune génération de la colonie une éducation non confessionnelle et abordable.
Tiré de A History of The Churches in Newfoundland by Various Writers - A Supplement to A History of Newfoundland from the English, Colonial, and Foreign Records, de D.W. Prowse, première edition, Londres, Eyre and Spottiswoode, 1895, p. 7. Imprimé.

Outre la NSS, la Benevolent Irish Society, la Moravian Church et la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts (SPG) faisaient également la promotion de l'éducation dans la colonie. La Benevolent Irish Society a ouvert une école de charité (appelée la Orphan Asylum School) à St. John's en 1823, tandis que la SPG exploitait 13 écoles sur le territoire de l'île en 1826. La Moravian Church offrait également des services d'éducation au Labrador à la population inuit locale; son programme comprenait des cours de lecture et d'écriture en inuktitut.

Les premières décennies du 19e siècle ont également été marquées par d'énormes progrès dans le domaine des soins de santé. En 1815, St. John's et d'autres centres urbains dans la baie de la Conception avaient une population suffisante pour accueillir des médecins et des chirurgiens résidents. Le clergé tenait souvent lieu de fournisseur de soins de santé dans plusieurs petits ports, où il administrait des vaccins et traitait divers troubles médicaux. Les sages-femmes et les missionnaires moraves offraient des services médicaux au Labrador. En plus de fournir des médicaments importés de la Grande-Bretagne et d'ailleurs, certains missionnaires effectuaient des amputations et d'autres interventions médicales d'urgence.

Le gouvernement colonial a également tenté d'améliorer les services de soins de santé sur l'île. En 1826, il a embauché le premier chirurgien de district de la colonie responsable de soigner les résidents qui n'avaient pas les moyens de payer des services médicaux. Parmi les maladies les plus courantes que le chirurgien était appelé à soigner, mentionnons la variole, le typhus et la rougeole. Le gouvernement a également établi les quarantaines à divers ports de l'île afin de se préparer à de possibles épidémies.

Autres progrès

Les associations politiques et philanthropiques ont gagné en popularité pendant la période réformiste et donnaient à leurs membres la possibilité d'influencer davantage les politiques gouvernementales et les développements communautaires. Des hommes de métier très habiles qui travaillaient à St. John's ont fondé la Mechanics Society en 1827 pour défendre les intérêts des hommes de métier de la localité et de leurs familles. Le groupe veillait à ce que les familles d'hommes de métier blessés ou décédés reçoivent une aide financière; il s'appliquait également à offrir des services de formation et d'éducation aux travailleurs. Divers organismes de bienfaisance ont également vu le jour entre 1815 et 1832, notamment la NSS (Newfoundland School Society) et la St. John's Dorcas Society, fondées en 1824 pour distribuer des vêtements aux familles pauvres.

Les arts et la culture ont fait de grands progrès au début du 19e siècle. Des troupes professionnelles faisaient du théâtre amateur à St. John's depuis au moins 1806. Le premier théâtre de la ville a ouvert ses portes en 1817, mais a été détruit par un incendie cette année-là. Un deuxième théâtre, l'Amateur Theatre, a ouvert en 1823, tandis que Harbour Grace a ouvert son premier théâtre en 1824.

La littérature locale s'est également développée, certains des premiers écrivains résidents de la colonie ayant commencé à publier leurs œuvres pendant la période réformiste. En 1819, par exemple, le révérend L.A. Anspach publiait A History of the Island of Newfoundland: Containing a Description of the Island, the Banks, the Fisheries and Trade of Newfoundland and the Coast of Labrador, l'un des premiers textes décrivant l'histoire, l'économie et la géographie de la colonie. Cinq ans plus tard, l'explorateur et résident de St. John's, William Cormack publiait, dans l'Edinburgh Philosophical Journal, le récit de son voyage d'exploration de l'île effectuée en 1822. Il a plus tard, en 1856, publié une version plus étoffée de ce récit, qui s'intitulait Narrative of a Journey across the Island of Newfoundland. St. John's et Harbour Grace comptaient également des bibliothèques ou des salles de lecture publiques dans les années 1820, et les clubs de lecture gagnaient en popularité dans les plus grands centres de la péninsule d'Avalon.

William Epps Cormack, 1796-1868
William Epps Cormack, 1796-1868
L'explorateur William Cormack a publié, dans l'Edinburgh Philosophical Journal, le récit de son voyage d'exploration de l'île effectuée en 1822.
Avec la permission du Centre des études terre-neuviennes, bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Les événements sportifs se sont multipliés pendant les trois premières décennies du 19e siècle. Parmi les plus notables, mentionnons la compétition de régates de St. John's, une compétition annuelle d'aviron qui a commencé en 1826 et se poursuit à ce jour. Les courses de chevaux avaient également lieu régulièrement à St. John's en 1818, tandis que le cricket était un sport couramment pratiqué dans les années 1830 à St. John's, Carbonear et ailleurs dans la péninsule d'Avalon.

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