Les habitations des Béothuks

Les déplacements fréquents des Béothuks pour trouver des ressources combinés au caractère saisonnier de leurs établissements ont poussé les Béothuks à développer une grande variété de styles et de méthodes de construction pour leurs mamateeks (mot d'origine béothuque qui désigne les maisons). Certaines habitations étaient construites pour accueillir une famille pendant l'été, alors que d'autres étaient conçues pour loger de plus grands groupes durant l'hiver ou pour être réutilisées année après année.

Le mamateek conique d'été

Le type d'habitation le plus simple à construire était le mamateek conique d'été. Pour ce faire, on dégageait tout d'abord le sol de la forêt en grattant les herbes et la terre pour dresser un petit mur en périphérie. Ensuite, on disposait un grand nombre de perches en cercle dont on attachait ensemble le sommet pour faire une structure. De grandes feuilles d'écorce de bouleau cousues ensemble étaient placées sur le pourtour de la structure du bas vers le haut et se chevauchaient comme du bardeau. On laissait une ouverture au sommet pour faire sortir la fumée. Afin de maintenir l'écorce en place, on y déposait des perches supplémentaires sur l'extérieur. Après les contacts avec les colons et les équipages de pêcheurs européens, les Béothuks ont aussi commencé à utiliser de vieilles voiles comme matériau pour recouvrir leurs mamateeks.

À l'intérieur, on retrouvait un foyer, ou âtre, au centre entouré de trous pour dormir. Ces trous, qui semblent être propres aux Béothuks, étaient creusés dans le sol et recouverts de branches de sapin ou de pin. Puisqu'ils étaient généralement petits, certains observateurs croient que les Béothuks dormaient en position assise ou fœtale. Les mamateeks d'été pouvaient loger de trois à huit personnes, bien qu'il soit fort possible que des habitations plus grandes aient été érigées.

Mamateek d'été béothuk dessiné par John Cartwright sur sa carte de la rivière Exploits, 1773
Mamateek d'été béothuk dessiné par John Cartwright sur sa carte de la rivière Exploits, 1773

Avec la permission des Archives nationales du Canada/NMC 27.

Habitations de grande taille

Les Béothuks construisaient également des habitations carrées ou rectangulaires. Celle décrite par John Cartwright, en 1768, avait une structure semblable à celle des maisons anglaises. Trois de ses murs étaient isolés à l'aide de peaux de caribous, le quatrième mur était fait de troncs d'arbre placés à l'horizontale, un par dessus l'autre; les fentes étaient remplies avec de la mousse. Le toit avait la forme d'une pyramide basse et avait un trou en son centre pour laisser sortir la fumée.

Les habitations plus grandes étaient de différentes conceptions et pouvaient avoir plusieurs côtés. Une habitation avec un plancher à cinq côtés d'approximativement 6 par 7 m a été excavée sur les berges de la rivière Exploits. Un mamateek de six côtés, mesurant environ 6 par 7,5 m, que l'on suppose être une habitation d'hiver, a été excavé à Indian Point, sur le lac Red Indian. On croit que le site a été construit vers 1595. Le toit, le plus souvent de forme conique, reposait sur le sol de la forêt. À l'intérieur, le plancher a été creusé, à certains endroits jusqu'à 1,5 m de profondeur. On y a retrouvé un grand foyer central avec des trous pour dormir tout autour.

Fosse d'une habitation hexagonale au site d'Indian Point, lac Red Indian, localité B5
Fosse d'une habitation hexagonale au site d'Indian Point, lac Red Indian, localité B5

Reproduit avec la permission de H.E. Devereux et du ministère du Tourisme, de la Culture et des Loisirs – gouvernement de Terre Neuve et Labrador, ainsi que du Musée canadien de l'histoire, Gatineau (Québec). Dessinée par Roberta M. O'Brien (Devereux Ms. 743, 1970 : ii, tableau 1).

Mamateeks d'hiver

Au début des années 1800, les méthodes de construction des habitations des Béothuks ont changé. Le capitaine Buchan a décrit un mamateek à huit côtés fait de troncs d'arbre qui avaient été plantés dans le sol l'un à côté de l'autre. Le toit conique, fait de perches, avait été recouvert d'écorce de bouleau. (D'autres rapports mentionnent que le toit avait trois couches d'écorce de bouleau, avec une couche de 15 cm de mousse placée entre la première et la seconde couche d'écorce.) À l'extérieur, des accumulations de terre longeaient les murs; à l'intérieur, les murs étaient recouverts de peaux. Certaines habitations étaient munies de poutres sur lesquelles on stockait de la nourriture. Les occupants dormaient autour d'un foyer central les pieds près du feu et la tête vers les murs. Le capitaine Buchan a trouvé la maison confortablement chaude.

À ce jour, nous n'avons retrouvé aucune trace archéologique du type d'habitation construit avec des troncs d'arbre à la verticale tel que décrit ci haut. Il est fort probable que ces habitations compactes aient existé seulement dans des établissements béothuks permanents, comme ceux retrouvés aux lacs Red Indian et North Twin, qui ont depuis été inondés.

On ne peut déterminer si le dessin d'un mamateek d'hiver de Shanawdithit représente une habitation à six ou à huit côtés.

Croquis de Shanawdithit représentant un wigwam ou un mamateek d'hiver
Croquis de Shanawdithit représentant un wigwam ou un mamateek d'hiver

Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley (Cambridge: University Press, 1915) p. 246.

Mamateeks ovales

En plus des habitations à plusieurs côtés, les archéologues ont également identifié des vestiges de mamateeks de forme ovale. L'une des deux fosses des mamateeks ovales sur le site de Boyd's Cove mesurait environ 6 par 9 m. Le foyer à l'intérieur de la structure était de forme allongée et contenait une grande quantité d'os de caribou broyés, vraisemblablement des restes de festins communautaires, une coutume observée chez les Innus du Labrador et appelée mokoshan. L'habitation qu'ils utilisaient pour tenir ces festins est le shaputuan. Ces festins avaient pour but d'honorer l'esprit du caribou et ils impliquent d'extraire, de faire bouillir et de consommer de grandes quantités de moelle des os de pattes de caribou. Comme il a été mentionné dans l'une des sections précédentes, ces événements occupaient une place importante dans la vie spirituelle des Béothuks.

Changement dans les techniques de construction

Les traces laissées par les Béothuks indiquent que le style et les techniques de construction de leurs habitations ont changé au fil du temps. Au cours des deux ou trois siècles suivant les premiers contacts avec les Européens, les Béothuks vivaient dans des mamateeks coniques à l'année. Vraisemblablement, les habitations destinées à être utilisées en été possédaient des structures plus légères que celles conçues pour l'hiver qui étaient plus durables et mieux isolées. Ce n'est pas avant les années 1800 que l'on retrouve des traces d'habitations plus solidement construites pour l'hiver comportant des murs faits avec des troncs plantés à la verticale. Les Béothuks ont développé cette nouvelle manière de faire probablement en s'inspirant des méthodes de construction des pêcheurs dont ils ont utilisé les outils et l'équipement; par exemple, les haches en fer, qui rendaient la coupe des arbres moins laborieuse, auraient encouragé les Béothuks à utiliser des arbres plus gros. Par ailleurs, les voiles de toile, qui étaient imperméables et faciles à stocker, sont devenues l'un de leurs matériaux préférés pour couvrir les mamateeks.

Les Béothuks construisaient également des fumoirs et des entrepôts de même que des huttes de sudation. Ces derniers étaient constitués d'une structure en forme de dôme, couverte de peaux, au centre de laquelle on plaçait des pierres chauffées. L'utilisateur se glissait sous le dôme avec un seau d'eau et versait de petites quantités d'eau sur les pierres pour créer de la vapeur. Selon Shanawdithit, les huttes de sudation étaient surtout utilisés par les aînés et ceux qui voulaient se soulager des symptômes d'une maladie.

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