Le Traité de Versailles (1783)

À la fin de la Révolution américaine, les quatre pays en cause (États-Unis, France, Espagne et Grande-Bretagne) ont négocié une série de traités; de ceux-ci, le Traité de Versailles entre la Grande-Bretagne et la France aura un impact direct sur Terre-Neuve.

Étant du côté victorieux, le gouvernement français se trouvait avantagé dans la négociation du Traité, mais a dû reconnaître que la Grande-Bretagne restait un puissant rival militaire et économique. Le Comte de Vergennes, ministre français des Affaires étrangères, n'espérait pas annuler les gains de la Grande-Bretagne en Amérique du Nord après la guerre de Sept Ans (1756-1763). Dans le dossier de Terre-Neuve, il a voulu formuler une version améliorée de ce que la France avait obtenu par le Traité de Paris (1763).

Vergennes a donc proposé que le French Shore soit prolongé, et que les sujets français aient le droit exclusif d'y pêcher, exerçant ainsi un monopole saisonnier. Il a aussi fait savoir que les îles de Saint-Pierre et Miquelon ne constituaient pas une base de pêche satisfaisante, et exigé un meilleur emplacement sans conditions.

Les deux parties sont éventuellement parvenues à l'entente suivante : les limites du French Shore ont été modifiées pour la zone du cap St. John jusqu'au cap Ray, et une déclaration a été annexée au Traité pour y définir les droits des Français, dans des termes qui, de l'avis de Vergennes, empêcheraient les pêcheurs anglais d'y pêcher.

Incapable de suggérer un autre site que les Français auraient trouvé acceptable, la Grande-Bretagne a accepté à contrecœur de rendre Saint-Pierre et Miquelon à la France; si l'entente ne prévoyait aucune condition, la déclaration exprimait le souci des Anglais que les îles ne deviennent jamais une menace militaire (un « objet de jalousie », dans les termes du Traité), ce dont la France a convenu.

Ce Traité, et les déclarations en annexe, vont gouverner la question du French Shore jusqu'en 1904, et former la base de la possession de Saint-Pierre et Miquelon par la France.

Article 4. S.M. le Roi de la Grande-Bretagne, est maintenue en la propriété de l'île de Terre-neuve et des îles adjacentes (...) à l'exception des îles de Saint-Pierre et Miquelon, lesquelles sont cédées en toute propriété, par le présent Traité, à S.M. Très Chrétienne.
Article 5. S.M. le Roi Très Chrétien pour prévenir les querelles qui ont eu lieu jusqu'à présent (...), consent à renoncer au droit de pêche qui lui appartient (...), depuis le cap Bonavista jusqu'au cap Saint-Jean, situé sur la côte orientale de Terre-neuve (...) : et S.M. le Roi de la Grande-Bretagne consent de son côté, que la pêche assignée aux sujets de S.M. Très Chrétienne, commençant audit cap Saint-Jean, passant par le nord, et descendant par la côte occidentale de l'île de Terre-neuve, s'étende jusqu'à l'endroit appelé Cap-raye (...). Les Pêcheurs Français jouiront de la pêche qui leur est assignée par le présent article, comme ils ont eu droit de jouir de celle qui leur est assignée par le Traité d'Utrecht.

Déclaration de S.M. le Roi de la Grande-Bretagne :

.... A cette fin et pour que les pêcheurs des deux nations ne fassent point naître des querelles journalières, S.M.B. prendra les mesures les plus positives pour prévenir que ses sujets ne troublent en aucune manière par leur concurrence la pêche des Français pendant l'exercice temporaire qui leur est accordé sur les côtes de l'île de Terre-Neuve; et Elle fera retirer à cet effet les établissemens sédentaires qui y sont formés. S.M.B. donnera des ordres pour que les pêcheurs français ne soient pas gênés dans la coupe du bois nécessaire pour la réparation de leurs échaffaudages, cabanes et bâtimens de pêche.

L'article 13 du Traité d'Utrecht et la méthode de faire la pêche qui a été de tout tems reconnu, sera le modèle sur lequel la pêche s'y fera. On n'y contreviendra pas ni d'une part ni de l'autre : les pêcheurs français ne bâtissant rien que leurs échaffaudages, se bornant à réparer leurs bâtimens de pêche et n'y hibernant point. Les sujets de S.M.B. de leur part ne molestant aucunement les pêcheurs français durant leurs pêches ni ne dérangeant leurs échaffaudages durant leur absence.

Le Roi de la Grande-Bretagne en cédant les îles de Saint-Pierre et de Miquelon à la France, les regarde comme cédées, afin de servir réellement d'abri aux pêcheurs français et dans la confiance entière que ces possessions ne deviendront point un objet de jalousie entre les deux nations, et que la pêche entre lesdites îles et celle de Terre-Neuve sera bornée à mi-canal.

Donné à Versailles, le 3 septembre 1783.

Contre-Déclaration de S.M. Très Chrétienne :

.... Le Roi de la Grande-Bretagne met indubitablement trop de Confiance dans la Droiture des Intentions de Sa Majesté, pour ne point se reposer sur l'Attention constante qu'Elle aura d'empêcher que les Isles S. Pierre et Miquelon ne deviennent un Objet de Jalousie entre les Deux Nations.

Quant à la Pêche sur les Côtes de Terre-Neuve ... Sa Majesté déclare qu'Elle est pleinement satisfaite à cet Égard.

Pour ce qui est de la Pêche entre l'Isle de Terre-Neuve et celles de St. Pierre et Miquelon, elle ne pourra se faire, de part et d'autre, que jusqu'à Mi-Canal ....

Donné à Versailles, le 3 septembre 1783.

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