Les explorations anglaises et françaises

Le Portugal n'est pas le seul pays qui s'intéresse aux nouveaux territoires situés dans la partie nord-ouest de l'océan Atlantique. L'Angleterre et la France entendent également revendiquer de nouveaux territoires et contester auprès du pape son droit de répartir la planète entre l'Espagne et le Portugal.

À l'instar des Portugais, l'Angleterre et la France veulent dresser la topographie de cette région et savoir si véritablement il existe un passage vers l'Asie par l'ouest. C'est ce qui motive les Anglais à lancer d'autres expéditions dans la foulée de celles réalisées par Jean Cabot. Les Français, pour leur part, ne négligent pas le potentiel qu'offrent les zones de pêche et les autres ressources de la région.

Galion français du 16e siècle
Galion français du 16e siècle
Tiré de Découverte et évolution cartographique de Terre-Neuve et des pays circonvoisins 1497-1501-1769: essais de géographie historique et documentaire. Henry Harrisse, Henry Stevens, Son & Stiles, Londres, 1900.

Les expéditions au début du 16e siècle

Au début du 16e siècle, des expéditions confirment aux Européens l'existence d'un continent inconnu, situé entre l'Europe et l'Asie. En 1524, un navigateur italien du nom de Giovanni da Verrazzano, au service du roi de France, navigue de la région correspondant aujourd'hui à la Caroline du Nord jusqu'au Cap-Breton et au littoral sud de Terre-Neuve. Cette expédition souligne bien la ligne continue que forment les possessions espagnoles dans les Caraïbes et en Amérique centrale jusqu'à la « terre neuve »; au nord. Deux explorateurs confirment cette découverte, le Portugais Estevão Gomes (commandité par le souverain espagnol) qui navigue de Cuba à Terre-Neuve en 1524-1525 et l'Anglais John Rut, pour le compte du roi Henri VIII, qui franchit la distance séparant le Labrador des Antilles en 1527-1528.

Les Français entreprennent aussi d'explorer le golfe du Saint-Laurent. À la demande du roi François 1er, en 1534 et en 1535-1536, Jacques Cartier effectue deux expéditions d'une grande importance. D'abord, il atteint Catalina à Terre-Neuve en 1534. Il se dirige ensuite vers le nord, contourne la péninsule Great Northern et traverse le détroit de Belle-Isle. Il longe ensuite le littoral sud du Labrador qui lui inspire ce célèbre commentaire dans son journal de bord « Les terres que Dieu donna à Caïn »;. Il poursuit en direction sud-est vers le littoral occidental de Terre-Neuve pendant environ 400 km. Il continue son trajet jusqu'à une île (aujourd'hui l'Île-du-Prince-Édouard) et l'est du Nouveau-Brunswick avant de rentrer en France. Au cours de sa deuxième expédition, il explore le golfe et la vallée du Saint-Laurent, une région qui sera bientôt au cœur des activités françaises dans le Nouveau Monde.

Jacques Cartier (1491-1557)
Jacques Cartier (1491-1557)
Tiré de The Saint Lawrence Basin and its Border-lands: Being the Story of their Discovery, Exploration and Occupation. London: Lawrence and Bullen, Ltd, 1905.

Jusque dans les années 1570, aucune autre expédition anglaise ne succède à celle de John Rut. Plusieurs navigateurs anglais tentent ensuite de trouver le passage du Nord-Ouest vers l'Asie, une route maritime longeant l'extrémité supérieure de l'Amérique du Nord. Le fils de Jean Cabot, Sébastien, les avaient précédés en 1508-1509. Selon des spécialistes, Sébastien Cabot, à la tête de vaisseaux équipés par le roi, aurait pénétré dans le détroit d'Hudson et peut-être même dans la baie d'Hudson, avant de rebrousser chemin vers le sud. Cette expédition, tout comme celle de Jean Alfonse qui explore le littoral labradorien du nord au sud en 1534, n'aboutit à rien. Il faut attendre jusqu'en 1576 avant que Martin Frobisher ne lance la première de ses trois expéditions en vue de repérer le passage du Nord-Ouest.

Martin Frobisher (1535-1594)
Martin Frobisher (1535-1594)
Tiré de Narrative and Critical History of America. Justin Windsor, James R. Osgood and Company, Cambridge, Massachusetts, 1884.

La cartographie de la région

Ces expéditions donnent un aperçu des caractéristiques géographiques de la région orientale de l'Arctique, y compris la baie d'Hudson et les régions les plus au nord du Labrador. Si les navigateurs se dirigent, souvent par inadvertance, plus au sud, ce ne sont pas les ressources de Terre-Neuve et du Labrador qui les attirent. Ils cherchent plutôt une possible route de contournement du continent vers l'Asie. Ils partent donc du Groenland vers le détroit d'Hudson. En 1586, John Davis sillonne la côte du Labrador en direction sud. Deux de ces hommes sont tués par des Inuit. Il refait le même parcours en 1587. Il nomme le cap Chidley et donne son nom à Davis Inlet. En 1606, la glace précipite l'expédition de John Knight sur le littoral du Labrador. Trois membres de son équipage et lui-même disparaissent. En 1614, William Gibbons est prisonnier de la glace pendant 10 semaines dans la baie Saglek. Pendant des années, d'autres expéditions tentent en vain de trouver le passage du Nord-Ouest. Ce n'est pas avant 1903-1906 que l'explorateur norvégien Roald Amundsen sur le Gjoa parvient à franchir le passage. .

Labrador Beach où John Knight a disparu en 1606
Labrador Beach où John Knight a disparu en 1606
Photo de Brian Bursey. Tiré de Exploring Labrador, Brian C. Bursey, Harry Cuff Publications, St. John's, Terre-Neuve-et-Labrador, © 1993, p. 65.

Au fil des ans, les pêcheurs et les chasseurs de baleine contribuent tout autant que les explorateurs délégués par les souverains et les compagnies à charte à l'exploration, à la « découverte »; et à la cartographie des littoraux de Terre-Neuve, du Labrador et du golfe. Jacques Cartier rencontre des bateaux français dans le golfe Saint-Laurent en 1534. Les Européens ne sont pas des étrangers pour les autochtones qu'ils approchent. Les pêcheurs français traversent l'Atlantique depuis 30 ans déjà. Ce sont les pêcheurs basques, portugais et français qui se révèlent les plus utiles aux cartographes, et ce sont leurs connaissances du territoire qui participent à la promotion de la colonisation de l'Amérique du Nord vers la fin du 16e siècle.

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