Les explorateurs portugais

Les Portugais sont les premiers Européens à explorer l'océan Atlantique. Lorsqu'à son retour en Angleterre en 1497, Jean Cabot annonce la découverte d'une nouvelle île, la route commerciale des Portugais longe surtout la côte ouest-africaine et se poursuit en Inde. Depuis longtemps, ils sont curieux de connaître ce qu'ils pourraient découvrir à l'ouest. Ils souhaitent autant que les autres découvrir une route maritime plus rapide vers l'Asie en passant par l'ouest. Selon certains historiens, des marins portugais seraient même parvenus à Terre-Neuve avant Jean Cabot.

Une caravelle
Une caravelle
Au 16e siècle, les marins portugais explorent l'Atlantique Nord sur des caravelles, des bateaux assez longs et étroits équipés de voiles latines triangulaires.
Tiré de The Voyage of Verrazzano: A Chapter in the Early History of Maritime Discovery in America, Henry C. Murphy, New York, 1875.

Le roi du Portugal revendique également les droits territoriaux sur la région qu'explore Jean Cabot. En 1493, fort de la juridiction internationale qu'il s'est arrogée, le pape répartit entre l'Espagne et le Portugal les terres déjà découvertes et celles qui le seront sur le futur continent d'Amérique. L'année suivante, les deux royaumes stipulent dans le Traité de Tordesillas que la ligne de partage sera orientée nord-sud à 370 lieues (1800 kilomètres) à l'ouest des îles du Cap-Vert. Les terres situées à l'ouest appartiendront aux Espagnols et celles à l'est, aux Portugais. La géographie approximative de l'époque attribue au Portugal la « nouvelle isle ». Dans la carte d'Alberto Cantino, datée de 1502, Terre-Neuve est représentée du côté portugais de la ligne de partage (le Brésil aussi). Les navigateurs portugais ont donc de bonnes raisons de rester dans le sillage de Jean Cabot.

La carte d'Alberto Cantino, 1502
La carte d'Alberto Cantino, 1502
La carte d'Alberto Cantino est la plus ancienne carte d'Amérique dont nous sommes sûrs de la date. La région au milieu de l'Atlantique appelée « Terra del Rey de Portugall » constitue une des plus anciennes représentations détaillées de Terre-Neuve et du Labrador. L'original se trouve à la Biblioteca Estense à Modène en Italie.
Reproduite avec la permission des Archives nationales du Canada.

João Fernandes

Le premier d'entre eux est João Fernandes, un petit propriétaire terrien (lavrador) de l'île de Terceira aux Açores. Les renseignements à son sujet et sur les expéditions qu'il a menées sont plutôt vagues. Ainsi, il entretient certainement des relations commerciales avec le port de Bristol. En 1499, il reçoit du roi des lettres patentes et il effectue peut-être plus d'une expédition au Nouveau Monde. Vers 1500, il aurait navigué jusqu'au territoire du Groenland actuel qu'il baptise Terra do Lavrador. Le nom finit par désigner un territoire plus au sud, le Labrador. João Fernandes devient, par la suite, membre d'un syndicat de Bristol. Il aurait péri en route vers l'Amérique en 1501. Le syndicat semble avoir poursuivi ses activités pendant quelques années avec la sanction royale.

Détails d'une carte datée de 1534 représentant Lavvrao (Labrador)
Détails d'une carte datée de 1534 représentant Lavvrao (Labrador)
L'auteur de cette carte est Giovanni Benedetto. Elle est destinée à Arthur de Cossé. Elle indique l'adoption du nom Lavvrao ou Lavrador au début du 16e siècle à la suite des voyages d'exploration de João Fernandes.
Tiré de Découverte et évolution cartographique de Terre-Neuve et des pays circonvoisins 1497-1501-1769: essais de géographie historique et documentaire. de Henry Harrisse, Henry Stevens, Son & Stiles, Londres, 1900.

Les Corte-Real

Une charte royale reçue en 1500 autorise Gaspar Corte-Real, également de Terceira, à se lancer cette année-là dans une expédition qui l'amène à Terra Verde, probablement Terre-Neuve. Pour certains historiens cependant, c'est au Groenland qu'il se rend d'abord avant de descendre plus au sud en longeant le littoral du Labrador jusqu'à Terre-Neuve.

Gaspar Corte-Real
Gaspar Corte-Real
Cette statue de Gaspar Corte-Real est érigée devant l'édifice de la Confédération à St. John's, T.-N.-L. C'est la Portuguese Fisheries Organisation [l'organisation des pêches du Portugal] qui l'offre à la ville en 1965 pour remercier les Terre-Neuviens de leur accueil envers les pêcheurs portugais des Grands Bancs.
Photo de Pam Coristine ©2000.

En 1501, Gaspar Corte-Real sillonne les mers à la tête de trois caravelles jusqu'à Terra Verde. Le trajet qu'il emprunte fait l'objet de nombreuses conjectures. Il s'oriente vers le sud pour éviter la glace flottante et tombe sur une terre au climat plus tempéré qui, pour les uns, se situe au Labrador et, pour les autres, plus vraisemblablement dans l'est de Terre-Neuve.

Au cours de cette expédition, une soixantaine d'autochtones sont faits prisonniers. Ils sont destinés à l'esclavage. Selon la description qui en est donnée, ils évoquent des Tziganes par la couleur de leur peau, leur physionomie, leur taille et leur mine. Ils sont timides, doux et vêtus de peaux de bêtes. La belle proportion de leur corps dépasse toute description, apparemment. Seuls les prisonniers arrivent au Portugal. Les autres, dont Gaspar Corte-Real, meurent noyés sur le chemin du retour. Son frère, Miguel Corte-Real, part à sa recherche en 1502, mais lui aussi ne donne plus signe de vie.

Grâce à ces expéditions, les cartes mentionnent dorénavant Terra de Corte-Real et Terra del Rey de Portugall. De toute évidence, les ressources tels le poisson, le bois et les esclaves qu'offrent ces nouveaux territoires les intéressent énormément. Par contre, les activités des Portugais au 16e siècle dans cette partie du monde restent nébuleuses et sujettes à débat. Malgré les noms de lieux d'origine portugaise qui persistent encore de nos jours, et l'existence de cartes portugaises pour le prouver, la présence des Portugais, quoiqu'importante, n'était pas aussi marquante que l'ont toujours affirmé des historiens.

Représentation portugaise de Terre-Neuve, vers 1501
Représentation portugaise de Terre-Neuve, vers 1501
Tiré de Découverte et évolution cartographique de Terre-Neuve et des pays circonvoisins 1497-1501-1769: essais de géographie historique et documentaire, de Henry Harrisse, Henry Stevens, Son & Stiles, Londres, 1900.

João Alvares Fagundes

D'après des spécialistes, ces expéditions auraient incité les Portugais à tenter d'établir une colonie, une hypothèse étroitement liée à João Alvares Fagundes, originaire de la ville de Viana au Portugal. En 1520, il aurait exploré le littoral sud de Terre-Neuve. Il se serait ensuite engagé dans le golfe du Saint-Laurent, mais plusieurs historiens doutent toutefois qu'il ait poussé si loin à l'ouest son exploration. Il reçoit en concession les terres qu'il a découvertes. Selon certains, il entreprend alors de planifier l'implantation d'une colonie portugaise dans le Nouveau Monde.

Le climat de Terre-Neuve se révélant trop rigoureux pour eux, la légende raconte que les colons ont préféré s'établir plus à l'ouest. Pour Samuel Eliot Morison (1978), Ingonish sur l'île du Cap-Breton est le lieu de naissance de cette colonie, une suggestion parmi tant d'autres pourtant. Robert McGhee (1991) propose pour sa part Mira Bay, située entre Glace Bay et Louisbourg. L'hostilité des autochtones aurait mis fin à cette tentative de colonisation. Impossible de vérifier la véracité de cette légende, car nous ne disposons pas d'informations suffisantes pour le moment.

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