Les expéditions transatlantiques à partir de Bristol avant 1497

Nous ne pouvons dater exactement les premiers voyages qui partent de Bristol vers l'Atlantique Nord, mais ils ont certainement eu lieu dans les années 1490. Un émissaire espagnol posté à Londres, Pedro de Ayala, rapporte en 1498 que, depuis sept ans, les marchands de Bristol appareillent des caravelles pour découvrir les îles de Brasil et des Sept-Cités. À ce jour, il n'existe aucun autre renseignement ou détail sur les circonstances de ces voyages mais le témoignage de Pedro de Ayala confirme l'existence d'expéditions vers l'ouest.

La lettre du marchand anglais John Day est une autre confirmation. Elle est adressée à un correspondant espagnol non identifié, probablement Christophe Colomb. John Day commence sa lettre par « Monseigneur et grand amiral » et poursuit :

Il est assuré que le cap de cette dite terre fut découvert par le passé par des hommes de Bristol, ceux-là mêmes qui ont découvert « Brasil » comme votre Excellence le sait. Cette terre a reçu le nom d'île de Brasil. On croit que c'est bien cette terre que les hommes de Bristol ont découverte.(Williamson, 1962 213).

Lettre de John Day
Lettre de John Day
Cette lettre écrite par le marchand anglais John Day s'adresse à un « Monseigneur et grand amiral », un Espagnol non identifié qui serait sans doute Christophe Colomb.
Tiré de WILSON, Ian. John Cabot and the Matthew, Redcliffe Press, Tiverton, Angleterre, ©1996, p. 6. Avec la permission des Archives nationales de l'Espagne, Valladolid, Espagne.

Les Anglais ne sont pas les seuls. Les Portugais sillonnent également l'Atlantique à partir des Açores, des îles situées au milieu de l'Atlantique Nord qu'ils ont découvertes vers 1480. (Ian Wilson, p. 40)

Les Portugais étaient convaincus de la présence d'une importante masse terrestre vers le nord-ouest, et supposément près de l'Europe. Cette erreur prouve que même les marins les plus expérimentés ne s'éloignent pas beaucoup du littoral. La plupart des bateaux longent plutôt les côtes, voguant d'une île à l'autre plutôt que d'affronter les eaux sombres et inconnues de l'Atlantique Nord.

La recherche d'un passage vers l'Asie par l'ouest

En 1453, le commerce du vin entre Bristol, Bordeaux et la Gascogne, de même que le commerce des épices entre l'Angleterre et le Moyen-Orient subissent de graves revers. L'Empire ottoman s'empare de Constantinople et avec elle, des routes commerciales qui relient l'Europe occidentale au Moyen-Orient et à l'Asie. Il taxe lourdement les exportations vers l'Ouest et pousse ainsi les marchands de Bristol à chercher d'autres routes et marchés. Ceux-ci envisagent alors de contourner l'extrémité sud de l'Afrique ou de traverser l'Atlantique par l'ouest vers les côtes de Cipango (Japon) et du Cathay (Chine).

Le florissant commerce du vin est également mis à mal en 1453 lorsque la France arrache Bordeaux et la Gascogne de l'autorité anglaise. Les marchands de Bristol se voient forcer dorénavant de faire le commerce du vin avec l'Espagne, le Portugal, ainsi qu'avec les îles Canaries et de Madère, situées dans l'Atlantique. Ces nouveaux itinéraires commerciaux, les expéditions entre l'Islande et l'Angleterre pour échanger du poisson séché contre des étoffes anglaises et les anciennes routes commerciales avec les villes irlandaises de Limerick et Galway offrent tous aux marins de Bristol l'occasion d'approfondir leurs compétences nautiques dans les eaux de l'Atlantique.

Ces circonstances font que les marins de Bristol acquièrent une grande expérience de la navigation en haute mer dans l'océan Atlantique. En 1490, ils ont déjà commencé à s'aventurer, en ligne droite, vers l'ouest à la recherche d'îles mythiques ou réelles et de nouveaux débouchés commerciaux à développer (Little 9).

Au moment où Jean Cabot s'apprête à entreprendre son expédition transatlantique, le port de Bristol est déjà réputé pour ses voyages d'exploration. Important centre d'échanges commerciaux, il occupe également en Europe une place de choix dans la construction de navires. Bristol s'impose donc comme une option logique pour Jean Cabot. Le port est orienté à l'ouest et ses marins savent naviguer dans les eaux nordiques. Il n'est pas inconcevable que Jean Cabot habite déjà la ville avant de présenter sa requête auprès du roi.

Chenal de Bristol
Chenal de Bristol
En raison de sa situation stratégique près du chenal de Bristol, qui s'écoule en direction de l'océan Atlantique, l'emplacement du port de Bristol convient à Jean Cabot.

Illustration de Duleepa Wijayawardhana.

Les expéditions de Jean Cabot

Henri VII donne son appui à l'expédition de Jean Cabot. En mars 1496, il lui remet des lettres patentes qui les autorisent, lui et ses fils, à parcourir les mers d'est en ouest et au nord pour découvrir des parties du monde, des territoires et des côtes qui sont inconnus des chrétiens. (H. P. Biggar, p. 7)

Lettres patentes
Lettres patentes
Le 5 mars 1496, le roi Henri VII accordent des lettres patentes à Jean Cabot et à ses fils. Ils sont donc autorisés à chercher, à revendiquer et à prendre possession de nouveaux territoires tant et aussi longtemps qu'ils n'appartiennent pas à l'Espagne ou au Portugal
Tiré de Dreams of Empire: Canada before 1700 [œuvre traduite de Rêves d'empire : Le Canada avant 1700], André Vachon, avec la collaboration de Victorin Chabot et André Desrosiers, coll. Records of Our History [« Les documents de notre histoire »], traduction anglaise de John F. Flynn, Ottawa, Archives publiques du Canada, ©1982, p. 23. Planche 7, Chancery, Warrants for the Great Seals, Series II, C82/146 no. 6 Avec la permission de Public Records Office, Londres, Angleterre.

Un cinquième des profits réalisés est réservé au roi. Les marchands de Bristol et les banquiers italiens de Londres, les bailleurs de fonds de Jean Cabot, ont cependant l'entière responsabilité du financement de l'expédition. Ces marchands sont prêts à investir parce qu'ils rêvent de transformer un port déjà prospère en plaque tournante de la distribution des épices de l'Asie en Europe. (Roberts, p. 219)

Nous savons que Jean Cabot et son équipage originaire de Bristol ont tenté un premier voyage en 1496, l'année précédant son illustre expédition. Cette première tentative ne semble qu'un voyage de reconnaissance vers l'ouest. De mauvaises conditions météorologiques et des provisions insuffisantes obligent le bateau à faire demi-tour. John Day mentionne aussi un conflit entre Jean Cabot et l'équipage. En 1497, lorsque ce dernier se prépare à repartir, les marchands de Bristol refusent d'appareiller les cinq bateaux auxquels il a droit. (Little, p. 18) Ils ne lui concèdent plus qu'un seul vaisseau, le Matthew.

Jean Cabot quitte le port de Bristol au mois de mai 1497. Son bateau, bien équipé, comprend de 18 à 20 hommes d'équipage. Il se dirige vers l'ouest. Environ un mois plus tard, il accoste sur les côtes orientales de l'Amérique du Nord, peut-être à Terre-Neuve. Nous ne savons pas ce qu'il a pensé de sa découverte, mais il n'anticipait sûrement pas les bouleversements qu'elle provoquerait en Angleterre et en Europe. Cette simple découverte va permettre à l'Angleterre, dans l'ombre des puissances espagnole et portugaise sur le plan politique, de s'affirmer et devenir au fil du temps l'un des plus puissants empires du monde. C'est grâce au financement des riches marchands de Bristol et des banquiers italiens, sans oublier l'emplacement idéal du port de Bristol, que l'expédition transatlantique de Jean Cabot en 1497 établit un trait d'union permanent entre l'Ancien et le Nouveau Monde.

Le départ de Jean Cabot de Bristol en mai 1497
Le départ de Jean Cabot de Bristol en mai 1497
Jean Cabot quitte Bristol pour entreprendre son voyage d'exploration.

Peinture de Thomson, tirée de The Story of Newfoundland de J. A. Cochrane, Ginn and Co., Montréal, 1938, p. 29.

Bristol au 21e siècle

De nos jours, plus de 500 ans après le voyage historique de Jean Cabot vers le Nouveau Monde, la population de Bristol dépasse les 425 000 habitants. Elle est actuellement la plus grande ville de l'ouest de l'Angleterre. Parce qu'elle est située sur la rivière Avon et près du fleuve Severn, sa principale activité commerciale reste le commerce maritime comme il y a 1000 ans.

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