La colonie française de Plaisance

Les pêcheurs de Normandie, de Bretagne et du Pays basque de la Gascogne sillonnent les eaux de Terre-Neuve depuis le début du 16e siècle. Pourtant, aucun vestige ne subsiste d'une possible colonie française avant les années 1650. C'est en effet à cette époque que des pêcheurs basques entreprennent peut-être de passer l'hiver dans la baie de Plaisance. La couronne française les y encourage après 1655, car le roi entend officiellement y établir une colonie.

Pêcheur basque
Pêcheur basque
Cette figurine de pêcheur basque se trouve au centre d'interprétation de Castle Hill à Plaisance (Placentia).
Avec la permission de John de Visser. Tiré de Historic Newfoundland, Harold Horwood et John de Visser, Oxford University Press, Toronto, ©1986.

Établissement d'une colonie

Nicolas Gargot, un officier de marine originaire de La Rochelle, se voit confier vers 1660 le mandat de fortifier Plaisance et d'y établir une colonie. Les négociants en poisson de la Bretagne s'insurgent contre ce projet, qui est donc abandonné. Pourtant, quelques braves s'y risquent. En 1662, Louis XIV s'y intéresse de nouveau. Il expédie 30 soldats et un petit nombre de colons, sous les ordres du gouverneur du Perron, pour y bâtir un fort. Les conditions de vie sont suffisamment pénibles, semble-t-il, pour fomenter une mutinerie parmi les soldats. Le gouverneur du Perron, l'aumônier et 10 autres personnes sont tués.

L'année suivante, la France dépêche 20 autres soldats ainsi que 20 pêcheurs accompagnés de leur famille pour assurer l'implantation de la colonie. À cette époque, le gouvernement français soutient activement la colonisation de l'Amérique du Nord. Ces nouveaux colons font partie d'un contingent de soldats et de colons que le Sieur Dugua du Mons a recruté pour peupler la Nouvelle-France et qui se dirige ensuite vers Québec.

Contrairement aux entreprises commerciales anglaises des premières décennies du 17e siècle, la colonie française de Plaisance est avant tout une entreprise militaire ayant des objectifs stratégiques. Ses habitants se consacrent toutefois à la pêche et au commerce. Les soldats et les administrateurs jouent aussi les marchands. Dans les années 1670, le gouverneur La Poippe effectue une restructuration qui vise à consolider la colonie. Les gouverneurs français subséquents tentent d'exploiter le mécontentement des colons anglais pour les attirer à Plaisance. Au tournant du siècle, des serviteurs irlandais s'y sont d'ailleurs installés. Dès 1680, les habitants-pêcheurs établis sur la côte anglaise avoisinante jugent que la colonie de Plaisance est devenue une menace.

Les clauses du traité d'Utrecht

La guerre éclate entre la France et l'Angleterre en 1689 et se poursuit de façon intermittente jusqu'en 1713. En vertu des clauses du traité d'Utrecht, la France est forcée de se dépouiller de sa colonie de Terre-Neuve et de déplacer son poste de commandement de la marine à Louisbourg au Cap-Breton (ou île Royale). La majorité des soldats et des pêcheurs qui ont participé à la fondation de Louisbourg proviennent de la colonie de Plaisance.

Soldat français, fin du 17e siècle
Soldat français, fin du 17e siècle
Artiste inconnu. Tiré de The Story of Newfoundland, J. A. Cochrane, Ginn and Company, Montréal, 1938, p. 163.

Des familles françaises décident cependant de rester dans la région. Elles sont vite rejointes par de nouveaux colons, dont certains venus d'Irlande. D'autres forment de petites collectivités clandestines dans le sud-ouest de Terre-Neuve. La France doit également renoncer à ses installations de pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon conformément au traité d'Utrecht de 1713.

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