La chasse à la baleine à Red Bay au Labrador

Pendant au moins 50 ans au 16e siècle, la chasse à la baleine est une source de prospérité pour les baleiniers basques de France et d'Espagne. Ils chassent la baleine noire de l'Atlantique Nord et la baleine boréale au large des cîtes du Labrador. Des fouilles effectuées à la Red Bay, un havre situé à 644 km au nord de St. John's, ont permis de retrouver des artefacts liés à cette activité.

Entre les années 1530 et 1600, au moins 600 baleiniers basques répartis sur une quinzaine de navires partent chasser la baleine. Ils harponnent les baleines qui migrent par le détroit de Belle-Isle entre Terre-Neuve et le Labrador. C'est dans les années 1520 que les Basques, qui pêchent la morue près Red Bay, remarquent les baleines qui traversent le détroit.

Red Bay dans le détroit de Belle-Isle
Red Bay dans le détroit de Belle-Isle
Illustration de Duleepa Wijayawardhana. Le site Web du Newfoundland and Labrador Heritage ©1997.

Ces deux espèces de baleines flottent à la surface après avoir été tuées et fournissent un grand nombre de fanons. Elles suivent les mêmes routes migratoires, se déplaçant toutes les deux dans le détroit de Belle-Isle, mais à des périodes différentes de l'année. La baleine noire de l'Atlantique Nord fait son apparition au début de juin alors que la baleine boréale ne se présente pas avant octobre. La grande quantité d'os de baleine boréale retrouvée à Red Bay signale que sa population dépassait en nombre celle de la baleine noire. La chasse à la baleine boréale était donc, semble-t-il, plus rentable. Pendant plus de 80 ans, les Basques ont tué des milliers de baleines au large des cîtes du Labrador.

Les baleinières basques

Avant même qu'une baleinière lève l'ancre, le propriétaire et l'armateur mettent au point les derniers détails du contrat qui les lie. Ce contrat spécifie les partis concernés, stipule les droits et obligations du propriétaire, ainsi que les responsabilités de l'armateur en ce qui concerne l'équipage, les salaires, les vivres et le matériel. Il précise aussi le partage des produits tirés de l'expédition. En général, un quart revient au propriétaire, un tiers à l'équipage et le reste à l'armateur.

Une baleinière peut atteindre 700 tonnes. Son poids imposant en fait le bateau le plus lent sur l'océan Atlantique. Au cours de la traversée, la cale renferme au moins quatre gros tonneaux dont la longueur correspond à la moitié de celle du bateau. Cela permet donc de transporter une quantité considérable d'huile. D'ailleurs, lors de leur découverte, les vestiges de la baleinière San Juan reposaient seulement sous 10 m d'eau dans le havre de Red Bay. Le bateau avait sombré pendant une tempête à l'automne 1565. Des fouilles ont mis à jour plus de 200 tonneaux d'huile, des instruments de navigation, des biens personnels et une grande partie de la coque

Une cruche découverte dans les vestiges du San Juan
Une cruche découverte dans les vestiges du San Juan
Cette cruche a été découverte au cours des fouilles effectuées dans le port de Red Bay au Labrador pour retrouver le San Juan.
Avec la permission de J. A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

À leur arrivée à Red Bay, l'équipage doit d'abord repérer un emplacement sûr et facile d'accès. Il doit ensuite y construire des installations, sur le rivage si possible, et réparer celles de l'année précédente. Cet emplacement assure une meilleure protection contre les conditions météorologiques et représente l'endroit idéal pour bâtir les indispensables fondoirs.

Herminette, hache et couteau
Herminette, hache et couteau
Ces outils ont été découverts au cours des fouilles réalisées dans le port de Red Bay au Labrador pour retrouver le San Juan.

Avec la permission de J. A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

La rive sud-est de Red Bay et la cîte sud-est de l'île Saddle (face au havre de Red Bay) offrent certains des meilleurs emplacements. De 1560 à 1580, lorsque ces endroits ne peuvent plus accueillir d'autres installations durant la haute saison, le choix se porte sur l'île Organ et la partie ouest de l'île Saddle.

L'île Saddle et Red Bay au Labrador
L'île Saddle et Red Bay au Labrador
Illustration de Duleepa Wijayawardhana.
Site Web du Newfoundland and Labrador Heritage ©1997.

Les fondoirs sont des structures particulières qui s'alignent face à la plage. Ils mesurent entre 1,2 et 1,5 m. C'est là que les chaudrons de cuivre fondent la graisse. Pendant la période la plus occupée de la chasse à la baleine, au moins 20 fondoirs sont constamment en activité.

Les techniques de chasse et de transformation

Pendant la chasse, une vigie repère une chaloupe poursuivant une baleine. La petite embarcation s'approche suffisamment près du cétacé pour permettre au baleinier d'enfoncer profondément son harpon dans la bête.

Harpon basque pour la chasse à la baleine
Harpon basque pour la chasse à la baleine
Les baleiniers basques se servent de harpons pour tuer leur proie. Ce harpon provient des fouilles du San Juan.
Avec la permission de J. A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Il lui plante dans le corps d'autres harpons munis d'une petite ancre flottante. La perte de sang a pour effet de ralentir le progrès de la baleine, ce qui permet au baleinier d'enfoncer un harpon dans l'organe vital le plus proche pour l'achever. S'amorce ensuite la fonte.

Une ancre flottante
Une ancre flottante
Des harpons sont munis de ces petites ancres flottantes.

Illustration de Wendy Churchill et Duleepa Wijayawardhana, 1997.

L'amputation des nageoires pectorales et de la queue permet de retourner la carcasse et de retirer la peau et la graisse. La fonte commence lorsqu'un homme debout sur une plateforme dépose de la graisse dans un chaudron pour la faire fondre. Il transvide ensuite l'huile obtenue dans des tonneaux d'entreposage avec une louche à long manche. Après la fonte, l'huile pure remonte à la surface et les impuretés se déposent au fond du récipient.

La fin de la chasse à la baleine

Rien ne nous permet vraiment d'expliquer la raison pour laquelle les Basques ont cessé la chasse à la baleine à Red Bay. Un facteur à ne pas négliger est la chute du nombre de baleines noires de l'Atlantique Nord et de baleines boréales résultant sans doute d'une chasse excessive. En 50 ans seulement, 20 000 baleines ont été tuées. L'effondrement de ces populations a modifié leurs routes migratoires. La chasse à la baleine que pratiquent les peuples autochtones, et les attaques dont sont victimes les baleinières de la part de bateaux privés pourraient également être des raisons pour lesquelles les Basques ont cessé cette activité. Ce n'est toutefois que pure spéculation. Aucun fait ne permet de tirer de conclusion sur les raisons qui ont motivé les Basques à mettre fin à la chasse à la baleine au Labrador. De nos jours, la baleine boréale ne fréquente que l'océan Arctique, et la baleine noire séjourne dans la baie de Fundy et le golfe du Maine pendant l'été.

La chasse à la baleine n'a peut-être pas duré longtemps, mais Red Bay ne reste pas déserte après le départ des Basques. Ces caractéristiques géographiques conviennent très bien aux pêcheurs. Il existe encore, disséminés le long de la région cîtière de Red Bay, des vestiges associés aux activités de chasse à la baleine et de pêche à la morue des Basques.

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