Océan froid

À bien des égards, le patrimoine de Terre-Neuve et du Labrador est étroitement liè à sa situation géographique. Ainsi, il est important de noter que la limite géologique de l'Amérique du Nord se trouve en mer, à la bordure de la plate-forme continentale. La largeur de cette plate-forme varie considérablement, d'environ 100 km au large du Labrador à plus de 600 km au large de la côte est de l'île de Terre-Neuve. Elle présente des secteurs relativement peu profonds, appelés bancs, et des zones plus profondes, appelées fosses ou chenaux. La portion du Grand Banc de la plate-forme continentale fait moins de 50 m de profondeur à certains endroits, alors que certaines fosses peuvent atteindre 400 m. Passé la bordure de la plate-forme, le plancher océanique plonge à des profondeurs d'au-delà de 2 000 m.

Plate-forme continentale
Plate-forme continentale
Avec l'autorisation de MUNCL, ©1998.

Dans les zones de faible profondeur où la lumière atteint le lit de l'océan, la photosynthèse s'effectue sur toute la hauteur de la colonne d'eau, permettant la croissance du phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine. En temps normal, ces conditions favorisent la reproduction, ce qui explique par exemple l'abondance des stocks de poissons et de mammifères marins qui ont joué, des siècles durant, un rôle crucial dans l'histoire de Terre-Neuve et du Labrador. Le Canada a juridiction sur la pêche dans une zone de 200 milles au-delà des côtes, soit sur la plus grande partie de la plate-forme continentale, sauf sur le nez et la queue du Grand Banc, sur le Bonnet Flamand, plus au large, et sur la zone adjacente à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Bancs de pêche et zones de gestion
Bancs de pêche et zones de gestion
Le Grand Banc, qui commence au large de la côte sud-est de Terre-Neuve, s'étire au-delà de la zone de 200 milles où le Canada exerce sa juridiction sur la pêche. Cette zone est en vigueur depuis 1977.
Avec l'autorisation de MUNCL, ©1998.

L'océan qui baigne la plate-forme continentale est froid. Bon an mal an, les températures de l'eau y sont de 7 à 10 oC inférieures à ce qu'elles sont aux mêmes latitudes sur les côtes ouest de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Cet écart est surtout attribuable à la présence d'un important courant marin, le courant du Labrador, qui longe vers le sud les côtes est de la Province à une vitesse d'environ 35 km par jour. Au niveau du Grand Banc, il oblique vers le sud-ouest et une de ses ramifications se dirige vers l'ouest pour suivre la côte sud de l'île et atteindre le Golfe du Saint-Laurent à travers le détroit de Cabot. Le courant du Labrador pénètre aussi dans le Golfe en passant par le détroit de Belle Isle.

Principaux courants marins
Principaux Courants Marins
Illustration modifiée par Duleepa Wijayawardhana en 1998, avec autorisation. Tirée de Atlas of Newfoundland and Labrador, avec la gracieuse permission de Gary E. McManus et Clifford H. Wood, Breakwater Books, St. John's (Terre-Neuve), ©1991 MUNCL. Planche 5.2.

Comme l'eau du courant du Labrador est moins salée que celle de l'Atlantique nord, elle gèle plus facilement. à la fin d'un hiver moyen, les anses de la côte du Labrador et les baies du nord de l'île sont couvertes de glace. Au-delà de cette glace côtière, des glaces flottantes arctiques et subarctiques sont charriées par le courant vers le sud, atteignant parfois le Grand Banc. Au printemps et en été, la banquise bat en retraite vers le nord, si bien que toutes les eaux côtières sont normalement libres de glace à la fin de juillet.

Les icebergs se détachent principalement du front des glaciers de marée de l'ouest du Groenland. Ces montagnes de glace, transportées vers le sud par le courant du Labrador, présentent de graves dangers pour la navigation. En moyenne, plus de 2 000 icebergs croisent chaque année le cap Chidley, à l'extrémité nord du Labrador. De ce nombre, moins de 300 atteindront le secteur du Grand Banc. Il arrive que des icebergs parviennent jusqu'à 40o de latitude N., soit la même latitude que Madrid (Espagne) ou Philadelphie (États-Unis).

Iceberg dans le goulet qui mène au port de St. John's
Iceberg dans le goulet qui mène au port de St. John's
L'observation des icebergs est devenue un attrait touristique majeur. Les icebergs n'en présentent pas moins de graves dangers à la circulation des navires.
Reproduction, autorisée par Brian Bursey, d'une carte postale intitulée Iceberg at St. John's, NL. M&B Postcards, ©1996.

Plusieurs icebergs s'échouent sur les hauts-fonds du plateau continental, où ils posent des risques aux navires et aux installations de forage en haute mer. Ces dernières années, des entreprises ont commercialisé l'eau de la glace d'icebergs pour sa pureté et l'attrait de sa nouveauté. L'observation des icebergs est aussi devenue un attrait touristique majeur.

Labrador Current, oeuvre de Christopher Pratt
Labrador Current, oeuvre de Christopher Pratt
Sérigraphie, A. P. 45.6 x 45.6 cm.
©1973. Reproduction autorisée par Christopher Pratt. Avec la gracieuse permission de la Art Gallery of Newfoundland and Labrador, Arts and Culture Centre, St. John's (Terre-Neuve).

Le courant du Labrador a aussi un effet modérateur significatif sur le climat de l'île et de la côte du Labrador, particulièrement en été. Le temps froid et la brume qu'il occasionne ont un impact sur la flore du littoral. L'artiste terre-neuvien Christopher Pratt a dit du courant du Labrador qu'il était «un flux inlassable de glace fondue, qui alimente notre climat quasi subarctique.»

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