Répartition de la population et secteurs non maritimes

Au tournant du 20e siècle, la plupart des résidents de Terre-Neuve et du Labrador vivaient près des côtes et tiraient leur subsistance de la mer. Il y avait alors très peu de routes et les bateaux constituaient le principal moyen de transport. La construction de la ligne de chemin de fer a permis d'accéder pour la première fois aux terres à l'intérieur de l'île et a permis au gouvernement et à l'industrie d'exploiter les ressources minérales et forestières de la région.

Collins Cove, Burin, vers 1900
Collins Cove, Burin, vers 1900
Il y avait à cette époque très peu de routes, et les bateaux constituaient le principal moyen de transport.
Photographe : Holloway. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 08.02.014), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Les travailleurs ont commencé à quitter leur foyer au bord des côtes afin de trouver du travail dans les nouvelles mines et usines à l'intérieur des terres de l'île. Certains y sont allés à titre de travailleurs saisonniers, alors que d'autres s'y sont installés en permanence. En peu de temps, d'importantes zones populeuses, comme Corner Brook, Grand Falls et Buchans, ont vu le jour ici et là au cœur de Terre-Neuve, et la population de l'île s'est retrouvée répartie non seulement au bord des côtes, mais également à l'intérieur des terres.

Industries forestières et répartition de la population

L'expansion des industries forestières au début du 20e siècle a eu une incidence considérable sur les types de peuplement à Terre-Neuve et au Labrador. En établissant leurs usines dans le centre et dans l'ouest de Terre-Neuve, les papeteries ont ainsi contribué à la création de nouvelles collectivités pour accueillir les travailleurs. Pour la première fois dans l'histoire du pays, des milliers de familles ont quitté leur localité côtière pour aller habiter et travailler à l'intérieur de l'île.

La ville de Grand Falls s'est créée pratiquement du jour au lendemain après que l'Anglo-Newfoundland Development Company y eut ouvert une usine de pâtes et papiers en 1909. La localité, qui n'était qu'une région sauvage inhabitée au tournant du 20e siècle, comptait déjà, en 1911, une population de 1 634 habitants. Les pionniers sont également venus s'installer rapidement et en grand nombre à Bishop's Falls, après que l'entreprise Albert E. Reed and Company y eut établi une usine de pâtes en 1911. La population de la localité s'est fortement accrue, passant de 20 habitants en 1901 à près de 800 en 1921. La petite population de Corner Brook a augmenté considérablement après que la Reid Newfoundland Company y eut construit une usine de pâtes et papiers en 1925; dès le début des années 1930, environ 10 000 personnes vivaient dans la région.

Grand Falls, vers 1917
Grand Falls, vers 1917
La localité, qui n'était qu'une région sauvage inhabitée au tournant du 20e siècle, comptait déjà, en 1911, une population de 1 634 habitants.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 20.02.006), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

L'arrivée de ces usines a également contribué à l'établissement de nouvelles collectivités forestières ou à l'expansion rapide de celles déjà en place. Le village forestier de Badger, par exemple, a connu une croissance rapide, après qu'il eut commencé à alimenter l'usine de Grand Falls en bois en 1909. La population de l'endroit s'est accrue, passant de 20 habitants en 1901 à 136 en 1911 et à 284 en 1921. La municipalité de Norris Arm a également vu sa population augmenter, après qu'elle eut commencé à expédier du bois à l'usine de Grand Falls. La collectivité, qui n'avait qu'une population de 83 habitants en 1901, comptait déjà 394 résidents permanents en 1921; ceux-ci étaient nombreux à avoir quitté les îles de la baie Notre Dame pour venir s'y installer. Diverses autres collectivités forestières ont également vu leur population augmenter au début des années 1900, dont Millertown, Benton, Gambo et Glenwood.

La Reid Newfoundland Company a contribué à l'établissement de la collectivité de Deer Lake lorsqu'elle a construit une centrale hydroélectrique dans la région, dans les années 1920, dans le but d'alimenter son usine de Corner Brook. Les travailleurs sont venus à Deer Lake, depuis les quatre coins de l'île, pour aider à construire la centrale; une fois la construction terminée en 1925, de nombreux résidents se sont installés de façon permanente dans la région afin d'y travailler comme bûcherons. En 1935, environ 1 500 personnes vivaient à Deer Lake.

Collectivités minières

L'expansion de l'industrie minière à Terre-Neuve et au Labrador vers la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle a également eu une incidence sur la répartition de la population. Des travailleurs de partout au pays se sont rendus aux nouvelles mines de l'île Bell, de Buchans et d'ailleurs pour y trouver du travail. Certaines mines ont transformé des régions faiblement peuplées en villes champignons, alors que d'autres ont mené à la création de nouveaux centres de peuplement dans des régions sauvages. Toutefois, la plupart des mines ont amené les travailleurs à quitter les petits villages de pêcheurs dispersées le long des côtes pour s'installer dans les nouvelles agglomérations industrielles plus densément peuplées.

Bien que des familles d'agriculteurs et de pêcheurs se soient installées sur l'île Bell au cours du 18e siècle, la population de l'endroit est demeurée peu nombreuse jusqu'à ce que les mines de minerai de fer ouvrent leurs portes à Wabana en 1895. Au cours des années qui ont suivi, des centaines de travailleurs, de partout au pays, ont afflué sur l'île Bell. La population s'est accrue, passant de 701 habitants en 1891 à 1 320 en 1901 et à 6 157 en 1935.

Île Bell, vers 1904
Île Bell, vers 1904
Des familles d'agriculteurs et de pêcheurs se sont installées sur l'île Bell au cours du 18e siècle.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (coll. 137 10.13.010), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Buchans est une autre ville champignon qui a vu le jour avant la Confédération et qui a attiré des centaines de travailleurs de divers autres endroits de Terre-Neuve et du Labrador. Contrairement à l'île Bell, Buchans était une région sauvage inhabitée, au cœur de Terre-Neuve, avant que l'American Smelting and Refining Company (ASARCO) y ouvre une mine de plomb, de zinc et de cuivre en 1927. L'entreprise a également construit un centre urbain pour loger les travailleurs. Au cours des années qui ont suivi, la mine a prospéré, tout comme la collectivité, dont la population est passée de zéro habitant en 1926 à 910 en 1930 et à 1 920 en 1945.

D'autres mines ont également ouvert leurs portes à Terre-Neuve et au Labrador au cours de la première moitié du 20e siècle, dont une carrière de calcaire à Aguathuna et une mine de fluorine à St. Lawrence. Bien que la plupart des nouvelles collectivités minières aient attiré des résidents de partout au pays, aucune n'a connu une croissance et une prospérité aussi importantes que celles de l'île Bell et de Buchans.

Collectivités agricoles

Les efforts déployés par le gouvernement au cours de la première moitié du 20e siècle en vue de développer l'industrie agricole à Terre-Neuve et au Labrador ont également donné lieu à l'établissement d'un petit nombre de nouveaux centres de peuplement, bien qu'aucun d'entre eux n'ait connu beaucoup de succès. La plupart des nouvelles collectivités ont vu le jour après que la Commission de gouvernement de Terre-Neuve eut mis en place un programme de colonisation rurale pendant la Grande Dépression, afin d'encourager l'agriculture et de réduire la pauvreté.

Dans le cadre de ce programme, le gouvernement a aidé des familles à établir des fermes, à élever des animaux et à bâtir des collectivités dans diverses régions inhabitées du pays. Le premier et le plus important programme a été mis en place à Markland, sur la péninsule d'Avalon, où habitaient environ 100 familles en 1937. Le gouvernement a formé d'autres collectivités agricoles à Brown's Arm, à Haricot, à Lourdes et ailleurs. Toutefois, croyant que le gouvernement réglementait de trop près les collectivités agricoles, de nombreux pionniers en sont partis afin d'aller chercher du travail dans les zones de pêche ou sur les bases militaires pendant la Deuxième Guerre mondiale. La Commission a décidé d'abolir le programme en 1941.

Villes champignons

Tout au long de la première moitié du 20e siècle, des milliers de travailleurs de Terre-Neuve et du Labrador ont continué de s'installer dans les nouvelles zones d'emploi. Les changements les plus importants dans les types de peuplement ont été observés dans le centre et dans l'ouest de Terre-Neuve, où les nouvelles mines et usines de papiers ont attiré des pionniers dans des régions auparavant inhabitées.

Bien que certaines villes champignons continuèrent de prospérer, ce qui fut le cas, entre autres, des villes papetières de Corner Brook et de Grand Falls-Windsor, d'autres, en particulier des collectivités minières, n'ont connu qu'un succès temporaire. Une fois que les mines de minerai de fer de l'île Bell eurent fermé leurs portes en 1966, de nombreuses personnes ont quitté l'endroit pour se chercher du travail ailleurs. Bien que la population de l'île Bell eût atteint plus de 12 000 habitants dans les années 1960, elle en comptait moins de 3000 en 2011. Buchans a également connu une baisse après la fermeture de sa mine en 1984. Depuis ce temps, la population de la ville a chuté, passant de 2 361 habitants en 1971 à 696 en 2011.

Labrador

Les secteurs non maritimes ont peu évolué au Labrador vers la fin du 19e siècle et au cours de la première moitié du 20e siècle. En 1936, la Commission de gouvernement, qui faisait la promotion des projets d'exploitation minière et forestière, a accordé des droits sur les minéraux et l'énergie hydroélectrique à la Weaver Coal Company sur une superficie de 50 000 kilomètres carrés à l'intérieur des terres du Labrador. Tout au long des années 1930, la Commission a reçu des propositions d'organismes internationaux, tels que l'Association de colonisation juive, et des membres de la communauté juive de l'endroit, qui demandaient l'établissement massif au Labrador de réfugiés juifs victimes de persécution en Europe et proposaient des idées concernant l'exploitation des ressources intérieures. Toutefois, les représentants de la Commission étaient préoccupés par le soi-disant manque de réalisme de la colonisation à grande échelle en période de crise économique, ont craint de voir déferler une vague de réfugiés juifs et ont plutôt préféré accorder le droit d'établissement à des Britanniques ou à des Européens du Nord. Des changements importants dans la colonisation à l'intérieur des terres du Labrador n'ont été observés qu'après la construction de la base aérienne de Goose Bay pendant la Deuxième Guerre mondiale et le développement ultérieur des industries d'extraction du minerai de fer.

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