Aviation commerciale et militaire

Durant les années 1930, Terre-Neuve est devenue un terminus occidental pour les services aériens commerciaux transatlantiques. Des aéroports sont apparus à Botwood et à Gander et, à compter de 1938, un service régulier de vols hebdomadaires reliait l'Amérique du Nord et l'Europe. La Deuxième Guerre mondiale allait amener de plus grands progrès encore : les forces armées du Canada et des États-Unis ont agrandi les aéroports existants et en ont construit de nouveaux à Torbay, à Argentia, à Stephenville et à Goose Bay. La colonie a alors servi d'escale d'avitaillement vitale pour les avions alliés qui transportaient soldats et approvisionnements dans les deux sens avec l'Europe, ainsi que d'important lien pour le transport des avions militaires destinés à la Grande-Bretagne. La plupart de ces terrains d'aviation vont être éventuellement convertis pour des usages civils; seule la base de la 5e Escadre de Goose Bay est toujours sous le contrôle de l'Aviation royale du Canada (ARC).

Pilotes de l'ARC à Torbay, 2 octobre 1942
Pilotes de l'ARC à Torbay, 2 octobre 1942
Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-133271), Ottawa (Ontario). Photographe inconnu.

L'aviation commerciale s'est popularisée après la Confédération. Les Lignes aériennes Trans Canada (aujourd'hui Air Canada) proposent des vols intérieurs et internationaux réguliers, tandis que des compagnies locales offrent des services régionaux à l'intérieur de la province. En date de 2012, il y avait des aéroports internationaux à St. John's, à Stephenville et à Gander, et des terrains plus modestes un peu partout à travers la province. Diverses compagnies aériennes proposent des horaires réguliers de vols régionaux, intérieurs et internationaux.

Service aérien transatlantique

Dans le cadre de la Conférence économique impériale de 1932, Terre-Neuve, le Canada, le Royaume-Uni et l'État libre d'Irlande ont convenu de la formation d'un comité d'étude sur la création d'un service aérien transatlantique commercial. En 1935, les représentants de ces gouvernements ont décidé de construire des aéroports à Botwood, pour les hydravions, et à proximité du lac Gander, pour les avions terrestres, afin qu'ils servent de terminus occidentaux à des services aériens transatlantiques commerciaux. Les deux sites se trouvaient sur le trajet le plus court à vol d'oiseau (appelée route orthodromique) entre Londres et New York. Botwood pouvait compter sur un havre profond et protégé, essentiellement libre de glaces de juin à novembre. L'emplacement du lac Gander, sur un haut plateau sec et dégagé, était voisin de la ligne ferroviaire qui traversait l'île.

En 1937, British Imperial Airways et Pan American Airways inauguraient conjointement un service aérien expérimental. Entre le 3 et le 6 juillet, un Clipper III de Pan Am complétait le premier voyage d'ouest en est entre New York et Foynes, en Irlande, ponctué d'une escale de deux nuits à Botwood. Entre le 5 et le 9 juillet, un hydravion Caledonia de British Imperial faisait le voyage en sens inverse. Ce service n'allait pas tarder à être élargi pour inclure des vols transatlantiques de fin de semaine, et l'aéroport du lac Gander, qu'on appellera le Newfoundland Airport jusqu'en 1941, a ouvert ses pistes en 1938.

Deuxième Guerre mondiale

La déclaration de la guerre en 1939 a interrompu le développement des services aériens commerciaux, mais a aussi mis en branle des changements rapides dans les installations aéroportuaires de la colonie. La position géographique de Terre-Neuve la rendait d'une importance considérable pour l'effort de guerre des Alliés et la défense de l'Amérique du Nord, mais la Commission de gouvernement n'avait pas les moyens de construire des bases militaires adéquates. Dans ce contexte, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont convenu, en 1939 et 1941 respectivement, de construire des bases militaires dans la colonie. Le Canada a agrandi les aéroports de Botwood et de Gander, et en a construit de nouveaux à Torbay et à Goose Bay, tandis que les États-Unis aménageaient de vastes terrains d'aviation à Stephenville et à Argentia.

La base navale d'Argentia, 1943
La base navale d'Argentia, 1943
Reproduit avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 109 5.01.004), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's (T.-N.-L.). Photographe inconnu.

Ce n'est qu'au printemps et à l'été de 1940 que les travaux ont vraiment démarré, après que l'Allemagne nazie ait défait la France et occupé l'essentiel de l'Europe occidentale. En juin, de crainte que l'Amérique du Nord soit la prochaine sur la liste si l'Angleterre devait capituler, la Commission de gouvernement, avec l'approbation des Britanniques, autorisait l'Armée canadienne à installer des forces aériennes et terrestres à Gander et à Botwood.

Dans les deux aéroports, les travaux ont débuté rapidement afin d'héberger les troupes et les appareils en transit. À Botwood, des travailleurs ont construit une énorme cale de halage en béton et deux hangars pour hydravions, tandis que s'amorçaient les chantiers de l'hôpital, des casernes, des entrepôts, des ateliers de réparation, des salles à manger, des services d'aqueduc et de diverses autres installations. À Gander, l'Aviation royale canadienne (ARC) allait dépenser 1,3 million de dollars pour édifier des hangars, des casernes et des entrepôts additionnels, et pour moderniser les installations existantes. En 1945, les forces canadiennes, américaines et britanniques stationnées à ce terrain d'aviation pouvaient compter sur quatre pistes, plus de 100 bâtiments, dont des casernes, des hangars et un hôpital, et le système de communications le plus perfectionné de l'heure.

Durant la guerre, Gander a surtout contribué à l'opération de livraison d'avions de l'Atlantique. Peu après le début des hostilités, la Royal Air Force (RAF) a commandé des avions additionnels aux usines américaines. Au lieu de livrer par bateau ces avions démontés, la RAF a choisi de leur faire traverser l'Atlantique par la voie des airs, utilisant les pistes de Gander et de Goose Bay comme escales. À la fin de la guerre, Gander et Goose Bay avaient aidé à livrer quelque 10 000 avions en Europe.

Au début des travaux de construction, en septembre 1941, il n'y avait à Goose Bay qu'un territoire sauvage et inhabité. Deux ans plus tard, Goose Bay était le plus grand terrain d'aviation de l'hémisphère occidental. Des troupes canadiennes, américaines et britanniques y ont été stationnées, malgré que la base soit demeurée sous le commandement de l'ARC. Goose Bay devait jouer un rôle majeur dans la livraison d'avions de combat vers l'Europe, en plus de contribuer à la défense générale de l'Amérique du Nord et de servir d'aéroport vital pour le transport de personnes, de marchandises et de cargaisons classifiées vers la Grande-Bretagne.

L'ARC a aussi construit un aéroport à Torbay. Entamés au printemps de 1941, les travaux ont progressé rapidement. Plus de 400 travailleurs y ont passé de durs quarts de travail à assécher des marécages, à dynamiter des rochers et à faire du terrassement. À la fin de 1941, deux de ses quatre pistes étaient prêtes, ainsi qu'une voie de circulation, des hangars, un système d'approvisionnement en eau et divers autres aménagements. Même si Torbay a vu moins de trafic aérien que les autres terrains des Alliés dans la colonie, la base a joué un rôle crucial pour la défense de l'hémisphère. Durant toute la guerre, elle a contribué à fournir une couverture aérienne aux convois de ravitaillement, à patrouiller l'Atlantique nord en quête de U-boot et à protéger St. John's et l'île Bell des attaques ennemies. La base a aussi servi d'alternative, en cas d'intempéries, pour les avions militaires canadiens et américains.

En 1942, le Canada et Terre-Neuve ont convenu de fournir des services aériens commerciaux à Torbay. Le premier aéronef y a pris son envol le 1er mai, avec à son bord cinq passagers et trois membres d'équipage; il était exploité par les Lignes aériennes Trans-Canada (rebaptisées « Air Canada » en 1964). La première aérogare de la base, une petite structure de bois, a été construite en 1943.

Lockheed 14H2 des Lignes aériennes Trans-Canada, Torbay, 1942-1948
Lockheed 14H2 des Lignes aériennes Trans-Canada, Torbay, 1942-1948
Reproduit avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 137 5.04.008), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's (T.-N.-L.). Photo : Marshall Studios.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, l'établissement d'une base aérienne américaine a transformé le village rural de Stephenville, alors largement francophone, en une ville de garnison prospère où l'anglais allait dominer. Le 23 juin 1941, la base a été officiellement baptisée Harmon Field, en l'honneur du capitaine Ernest Emery Harmon, un pionnier de l'aviation militaire aux États-Unis, qui avait servi dans les US Air Corps durant la Première Guerre mondiale. La construction de la base et de ses trois pistes bétonnées débutait en mars 1941; ouverte pour les atterrissages d'urgence dès 1942, elle a commencé à accueillir le trafic aérien lourd à partir d'août 1943.

La position stratégique de Stephenville dans l'Atlantique nord, associée à ses conditions de vol quasi idéales, ont fait de Harmon Field un poste d'avitaillement vital pour les avions de transport du personnel et des approvisionnements entre l'Amérique et l'Europe. Aussi, la base a hébergé de 1942 à 1944 trois bombardiers B-17 qui ont patrouillé l'Atlantique pour traquer les U boot allemands.

Durant la guerre, les États-Unis ont également construit une immense base navale et aérienne à Argentia. Mise en service en 1941, l'installation était entièrement opérationnelle lorsque les États-Unis sont officiellement entrés en guerre la même année, en décembre. Ils y avaient aménagé trois pistes, chacune longue de 5 000 pieds, plus de 2 000 pieds d'appontement, une cale sèche flottante, des hangars, des entrepôts pour 15 millions de gallons d'essence et de mazout, et des quartiers d'habitation. Les forces alliées se sont servies d'Argentia pour des patrouilles aériennes anti-sous-marins et pour l'escorte de forces opérationnelles. La plus importante des forces opérationnelles américaines dans l'Atlantique, constituée de cinq porte avions et de plus de 50 destroyers et patrouilleurs, y était aussi stationnée.

L'aviation après la guerre

Au terme des hostilités, certaines des bases militaires ont changé de rôle et d'autres ont fermé leurs portes. L'Aviation américaine s'est servie de Stephenville comme base de défense aérienne de l'Amérique du Nord jusqu'à sa fermeture, en 1966. Une fois ses installations converties à des fins civiles, Transports Canada a assumé l'exploitation de l'aéroport, tandis que le gouvernement provincial gérait le reste de la base. En date de 2012, l'aéroport propose des vols quotidiens à destination de St. John's, ainsi que des vols nolisés en direction de l'Alberta et de Saint Pierre et Miquelon. Il sert aussi d'escale d'avitaillement pour des vols internationaux et d'alternative officielle à l'aéroport international de Gander.

Argentia est aussi resté une base navale américaine jusqu'au départ des derniers militaires, en 1994. L'installation a été remise à la province, mais n'a pas été transformée en aéroport civil. Elle est restée essentiellement inactive jusqu'en 2008, année où le Programme de vol à voile des cadets de l'air des Forces canadiennes a commencé à l'utiliser pour ses activités de planeurs.

Le service de liaisons commerciales par hydravion de Botwood a pris fin en 1945, en grande partie à cause de la prédilection croissante pour les avions terrestres; l'aéroport est aujourd'hui le site d'un musée historique. Le terrain d'aviation de Goose Bay est la seule base qui soit restée sous contrôle militaire. Aujourd'hui connue comme la 5e Escadre de Goose Bay, elle a pour mission de soutenir l'entraînement et les opérations des forces alliées, de la Défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) et des forces canadiennes.

Les bases canadiennes de Gander et de Torbay ont été converties après la guerre en aéroports civils, et sont aujourd'hui connues comme les aéroports internationaux de Gander et de St. John's. Durant la tragédie du 11 septembre 2001, Gander a écrit une page de l'histoire de l'aviation en redirigeant toute la circulation aérienne est-ouest de l'Atlantique nord et en accueillant 40 appareils sur ses pistes.

L'Aéroport international de St. John's, 2008
L'Aéroport international de St. John's, 2008
Reproduit avec la permission de Jenny Higgins, 2008. Photo : Jenny Higgins.

Depuis la guerre, nombre de compagnies aériennes commerciales ont dispensé des services régionaux, intérieurs et internationaux à Terre-Neuve et Labrador. Dès 1942, les Lignes aériennes Trans Canada avaient commencé à offrir des vols nationaux et internationaux quotidiens à Torbay, à Stephenville et à Gander; après l'union avec le Canada en 1949, l'administration Smallwood a subventionné des compagnies aériennes locales pour qu'elles dispensent des services à l'intérieur de la province. La mieux connue de ces compagnies aura été Eastern Provincial Airways, qui a offert des liaisons aériennes régulières entre le Labrador et l'île.

De nos jours, diverses compagnies offrent des vols réguliers au départ de Terre-Neuve et Labrador, notamment Air Canada, Air Labrador, Provincial/Innu Mikun Airlines, Continental/United Airlines, Porter Airlines et WestJet. Outre les trois aéroports internationaux de St. John's, de Gander et de Stephenville, on trouve dans la province des aéroports, des pistes et des héliports de moindre importance, dans des centres comme Deer Lake, St. Anthony, Goose Bay et Wabush.

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