Des Terre Neuviens et des Labradoriens ont participé à la Première Guerre mondiale sur terre, en mer et dans les airs. Certains œuvraient au pays tandis que de nombreux autres combattaient au front en France, aux Dardanelles (Gallipoli) et ailleurs. D'autres s'étaient portés volontaires pour être bûcherons, le bois d'œuvre étant essentiel à l'effort de guerre, ou infirmiers dans les hôpitaux militaires à l'étranger. D'autres enfin, servaient dans la marine marchande, au transport de marchandises indispensables aux pays alliés.
Avec la permission de The Rooms, division des archives provinciales (A 8-34), St. John's (T. N. L.)
Au total, 8 707 hommes se sont enrôlés dans les trois forces du dominion - le Royal Newfoundland Regiment, la Newfoundland Royal Naval Reserve et le Newfoundland Forestry Corps. Par ailleurs, 3 296 ont rejoint les rangs de la Force expéditionnaire du Canada. Ces 11 988 hommes représentaient près de 10 pour cent de la population masculine totale du dominion, et 35,6 pour cent de tous les hommes en âge de servir dans l'armée (entre 19 et 35 ans). Quelques autres se sont enrôlés dans d'autres forces comme le Royal Flying Corps et la Royal Air Force.
Au moins 505 marins de Terre Neuve et du Labrador faisaient partie de la marine marchande et naviguaient à bord de navires commerciaux transportant des passagers et des marchandises vers les ports des pays alliés. Environ 175 femmes travaillaient aussi à l'étranger comme infirmières diplômées ou au sein du Détachement d'aide volontaire, un corps d'infirmières partiellement formées.
Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, le 4 août 1914, tout le monde, ou presque, pensait qu'elle se gagnerait à terre plutôt qu'en mer. En conséquence, le gouvernement de Terre Neuve décida de former un régiment de 500 hommes.
Avec la permission de The Rooms, division des archives provinciales (VA 37-15.2), St. John's (T. N. L.)
Le public a répondu avec enthousiasme à l'appel du First Newfoundland Regiment. Lorsque le recrutement du premier contingent prit fin, le 26 septembre 1914, 970 hommes s'étaient présentés. 565 de ces hommes avaient été acceptés et plus de 200 refusés, les autres ayant été mis en attente. Les opérations de recrutement se sont si bien déroulées que le gouvernement de Terre Neuve a décidé d'augmenter plus tard l'effectif du régiment à 1 080 officiers et soldats avec une réserve de 50 pour cent, soit un bataillon complet.
Les 538 premiers hommes enrôlés quittèrent St. John's à bord du navire à vapeur Florizel le 4 octobre 1914. Environ 26 autres groupes de recrues suivirent jusqu'à la fin de la guerre. Tous les soldats du Regiment commençaient leur service à l'étranger par une période d'entraînement au Royaume Uni, avant d'être envoyés sur les divers théâtres d'opérations.
Avec la permission de The Rooms, division des archives provinciales (VA 37-25.2), St. John's (T. N. L.)
Le Newfoundland Regiment s'est distingué sur les champs de bataille des Dardanelles et de Beaumont-Hamel (où il a subi de très lourdes pertes le 1er juillet 1916), Gueudecourt, Monchy-le-Preux et Cambrai, entre autres. Ses actes de bravoure lui ont valu le qualificatif de « Royal » en décembre 1917, un honneur qu'aucun autre régiment britannique n'a obtenu durant la Première Guerre mondiale.
Avec la permission de The Rooms, division des archives provinciales (NA 3105), St. John's (T. N. L.)
À la signature de l'armistice, le 11 novembre 1918, le Royal Newfoundland Regiment a rejoint la force d'occupation en Allemagne. Pas moins de 6 277 Terre Neuviens et Labradoriens avaient alors joint le régiment. Par ailleurs, 4 128 hommes s'étaient présentés à l'enrôlement, mais avaient été refusés pour raisons médicales. Des groupes d'hommes ont commencé à rentrer au pays dès le printemps 1919. Le Regiment fut dissout le 26 août de la même année.
En mer, près de 2 000 Terre Neuviens et Labradoriens ont fait du service actif dans la Newfoundland Royal Naval Reserve durant la Première Guerre mondiale. Contrairement aux hommes du First Newfoundland Regiment, qui sont demeurés dans leur unité, les réservistes étaient répartis sur l'ensemble de la Royal Navy.
Avec la permission de The Rooms, division des archives provinciales (F 37-17), St. John's (T. N. L.)
Ils ont navigué à bord de chalutiers dragueurs de mines près des îles britanniques et à bord de navires marchands qui les emmenaient en Inde, en Afrique, en Amérique du Sud et en Australie. Les Terre Neuviens et Labradoriens occupaient les fonctions de canonniers et d'hommes de pont, ils déposaient des troupes terrestres dans les zones de guerre et ils acheminaient des denrées alimentaires et du matériel essentiels dans les ports des pays alliés.
Ils ont aussi servi à bord des navires-pièges, les Q-ships, des navires de guerre lourdement armés déguisés en navires marchands ou en bateaux de pêche. Ces navires avaient pour mission de tromper les sous marins ennemis en s'en approchant suffisamment pour être la cible de tirs. De nombreux réservistes terre neuviens ont également servi dans le 10th Cruiser Squadron de la Royal Navy, une unité créée au début de la guerre pour patrouiller en mer du Nord et dans les eaux situées entre les îles britanniques et l'Islande.
Avec la permission de The Rooms, division des archives provinciales (NA 2468), St. John's (T. N. L.)
Certains membres de la Newfoundland Royal Naval Reserve ont également servi au pays. Ils constituaient une garde de protection à la station de télégraphe de l'amirauté située à Mount Pearl ou étaient affectés à un canon de 12 livres situé au fort Waldegrave pour protéger l'entrée du port de St. John's. Ils faisaient aussi partie d'une patrouille terre neuvienne et labradorienne chargée de protéger les eaux côtières et la pêche sur les Grands Bancs.
Également en mer, mais pas en tant que combattants, se trouvaient les 505 Terre Neuviens et Labradoriens qui servaient dans la Marine marchande. Ils naviguaient à bord de navires civils qui transportaient des passagers et des marchandises vers les ports des pays alliés et des pays neutres. Plusieurs d'entre eux ont navigué dans l'Atlantique Nord, où les U boats allemands devenaient de plus en plus menaçants au fur et à mesure du déroulement de la guerre.
The St. John's Daily Star du 22 août 1918.
Le 8 octobre 1916, un U boat a torpillé et coulé le SS Stephano au large des côtes du Massachusetts. Le Stephano était un vapeur terre neuvien qui transportait des passagers entre St. John's et New York. Personne n'a péri dans cette attaque, les destroyers américains ayant pu embarquer toutes les personnes qui se trouvaient à bord du navire.
Avec la permission du service des archives historiques maritimes (PF 008.099), Memorial University , St. John's (T. N. L.)
Parfois, les Allemands faisaient prisonniers des membres de la Marine marchande. Le 28 juin 1918, un U boat a capturé le SS Dictator et a fait de son équipage des prisonniers de guerre. Parmi eux se trouvaient quatre Terre Neuviens : Thomas Fiander, Edgar Banfield, Charles Blagdon et Thomas Bowridge. Au moins 115 marins marchands de Terre Neuve et du Labrador sont morts durant la Première Guerre mondiale. Leurs noms sont inscrits sur le monument commémoratif de Beaumont-Hamel.
Environ 500 bûcherons et travailleurs de scierie professionnels de Terre Neuve et du Labrador ont servi à l'étranger au sein du Newfoundland Forestry Corps, une unité militaire non combattante créée en avril 1917 pour fournir à l'Angleterre le bois dont elle avait besoin pour soutenir l'effort de guerre. Les recruteurs éliminaient ouvertement les jeunes hommes célibataires qui étaient aptes pour le service dans les unités combattantes.
Avec la permission de la Heritage Society de Grand Falls-Windsor, Grand Falls-Windsor (T. N. L.)
Le Corps a déboisé plus de 1 200 acres de forêt en Écosse jusqu'à la fin de la guerre. Le bois ainsi produit était ensuite acheminé aux forces alliées qui en avaient besoin pour construire des abris, couvrir le sol boueux des tranchées et construire des voies ferrées pour le transport des soldats et du matériel vers les lignes de front. L'industrie des munitions était aussi dépendante d'un approvisionnement régulier en bâtis de bois qui étaient utilisés pour étayer les galeries de mines.
Des Terre Neuviennes ont aussi servi à l'étranger comme infirmières professionnelles ou au sein du Détachement d'aide volontaire (DAV). Elles ont passé d'innombrables heures à travailler dans des hôpitaux surpeuplés où régnait le chaos, pour soigner des soldats grièvement blessés au front. Les DAV étaient des infirmières partiellement formées qui exerçaient de nombreuses autres fonctions, faisant notamment office de conductrices d'ambulances, de cuisinières, de secrétaires et d'agents du bien être social.
De l'album de Ruby Ayre, p. 15. Avec la permission du service des archives et des collections spéciales (Coll-322 1.01), bibliothèque Queen Elizabeth II, Université Memorial de Terre Neuve, St. John's (T. N. L.)
À la fin de la guerre, plusieurs de ces femmes ont trouvé difficile de se réadapter à la vie qui les attendait au pays. Elles étaient souvent frustrées de constater que leurs familles et leurs communautés s'attendaient à ce qu'elles reprennent leurs rôles de femmes au foyer, alors que la guerre leur avait donné un sentiment d'indépendance et d'autonomie. Elles furent nombreuses à adhérer au mouvement des suffragettes, qui valut aux femmes de Terre Neuve d'obtenir le droit de vote en avril 1925.
Plus de 3 000 Terre Neuviens et Labradoriens ont aussi joint les rangs de la Force expéditionnaire du Canada (FEC) durant la Première Guerre mondiale, même si peu de documents écrits en attestent. Les bataillons de la FEC ont participé à de nombreuses grandes batailles de la Première Guerre mondiale, dont celles d'Ypres en 1915, de la Somme en 1916 et de la crête de Vimy et de Passchendaele en 1917.
Canada. Bureau des brevets/ Bibliothèque et Archives Canada/C-026125
Plusieurs des Terre Neuviens qui ont joint les rangs de la FEC vivaient au Canada lorsque la guerre a éclaté. C'était le cas de John Bernard Croak, qui était né à Little Bay, dans la baie de Notre Dame, le 19 mai 1892. En 1914, il travaillait dans les mines de charbon en Nouvelle Écosse. Il est mort à la bataille d'Amiens le 8 août 1918, lors de la capture d'une garnison ennemie. Ses actes de bravoure de cette journée lui ont valu la croix de Victoria, la plus grande récompense accordée pour le courage à un militaire du Commonwealth. La London Gazette a décrit ses actes en ces termes :
« ... se retrouvant isolé du reste de sa section, il tomba sur un nid de mitrailleuse qu'il bombarda et neutralisa, se saisissant de la machine et faisant prisonniers les hommes qui l'actionnaient. Peu après, il fut grièvement blessé, mais refusa d'abandonner le combat. Après avoir rejoint le peloton, il arriva sur un point stratégique important où se trouvaient plusieurs mitrailleuses. Le soldat Croak saisit toutefois l'occasion qui s'offrait à lui et s'élança vers l'avant seul, suivi de près par le reste du peloton, dans une brillante charge. Il arriva le premier à la ligne de tranchées où il fit entrer ses hommes, capturant au passage trois mitrailleuses et tuant à la baïonnette ou capturant tous les hommes de la garnison. La persévérance et le courage de ce brave soldat, qui fut encore une fois grièvement blessé et succomba à ses blessures, sont une source d'inspiration pour tous. » (London Gazette, le 24 septembre 1918) [Traduction]
Tiré de The Cadet 6.1 (1919): 24.
Au moins 21 Terre Neuviens ont joint les rangs du Royal Flying Corps (RFC) ou de la Royal Air Force (RAF) pendant la Première Guerre mondiale. Le premier d'entre eux fut Howard Vincent Reid, qui passa du Newfoundland Regiment au RFC en 1915. Le lieutenant J. H. S. Green fut le seul Terre Neuvien à périr durant son service dans le RFC. Deux autres, J. W. Blackall et L. A. Edens, ont été faits prisonniers; Edens est mort dans un camp de prisonniers de guerre en mars 1918.
Les Terre Neuviens et Labradoriens ont subi de très lourdes pertes durant la Première Guerre mondiale. On a dénombré pas moins de 1 281 morts (1 305 selon certaines sources) et 2 284 blessés parmi les hommes du Royal Newfoundland Regiment. Bien qu'inférieurs pour la Royal Naval Reserve, les chiffres n'en sont pas moins beaucoup trop élevés, représentant environ neuf pour cent de l'effectif qui s'était engagé dans la guerre.
Avec la permission du service des archives et des collections spéciales (coll. 346 1.01.019), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University, St. John's (T. N. L.)
La perte de si nombreux jeunes, à laquelle s'ajoutait le nombre de blessés, d'invalides et de malades, eut de lourdes conséquences à long terme.