Newfoundland and Labrador In The First World War

Les Autochtones dans la Première Guerre mondiale

Bien que des personnes de descendance autochtone de Terre-Neuve et du Labrador se soient battues durant la Première Guerre mondiale et que certains y ont même laissé leur vie, leur histoire demeure peu connue. Il existe peu de documents ou de recherches pour décrire leurs expériences de guerre et les raisons qui les ont motivés à s'enrôler. Puisque les dossiers militaires du pays n'ont pas identifié toutes les recrues militaires, le nombre exact d'autochtones qui se sont enrôlés nous est inconnu, et nous ne connaissons pas non plus le nombre d'entre eux qui ont péri outre-mer en raison d'une attaque ennemie ou d'une maladie.

Caporal suppléant John Shiwak, vers 1915-1917
Caporal suppléant John Shiwak, vers 1915-1917
John Shiwak, un chasseur et trappeur de descendance inuit du Labrador, a servi comme tireur d'élite et éclaireur durant la Première Guerre mondiale. Il est décédé le 20 novembre 1917, lorsqu'un obus a explosé et tué avec lui six autres soldats durant la bataille de Cambrai, dans le Nord de la France. Il avait 28 ans.

Image reproduite avec l'autorisation du Mémorial virtuel de guerre du Labrador: http://www.themdays.com/memorial/persons1/Shiwak_John.html

Les historiens estiment toutefois qu'au moins 15 hommes de descendance inuit et métisse se sont joints au First Newfoundland Regiment. La plupart ont servi dans des unités d'infanterie, lesquelles regroupaient le plus grand nombre de soldats, et nombre d'entre eux ont utilisé leurs techniques de chasse, de trappe et autres techniques traditionnelles pour devenir tireurs d'élite et éclaireurs experts. Certains d'entre eux étaient tellement compétents sur le champ de bataille que des éloges et des promotions leur ont été décernés par leurs officiers supérieurs, ainsi que des décorations militaires du Royaume-Uni et du Canada.

Recrutement au Labrador

Lorsque les hostilités ont éclaté, la plupart des autochtones à Terre-Neuve et Labrador vivaient dans des communautés nordiques isolées telles que Rigolet et Hopedale. Les nouvelles parvenaient lentement à ces régions et de nombreux résidants n'avaient pas encore connaissance que leur pays était en guerre. De plus, en raison de l'éloignement du Labrador et de sa population petite et dispersée, les efforts de recrutement étaient d'abord limités à l'île de Terre-Neuve. Par conséquent, l'enrôlement militaire volontaire était souvent plus difficile auprès de la population autochtone du pays que pour la plupart des autres segments de la population.

Hopedale, avant 1923
Hopedale, avant 1923
Hopedale, une des communautés isolées du Labrador au début de la Première Guerre mondiale.

Photographe inconnu. Reproduction autorisée par la division des archives et des collections spéciales (coll. 137 22.02.002), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University, St. John's (T. N. L.).

Même si un premier contingent de 500 soldats - provenant surtout de St. John's - quitta Terre Neuve le 3 octobre 1914, le pays devait encore trouver des renforts pour son régiment. Pour ce faire, de nombreux recruteurs se sont intéressés aux communautés isolées de la colonie. Le 20 juin 1915, un sixième contingent de 242 recrues, surnommé la « Compagnie F », quitta St. John's en direction de Liverpool (Angleterre) à bord du NSM Calgarian. Dans ce groupe se trouvaient des volontaires de descendance inuite et métisse du Labrador.

Le navire, qui escortait également trois sous-marins pour la traversée de l'Atlantique, passa par les Açores et par Gibraltar avant d'arriver au port de Liverpool le 9 juillet. C'était un voyage excitant pour les nouvelles recrues qui, pour la plupart, avaient vécu toute leur vie dans de petites communautés isolées. Peu de temps après son débarquement à Liverpool, la Companie F fut envoyée à Ayr (Écosse), soit le lieu qui a servi de dépôt régimentaire presque toute la durée de la guerre. De ce lieu, des troupes étaient envoyées en France, en Italie et vers d'autres postes.

Service militaire

Une fois à l'étranger, de nombreuses recrues inuites et métisses sont devenues des tireurs d'élite ou des éclaireurs dans différentes unités d'infanterie. Ces affectations étaient dangereuses et nécessitaient beaucoup d'adresse et de rapidité. Les éclaireurs se rendaient derrière les lignes ennemies pour obtenir de l'information sur le nombre et le positionnement de leurs adversaires, tandis que les tireurs d'élite devaient avoir une excellente adresse au tir et être capables de tirer sur des cibles éloignées à partir de positions dissimulées. La plupart des tireurs d'élite travaillaient en équipe de deux, soit un observateur qui repère et assigne des cibles et un tireur.

Le savoir traditionnel de nombreuses recrues inuites et métisses a fait d'eux d'excellents tireurs d'élite et éclaireurs. John Shiwak, un chasseur et trappeur de descendance inuit de Rigolet, attribuait son expertise au tir à son expérience du « swatching », une expression de Terre-Neuve et du Labrador qui fait référence à l'action de tirer sur les phoques quand ils pointent rapidement le bout du nez à la surface pour venir respirer. Shiwak, qui a traversé l'océan à bord du Calgarian pour se rendre en Angleterre, s'est démarqué comme un tireur d'élite expert durant son service aux lignes de front en France; un officier non identifié aurait dit de lui qu'il était « le meilleur tireur d'élite de toute l'armée britannique ». Le 16 avril 1917, les capacités de Shiwak lui ont valu la promotion au grade de caporal suppléant.

Malgré le fait qu'il était un tireur d'élite expert et respecté de ses pairs, Shiwak est rapidement devenu déprimé par la violence de la guerre. Dans les lettres adressées à son amie Lacey Amy, Shiwak exprima son souhait de retourner auprès de ses amis et de sa famille. Malheureusement, Shiwak est décédé sur le champ de bataille le 20 novembre 1917 lorsqu'un obus a explosé et tué avec lui six autres soldats durant la bataille de Cambrai, dans le Nord de la France. Il avait 28 ans. Le Capitaine R.H. Tait du Newfoundland Regiment a décrit Shiwak comme « un grand favori de tous les grades, un excellent éclaireur et observateur, et un camarade compétent et fiable à tous points de vue ». La bravoure et les compétences de Shiwak lui ont valu, en plus des éloges de ses camarades, la Médaille de guerre britannique et la Médaille de la victoire.

On en connaît peu sur les autres Inuits et Métis de Terre-Neuve et du Labrador qui se sont enrôlés volontairement pour combattre durant la Première Guerre mondiale. Robert Michelin, un trappeur de descendance inuit de Traverspine, a servi en France pendant deux ans et demi jusqu'à ce qu'il subisse une blessure à la jambe durant la guerre; les chirurgiens militaires lui ont annoncé qu'il ne pourrait probablement plus chasser ou faire de la raquette. Frederick Freida, un trappeur et chasseur de descendance inuit de Hopedale, a également servi outre-mer. Il est retourné au pays une fois les hostilités terminées, mais a continué de s'intéresser au service militaire. En 1951, il s'est joint aux Rangers canadiens, une force de réserve domestique dans les communautés nordiques et isolées.

Frederick Freida, s.d.
Frederick Freida, s.d.
Frederick Freida, un trappeur de descendance inuit originaire de Hopedale, a également servi outre-mer durant la Première Guerre mondiale. Il est retourné au pays une fois les hostilités terminées et s'est joint aux Rangers canadiens en 1951.

Image reproduite avec l'autorisation du Mémorial virtuel de guerre du Labrador: http://www.themdays.com/memorial/persons1/Freida_Frederick.html

John Blake, un volontaire de descendance inuit originaire de North West River, a également servi au sein du Newfoundland Regiment. Il a subi une blessure en septembre 1918 durant une bataille à Ledeghem (Belgique), laquelle s'est avérée fatale (selon différentes sources, il serait décédé le 14 octobre ou le 14 décembre).

En plus des tirs ennemis, la tuberculose et d'autres maladies ont également causé la mort de soldats autochtones. Les plus susceptibles étaient les volontaires issus de villages éloignés puisqu'ils étaient exposés à de nombreux virus étrangers dans les tranchées encombrées de la Première Guerre mondiale. Nous ne savons toutefois pas, s'il en est, combien d'Inuits et de Métis de Terre-Neuve et du Labrador ont contracté une maladie à cause de leur service militaire.

Après la Guerre

Une fois les hostilités terminées, la plupart des volontaires survivants sont retournés à la maison auprès de leur famille et de leurs amis. Bon nombre d'entre eux, comme Frederick Freida, ont repris leurs activités d'avant la guerre; d'autres, comme Robert Michelin, ont subi des blessures qui les ont empêchés de reprendre leur mode de vie traditionnel. À l'occasion, le retour à la maison des troupes autochtones a été retardé en raison de l'éloignement de leurs villages. Ce fut le cas pour Michelin, qui est arrivé à St. John's à l'automne et a dû attendre au printemps prochain parce qu'il n'y avait plus de bateaux à vapeur à destination du Labrador.

Les soldats de retour au pays ont souvent découvert que leurs familles et leurs voisins n'avaient rien entendu au sujet de la guerre depuis des semaines, voire même des mois, en raison de la mauvaise communication entre St. John's et d'autres centres urbains. Certains résidants à North West River, par exemple, ont appris que la guerre était terminée seulement lorsque les vétérans étaient de retour le 28 janvier 1919 - soit plus de deux mois après l'armistice du 11 novembre.

English version

Revised by Jenny Higgins, April 2015
Bibliography