Newfoundland and Labrador In The First World War

Détachement d'aide volontaire (D.A.V.)

Les femmes de Terre-Neuve et du Labrador ne pouvaient pas s'enrôler dans les forces armées pendant la Première Guerre mondiale, mais elles pouvaient tout de même travailler outre-mer comme infirmières. Elles travaillaient de longues heures dans des hôpitaux bondés et désordonnés à soigner les soldats gravement blessés des lignes de front. Elles occupaient également diverses autres fonctions, comme celles de conductrices d'ambulance, de cuisinières, de commis et d'agentes de bien-être.

Membres du DAV, s.d.
Membres du DAV, s.d.

Avec la permission de la division Archives et collections spéciales (Coll. 158 8.10), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University St. John's (T.-N.-L.).

Infirmières professionnelles

Certaines femmes travaillaient outre-mer comme infirmières professionnelles. Parmi eux se trouvait Masie Parsons, qui a servi dans des hôpitaux militaires en Belgique, en Égypte et en Grèce. Originaire d'un village de pêcheurs de la presqu'île Avalon, à Terre-Neuve, Parsons a obtenu son diplôme de la General Hospital's School of Nursing à St. John's. Après le début de la guerre, elle a joint les rangs du Corps de santé royal canadien.

Masie Parsons, vers 1914-1917
Masie Parsons, vers 1914-1917

De The Distaff 1917, p. 8.

Francis Cron a elle aussi obtenu son diplôme d'infirmière de la General Hospital's School of Nursing et a travaillé outre-mer. Elle travaillait à bord d'un navire-hôpital nommé Carrisbrooke Castle, qui traversait la Manche pour aller recueillir les soldats blessés dans les ports de France et les rapatrier en Angleterre, où ils étaient traités. C'était un travail dangereux, car les sous-marins allemands, les U-boot, rôdaient dans la Manche, prêts à torpiller n'importe quel navire allié. Les mines constituaient une autre menace. En effet, près de 20 navires hospitaliers ont sombré pendant la Première Guerre mondiale.

Francis Cron, vers 1914-1917
Francis Cron, vers 1914-1917

De The Distaff 1917, p. 8.

Détachement d'aide volontaire

Les femmes de Terre-Neuve et du Labrador qui travaillaient outre-mer n'étaient pas toutes des infirmières professionnelles. Plusieurs d'entre elles faisaient partie du détachement d'aide volontaire - une ligue d'infirmières semi-formées, appelées communément D.A.V., qui fournissent une vaste gamme de services médicaux auxiliaires. En 1909, les membres du D.A.V. avaient été formés par la Croix-Rouge britannique afin de fournir des services médicaux auxiliaires en cas de guerre. Durant la Première Guerre mondiale, les D.A.V. travaillaient comme cuisinières, commis et aides dans les hôpitaux, aidaient aux opérations, s'occupaient des patients et conduisaient des ambulances.

Ruby Ayre (à  gauche) et une autre D.A.V. des services auxiliaires de l'hôpital militaire d'Ascot, 1916
Ruby Ayre (à gauche) et une autre D.A.V. des services auxiliaires de l'hôpital militaire d'Ascot, 1916
La légende indique : « Transport des repas de midi, 12 h 15. Ruby. Georgie. 1916 »

Avec la permission de la Division Archives et collections spéciales (Coll. 322, page 7), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University St. John's (T.-N.-L.).

Les membres du D.A.V. devaient suivre une formation de plusieurs semaines avant d'aller outre-mer. Elles avaient suivi des cours de secourisme, de soins à domicile et d'hygiène. Elles avaient travaillé dans des hôpitaux locaux comme bénévoles. Elles avaient également appris, lors d'exercices militaires à l'extérieur, à dresser une tente, à soigner des soldats blessés, à allumer des feux de camp et à les utiliser comme source de chaleur pour préparer des repas . Les membres du D.A.V. devaient payer elles-mêmes les frais de formation et ne recevaient pas de salaire. En 1915, le ministère de la Guerre a fini par leur payer £20 (livres sterling) par an. Résultat, elles sont quasiment passées aux classes moyenne et supérieure; elles pouvaient s'offrir les frais de formation et avaient suffisamment de temps et d'argent pour travailler pour peu ou pas de revenus.

Frances Cluett, de Belleoram à Fortune Bay, a intégré le Détachement d'aide volontaire en 1916. Elle a reçu sa formation à St. John's et décrit ses expériences dans les nombreuses lettres qu'elle envoyait à sa famille.

« Mardi soir dernier, mademoiselle Janes et moi sommes allées voir le Dr Burden pour qu'il évalue nos compétences en premiers soins et en soins infirmiers à domicile », écrit-elle le 29 octobre 1916. « Nous avons toutes les deux réussi le test. Il nous a posé beaucoup de questions. Dans une mise en situation, mademoiselle Janes souffrait d'une fracture de la clavicule et d'une blessure à la paume de la main dont le saignement abondant ne pouvait être arrêté. Je devais bien entendu traiter ses blessures. Le médecin m'a ensuite demandé comment je procéderais pour changer le drap de dessous du lit d'une personne très malade. Il m'a aussi demandé quelle serait ma réaction en présence d'un cas de diphtérie, quels désinfectants j'utiliserais et quelle serait la concentration des désinfectants utilisés. J'ai par la suite dû faire la lecture du thermomètre médical et m'occuper d'une personne ayant subi une intoxication. Il m'a demandé, entre autres, comment préparer un cataplasme de graines de lin. Il a posé beaucoup de bonnes questions. Vous pouvez imaginer notre soulagement lorsqu'il nous a dit que nous avions réussi le test.» (Division Archives et collections spéciales, Coll. 174 2.03.002) [Traduction]

Francis Cluett, 1916-1918
Francis Cluett, 1916-1918

Avec la permission de la Division Archives et collections spéciales (Coll. 174 5.02.006), Bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University, St. John's (T.-N.-L.).

Après leur formation à St. John's, les D.A.V. étaient affectées outre-mer. En novembre1915, Terre-Neuve et le Labrador ont déployé outre-mer leur premier contingent de cinq infirmières membres du D.A.V. À la fin de la guerre, environ quarante autres avaient quitté l'île.

La plupart d'entre elles travaillaient dans des hôpitaux militaires d'Europe où le personnel devait composer avec une surcharge de travail. Leur travail consistait à nettoyer des salles d'hôpital, à stériliser de l'équipement médical, à panser des blessures, à laver des patients, à préparer leurs repas et à faire leurs lits. Si les blessures des patients les empêchaient de tenir un crayon ou un livre, les infirmières du D.A.V. leur faisaient la lecture et écrivaient leurs lettres à envoyer à la maison. Elles étaient aussi au chevet des soldats mourants, et lorsque la mort les emportait, elles préparaient leurs corps pour qu'ils soient amenés à la morgue.

Membres du D.A.V. et patients
Membres du D.A.V. et patients
La légende indique : « Salle Robert »

Avec la permission de la Division Archives et collections spéciales (Coll. 322, page 11), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University, St. John's (T.-N.-L.).

Le travail est devenu un lourd fardeau émotionnel qui pesait sur toutes les infirmières du D.A.V. Jour après jour, elles s'occupaient des soldats grièvement blessés (membres sectionnés, blessures par balles et innombrables blessures en tout genre). Certains patients ne s'en remettraient jamais, et les femmes du D.A.V. ne pouvaient que soulager leurs douleurs en attendant qu'ils meurent.

Pendant la guerre, Sybil Johnson travaillait dans un hôpital militaire près de Liverpool. Voici ce qu'elle écrit dans son journal intime le 27 septembre 1917 : « Les derniers jours ont été désastreux. Le pauvre Sergent MacD, un soldat âgé de la Nouvelle Écosse, a perdu une jambe. Je travaillais seule avec la sœur supérieure lorsqu'il est revenu d'une opération. Le lendemain, je travaillais également seule, puisque ma collègue du D.A.V. profitait d'une journée complète de congé. Le pansement du soldat blessé était affreux et tellement serré qu'il était presque impossible, de retirer la gaze avec notre vieux crochet de soulèvement usé [...] La douleur qu'il ressentait était si atroce, tant pour mes yeux que pour mes oreilles. Une fois, dans une salle de bain où je m'étais rendue avec un plateau rempli de pansements, ma respiration est devenue difficile et j'ai dû m'appuyer contre le mur. Je me suis ensuite rappelée que chaque seconde d'attente était une seconde de souffrance pour lui. »

Sybil Johnson, s.d.
Sybil Johnson, s.d.

Avec la permission de la Division Archives et collections spéciales (Coll. 201), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University , St. John's (T.-N.-L.).

Il y avait un manque continu d'effectifs dans les hôpitaux et le personnel médical avait du mal à traiter les convois de soldats blessés qui affluaient des lignes de front. Les femmes du D.A.V. travaillaient de longues heures et avaient peu de congés. Elles avaient une demi-journée de congé par semaine et une journée de congé complète par mois. En France, les quarts de travail de Frances Cluett duraient douze heures.

« Le travail de nuit, ce n'est pas une partie de plaisir, particulièrement lorsque les salles d'hôpital sont bondées », écrit-elle le 7 mai 1917. « La nuit, je m'occupe de cinq salles, alors vous pouvez vous imaginer que je ne chôme pas. Je m'endors souvent vers 1 heure ou 2 heures, mais il faut renoncer au sommeil puisqu'on doit garder un œil ouvert pour pouvoir, par exemple, traiter un membre amputé, arrêter une hémorragie, s'occuper des soldats ayant succombé à leurs blessures ou servir à boire. Mère, je vous le dis, nous vivons dans un monde impitoyable. Vous ne pouvez pas vous imaginer la souffrance qu'il y a. Je conserverai une partie de cette souffrance dans ma mémoire à jamais, comme un spectacle désolant qui se déroule sans cesse devant mes yeux. » (Division Archives et collections spéciales, Coll. 174 2.03.011) [Traduction]

Membres du D.A.V. et patients de la salle d'hôpital
Membres du D.A.V. et patients de la salle d'hôpital

Avec la permission de la division Archives et collections spéciales (Coll. 322, page 13), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University , St. John's (T.-N.-L.).

Le travail était traumatisant, mais il permettait également aux infirmières du D.A.V. et aux infirmières diplômées qui travaillaient outre-mer d'éprouver un profond sentiment de satisfaction et d'accomplissement. À une époque où les rôles des femmes étaient fermement confinés à la vie domestique, les infirmières en service outre-mer ont apporté une contribution très importante et très remarquée à l'effort de guerre. Elles avaient également travaillé au sein d'une structure hiérarchique dominée par des femmes, ce qui est plutôt rare au début du 20e siècle.

À la fin de la guerre, beaucoup de femmes ont trouvé difficile de renouer avec la vie tranquille qui les attendait à la maison.. Elles ressentaient de la frustration, car leur famille et la société s'attendaient à ce qu'elles mènent des vies de femmes au foyer alors que la guerre leur avait permis d'acquérir un nouveau sentiment d'indépendance et de confiance en soi.

Dans les années qui ont suivi, un grand nombre de femmes qui avaient travaillé outre-mer ont décidé de mener un nouveau combat dans le dominion : obtenir le droit de vote pour les femmes. D'anciennes membres du D.A.V., comme Janet Miller Ayre, sont ensuite devenues des leaders du mouvement des suffragettes. Leurs efforts soutenus ont finalement porté leurs fruits en 1925, l'année où un projet de loi sur le droit de vote a été adopté par l'assemblée législative de Terre-Neuve, après quoi les femmes ont finalement pu faire valoir leur droit de vote et présenter leur candidature aux élections.

Les suffragettes de Terre-Neuve, vers les années 1920
Les suffragettes de Terre-Neuve, vers les années 1920
Janet Milley Ayre (premier rang à gauche) a été membre du D.A.V. durant la Première Guerre mondiale.

Avec la permission de la Division Archives et collections spéciales (Coll. 322, page 13), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of St. John's (T.-N.-L.).

English version

Révisé par Jenny Higgins, April 2015
Bibliographie - Première Guerre mondiale (en anglais seulement)