Le méthodisme à Terre-Neuve

À l'origine, le méthodisme était un mouvement au sein de l'Église d'Angleterre. Fondé par John et Charles Wesley, il s'est séparé de celle-ci en 1795. Ce mouvement se distinguait des autres courants du protestantisme par « son ministère itinérant, sa structure cellulaire et un engagement axé sur la discipline prônant la sanctification personnelle et l'accomplissement des devoirs sociaux ». (Black and Porter 1994, p. 463)

Le révérend John Wesley (1703-1791)
Le révérend John Wesley (1703-1791)
John Wesley est né en Angleterre en 1703. Après avoir été ordonné prêtre anglican, il est devenu membre d'une organisation spirituelle créée par son frère Charles à l'université d'Oxford, laquelle a été à l'origine de ce qui allait devenir une Église évangélique internationale.
Dessin tiré de A Century of Methodism in St. John's, NL, 1815-1915, de J. W. Nichols, St. John's, Dicks & Co., 1915.

L'avènement du méthodisme à Terre-Neuve

Le méthodisme a été introduit à Terre-Neuve en 1766 par le révérend Laurence Coughlan, un prêtre nouvellement ordonné de l'Église d'Angleterre qui s'était converti au méthodisme treize ans plus tôt. Bien qu'il ait été soutenu par la Society for the Propagation of the Gospel (Société [anglicane] pour la propagation de l'Évangile), Coughlan, qui était basé à Harbour Grace, a plutôt œuvré pour l'instauration du méthodisme à Terre-Neuve. Pendant l'hiver 1768-1769, il a aidé à faire construire une chapelle méthodiste à Blackhead, dans la baie de la Conception, la toute première à être construite en Amérique du Nord britannique. Les activités de Coughlan ayant contribué à provoquer des conflits avec les marchands locaux, il a finalement décidé de retourner en Angleterre en 1773.

Au cours des douze années suivantes, les sociétés méthodistes de la baie de la Conception ont poursuivi leurs activités grâce à trois laïques qui avaient été convertis par Coughlan : John Stretton, Arthur Thomey et Thomas Pottle. Tandis que Pottle s'occupait de la congrégation de Carbonear, Stretton et Thomey travaillaient ensemble en prêchant à Harbour Grace et en voyageant le long du « littoral sauvage et rude de ce pays morne » dans le but de propager le message évangélique. John Hoskins, un prédicateur laïque qui s'était établi à Old Perlican en 1774, s'est joint à eux pour fonder une société dans cette collectivité.

Découragé par la mort de Thomey en 1784, Stretton a prié John Wesley d'envoyer un pasteur ordonné à Terre-Neuve. En octobre 1785, le révérend John McGeary est venu s'établir à Carbonear, où il a construit une église en 1788. Il n'est pas resté longtemps, car il a eu du mal à s'habituer à la rudesse des conditions de vie. En 1791, les sociétés méthodistes ont été très stimulées lorsque Wesley a demandé au révérend William Black, un prédicateur méthodiste réputé de la Nouvelle-Écosse, de se rendre à Terre-Neuve. Sa présence n'a toutefois pas permis de régler les problèmes liés au manque de pasteurs.

Une ère de croissance

Grâce aux efforts continus de Stretton, le révérend George Smith est arrivé en 1794 et il a contribué à la propagation du méthodisme dans la baie de Bonavista. Le révérend William Thoresby est arrivé deux ans plus tard. Mais aucun d'eux n'est resté longtemps à Terre-Neuve et il n'y avait généralement qu'un seul pasteur méthodiste disponible. Il a fallu attendre jusqu'au début du 19e siècle pour que la situation s'améliore grâce au recrutement des révérends William Ellis et Samuel McDowell par le révérend John Remmington. Ellis a été le premier pasteur méthodiste à s'établir de façon permanente à Terre-Neuve. Pour l'Église méthodiste, cela marquait le début d'une nouvelle ère d'activités missionnaires ininterrompues à Terre-Neuve.

Le méthodisme s'est implanté à St. John's à l'époque de Remmington (1804-1810), mais aucune structure formelle n'avait encore été établie. En 1816, une chapelle a été érigée à St. John's et confiée au pasteur John Pickavant. Cette congrégation a été implantée sur les lieux mêmes où se trouve aujourd'hui l'église Gower Street United. La même année, la Conférence wesleyenne britannique a décidé de créer le district de Terre-Neuve et de lui attribuer son propre président. Ce district a été rattaché à la Conférence wesleyenne méthodiste de l'Amérique britannique de l'Est de 1855 à 1874, mais en 1874 une Conférence méthodiste rattachée à l'Église méthodiste du Canada a été créée à Terre-Neuve.

Le révérend John Pickavant
Le révérend John Pickavant
Pickavant était le pasteur de la première chapelle méthodiste érigée à St. John's.
Tiré de A Century of Methodism in St. John's, NL, 1815-1915, de J. W. Nichols, St. John's, Dicks & Co., 1915.
La chapelle en bois de Gower Street, en 1816
La chapelle en bois de Gower Street, en 1816
La chapelle en bois de Gower Street a été érigée sur le site où se trouve aujourd'hui l'église Gower Street United.
Tiré de A Century of Methodism in St. John's, NL, 1815-1915, de J. W. Nichols, St. John's, Dicks & Co., 1915.

Le méthodisme s'est répandu rapidement. Le recensement de 1857 indique qu'il comptait 21 357 membres disséminés dans toutes les régions de l'île, ce qui représentait environ 17 p. 100 de la population. Leur nombre a grimpé à 35 700 en 1874 et à 75 000 au début des années 1920. Des missions ont été organisées régulièrement au Labrador à compter de 1858 et des postes ont été créés par la suite à Red Bay et à l'inlet Hamilton.

Les méthodistes exploitaient de nombreuses écoles assujetties au système scolaire confessionnel ainsi qu'un collège méthodiste à St. John's. Pendant la seconde moitié du 19e siècle, le dynamisme du méthodisme au sein de la société terre-neuvienne s'est aussi manifesté grâce à l'émergence de nombreuses associations affiliées à l'Église méthodiste, dont la Women's Missionnary Society (Société missionnaire des femmes méthodistes). Cet organisme a beaucoup travaillé pour obtenir l'autorisation d'ordonner les premières femmes pasteurs lors de la Conférence de Terre-Neuve tenue en 1980.

Le collège méthodiste de St. John's
Le collège méthodiste de St. John's
Les méthodistes ont ouvert des écoles et un collège méthodiste à St. John's.
Photographie tirée de A Century of Methodism in St. John's, NL, 1815-1915, de J. W. Nichols, St. John's, Dicks & Co., 1915.

L'intégration dans l'Église unie du Canada

Même si la plupart des méthodistes de Terre-Neuve ont voté contre l'intégration de leur Église dans l'Église unie du Canada, ils ont accepté la décision de la majorité en considérant que l'Église méthodiste du Canada formait un tout. Il n'y a donc pas eu de schisme et, en octobre 1925, le révérend Harry G. Coppin est devenu le premier président de la Conférence de Terre-Neuve.

Le vote défavorable à cette intégration à l'Église unie témoignait de l'existence à Terre-Neuve d'une tradition méthodiste de tendance conservatrice très attachée au courant évangélique. Cette tradition accordait beaucoup d'importance au « renouveau évangélique », à la participation régulière aux réunions ainsi qu'à l'abstention de petits plaisirs tels que l'alcool, les jeux de cartes et la danse. Ces particularités ont partiellement disparu au cours du 20e siècle, notamment à cause des difficultés économiques qui ont mis en lumière l'importance du salut du corps autant que celui de l'âme. De plus, ce conservatisme était de plus en plus considéré comme dépassé alors que Terre-Neuve était en train de sortir de son isolement à la suite de sa participation aux deux guerres mondiales et, plus encore, de son entrée dans la Confédération canadienne.

English version