Marconi

La télégraphie sans fil

Guglielmo Marconi est né en 1874 dans une famille aisée de Bologne, en Italie, et il a été éduqué par des tuteurs privés. Son inclination pour les sciences s'est manifestée tout particulièrement à travers son intérêt pour le travail du physicien allemand Heinrich Hertz sur la propagation des ondes électromagnétiques dans l'air. Bien qu'il ait échoué à l'examen d'entrée à l'université de Bologne, Marconi a commencé en 1894, de son propre chef, à faire des expériences dans le domaine de la télégraphie sans fil. Il a découvert qu'il pouvait étendre la portée des signaux radio en reliant son émetteur et son récepteur à la terre (mise à la terre) et en augmentant la hauteur de l'antenne. Malgré cette importante percée technologique, le gouvernement italien a refusé de commanditer ses travaux.

Marconi s'est alors installé en Grande-Bretagne, où il a trouvé des soutiens nécessaires à ses recherches. En 1896, il a fait breveter son premier système de télégraphie sans fil et, en 1897, il a trouvé des investisseurs pour sa société, la Wireless Telegraph and Signal Company, qui commençait à fabriquer des postes de radio pouvant diffuser et recevoir des signaux en code Morse.

Guglielmo Marconi, s.d.
Guglielmo Marconi, s.d.
Marconi a commencé en 1894, de son propre chef, à faire des expériences dans le domaine de la télégraphie sans fil.
Photographie tirée de The Story of Newfoundland, de J.A. Cochrane, Montreal, Ginn and Company, 1938, p. 210.

Marconi se heurte alors à la vive concurrence des sociétés de télégraphie par câble, mais les responsables de la navigation maritime ne tardent pas à réaliser le potentiel de la télégraphie sans fil pour communiquer avec les bateaux en mer. En 1899, la Marine royale, qui utilisait depuis des siècles des pavillons de signalisation et des feux de navigation pour permettre aux bateaux de communiquer entre eux, a équipé trois navires de guerre avec les appareils de Marconi. Des bateaux commerciaux de propriété privée ont vite emboité le pas. Marconi a prouvé que son système était efficace dans les eaux côtières en envoyant un signal radio en France par le biais de la toute première transmission hertzienne à travers la Manche.

On ignorait toujours jusqu'où les ondes radio pouvaient se propager. De nombreux scientifiques ont compris que les ondes radio, comme la partie du spectre électromagnétique que nous percevons sous forme de lumière, voyagent uniquement en ligne droite à partir du point d'où elles sont émises. Ils doutaient que les ondes radio puissent suivre la courbe de la Terre et être captées au-delà de l'horizon.

Expérience sur les ondes radio

Persuadé que les ondes radio suivraient la sphéricité de la Terre, ce qui permettrait la communication avec les bateaux, Marconi a conçu une expérience afin de prouver son hypothèse. En cas de réussite, cette expérience apporterait une notoriété internationale à cette technologie relativement nouvelle ainsi qu'à son entreprise. Il avait l'intention d'essayer d'envoyer un signal radio transatlantique.

Marconi a construit une station émettrice de radiodiffusion à Poldhu, en Cornouailles, dans l'ouest de l'Angleterre et une autre à Cape Cod, au Massachusetts. Un orage ayant endommagé l'antenne de Poldhu, qu'on a dû remplacer par une antenne plus petite, Marconi a choisi St. John's, Terre-Neuve, pour capter la première transmission transatlantique sans fil en sol nord-américain. De toute façon, la station à Cape Cod avait été détruite lors d'une tempête.

Il a donc installé son appareillage de réception dans un hôpital abandonné accroché à la falaise au sommet de Signal Hill, l'un des endroits les plus rapprochés de l'Europe. Après des essais ratés pour garder l'antenne dans les airs à l'aide de ballons et de cerfs-volants malgré les vents forts, il est finalement parvenu à élever une antenne à l'aide d'un cerf-volant. Il utilisait ce dispositif provisoire pendant quelques heures seulement chaque jour. Les récits qui relatent cette expérience varient, mais les notes de Marconi indiquent que le signal transatlantique a été reçu avec cette antenne.

Cerf-volant porte antenne, Signal Hill
Cerf-volant porte antenne, Signal Hill
Un dessin du cerf-volant porte-antenne utilisé à Signal Hill pour la réception du premier signal transatlantique sans fil le 12 décembre 1901.
Tiré de Marconi Jubilee 1897-1947, de Marconi Company, Chelmsford, Angleterre, Marconi's Wireless Telegraph Company Limited, 1947, p. 17.

Chaque jour, à l'heure convenue, son équipe de Podhu transmettait la lettre « s » en code Morse, soit trois points. Ce signal a été choisi comme étant le plus facile à reconnaître. Le 12 décembre 1901, Marconi a posé son oreille contre le casque téléphonique de son récepteur rudimentaire et a capté avec succès le signal pip, pip, pip – à environ 3380 km de l'émetteur. Cette expérience a démontré que la communication transatlantique sans fil était possible. Tandis que les « ondes de sol » se propagent en suivant la sphéricité de la Terre pendant une courte distance au-dessus de l'horizon, les « ondes réfléchies » rebondissent sur les hautes couches de l'atmosphère fortement ionisées et redescendent sur la Terre. Bien qu'encore inconnues à l'époque, les ondes réfléchies ont permis à Marconi de prouver qu'il était possible d'effectuer des liaisons radio sur de grandes distances.

Guglielmo Marconi, en décembre 1901
Guglielmo Marconi, en décembre 1901
Marconi à Signal Hill avec les instruments utilisés pour recevoir les premiers signaux radio transatlantiques.
Photographie tirée de Marconi Jubilee 1897-1947, de Marconi Company, Chelmsford, Angleterre, Marconi's Wireless Telegraph Company Limited, 1947, p. 18.

Les nouvelles relatant l'exploit de Marconi se sont rapidement répandues à travers l'Amérique du Nord et l'Europe grâce à des câbles des sociétés de télégraphe. Le potentiel de la télégraphie sans fil était désormais évident, et les Terre-Neuviens ont vite réalisé les nombreuses possibilités que cette expérience renfermait pour leur pays, qui pouvait devenir un chef de file de cette nouvelle industrie. Marconi était intéressé par le potentiel commercial de la télégraphie sans fil, et le gouvernement de Terre-Neuve l'a encouragé à construire une station émettrice au cap Spear, le point le plus à l'est de Terre-Neuve-et-Labrador.

Les menaces de poursuites judiciaires

Cette nouvelle technologie n'a toutefois pas reçu un accueil favorable de la part des propriétaires des câbles télégraphiques transatlantiques. L'industrie du télégraphe avait investi énormément d'argent pour installer les câbles sous-marins et elle n'avait pas l'intention de permettre à un concurrent de s'infiltrer dans cette industrie sans répliquer. En 1854, le gouvernement de Terre-Neuve avait octroyé à la société Anglo-American Telegraph Company un monopole d'une durée de 50 ans sur les communications télégraphiques. En échange, celle-ci avait accepté d'installer un câble entre St. John's et la côte occidentale de l'île et un autre dans le détroit de Cabot dans le but de se relier au reste de l'Amérique du Nord. Cette entente garantissait qu'aucune autre entreprise n'avait le droit d'installer dans la colonie des équipements permettant la communication télégraphique au moyen de câbles ou de tout autre moyen. Cette entente ne devait prendre fin qu'en 1904. Marconi était au courant de l'existence de ce monopole. Afin d'empêcher la société Anglo-American Telegraph de faire obstruction à son expérience, il a évité de révéler à la presse les véritables raisons de sa présence à Terre-Neuve. Il s'est contenté de dire qu'il avait l'intention d'effectuer des communications expérimentales avec des bateaux en mer. Cette affirmation visait aussi à l'empêcher d'être plongé dans l'embarras si l'expérience venait à échouer. Quelques jours après que Marconi eut reçu le premier signal avec succès, des avocats de la société Anglo-American Telegraph l'ont informé qu'ils entameraient des poursuites pour dommages si Marconi continuaient de recevoir des messages télégraphiques à Terre-Neuve. Marconi a immédiatement répliqué qu'avant même d'avoir pris connaissance des revendications des avocats, il avait décidé de ne pas établir de station émettrice à Terre-Neuve, et il a promis de mettre fin à son expérience. Il lui était donc impossible de faire d'autres démonstrations de la transmission sans fil pour les nombreux représentants du gouvernement et les membres enthousiastes du public qui étaient impatients de voir cette expérience de leurs propres yeux. On les a plutôt invités à une conférence sur la théorie de la transmission sans fil ainsi qu'à une démonstration expliquant comment on pouvait déclencher la sonnerie d'un dispositif placé d'un côté de la pièce en demandant à un opérateur présent de l'autre côté d'appuyer sur un interrupteur.

On ignore si Marconi avait l'intention d'installer une station émettrice à Terre-Neuve avant que la société Anglo-American Telegraph ne menacent d'entamer des poursuites pour dommages. Le gouvernement de Terre-Neuve et le public étaient enthousiastes à l'idée qu'il procède à la mise sur pied d'une telle station. Les journaux locaux ont publié de nombreuses lettres de lecteurs s'opposant aux revendications de la société Anglo-American Telegraph, mais l'opinion publique avait peu de poids. On ne connaît toujours pas les intentions initiales de Marconi, mais lorsqu'il a su qu'il risquait de devoir mener une bataille judiciaire de longue durée avec un concurrent commercial solidement financé, ou encore d'être obligé de reporter la construction de sa station pendant trois ans, il a quitté Terre-Neuve pour trouver un autre site. Flairant la bonne affaire, le gouvernement canadien s'est empressé d'offrir à Marconi un site d'installation convenable pour l'une de ses stations émettrices. Ce dernier l'a construite peu de temps après à Glace Bay, sur l'île du Cap-Breton, où aucun monopole de droit n'existait dans le domaine de la télégraphie.

Le retour de Marconi à Terre-Neuve

Les problèmes avec la société Anglo-American Telegraph n'ont pas marqué la fin de la collaboration entre Marconi et Terre-Neuve. Il est revenu sur l'île en 1904 pour installer une station émettrice au cap Race, laquelle allait ultérieurement recevoir le signal de détresse du Titanic en 1912. En 1920, il est retourné à Signal Hill pour tester un émetteur et un récepteur à longue portée. Marconi a réalisé un autre coup de publicité spectaculaire en demandant au SS Victoria de naviguer entre l'Angleterre et Terre-Neuve afin d'évaluer à quelle distance la voix humaine pouvait être perçue grâce à la transmission sans fil. Le premier contact a été établi alors que le bateau se trouvait à environ 1930 km de St. John's, et la réception s'améliorait au fur et à mesure que le bateau s'approchait du continent.

Marconi a continué de faire des expériences sur la transmission des ondes courtes et des ondes longues et à veiller sur ses intérêts commerciaux jusqu'à sa mort, en 1937. Son travail, et celui d'autres scientifiques et inventeurs, a révolutionné les communications en mer et sur terre et a favorisé la création de nouvelles industries telles que la radiodiffusion. Les brevets et les investissements de Marconi ont fait de lui un homme riche et ses réalisations scientifiques lui ont permis d'être l'un des lauréats du prix Nobel de physique en 1909. Mais on se souvient de lui surtout parce qu'il a reçu le premier signal transatlantique sans fil à Signal Hill.

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