La situation actuelle des francophones

Lorsqu'on pense aux francophones des provinces du Canada, ceux de Terre-Neuve-et-Labrador ne figurent pas en tête de liste. Telle était effectivement la situation il n'y a pas encore si longtemps. Rien d'étonnant puisque cette province est la plus anglophone de toutes. Le pourcentage de locuteurs francophones n'atteint même pas 1 p. 100 sur une population 547 155 habitants (Statistique Canada, 1996). Ceux qui précisent que le français est leur seule langue maternelle omettent de mentionner qu'ils sont tous plus ou moins bilingues. En dépit de ses voisins, le Québec, l'Acadie et les îles de Saint-Pierre et Miquelon, trois des derniers représentants de l'exploration française en Amérique du Nord, la réalité francophone de la province passe presque complètement sous le silence.

Les francophones habitent un peu partout à Terre-Neuve-et-Labrador, mais la plupart se concentrent dans les régions est et ouest du Labrador, de même que dans les pointes est et ouest de l'île. Même s'ils parlent tous français, l'histoire et la situation économique différencient entre elles les collectivités francophones de la province.

Les francophones de l'ouest du Labrador

La majorité des francophones installés dans la région ouest du Labrador est originaire du Québec. Ils résident dans des villes qui n'existaient pas il y a environ 50 ans. Ainsi, au cours des années 1950 et 1960, les emplois qu'offre l'industrie minière attirent de nombreux Québécois dans la collectivité de Labrador City-Wabush située près la frontière du Québec. Au fil des générations, ils se disent eux-mêmes des Franco-Labradoriens, et non plus des Québécois. Leur nombre et le voisinage du Québec amènent de nombreux entrepreneurs francophones à leur offrir des services dans leur langue.

Pour leur part, les francophones de la région est du Labrador sont d'origines diverses. Ils travaillent pour la plupart à la base militaire ou à l'aéroport de Happy Valley-Goose Bay et leur séjour est souvent de courte durée. Un survol des habitants francophones du Labrador indique que plusieurs d'entre eux jouissent d'un niveau de vie élevé et occupent un emploi à temps plein bien rémunéré.

Les francophones de St. John's

St. John's, la capitale de la province, compte parmi sa population un nombre important de francophones en provenance de différents coins du monde : l'Europe, l'Acadie, le Québec, le Manitoba, l'Ontario, les îles Saint-Pierre et Miquelon, et même de la côte ouest de l'île de Terre-Neuve. Ce sont en général des professionnels en fonction aux paliers fédéral et provincial, ou encore des employés de l'université Memorial. Des étudiants y viennent aussi poursuivre leurs études. D'autres s'activent dans le secteur tertiaire. Les francophones vivant à St. John's, souvent très scolarisés, bénéficient d'un niveau de vie élevé. Plusieurs ne sont cependant que de passage comme les francophones de la région est du Labrador.

Franco-Fest, 2000
Franco-Fest, 2000
Murray Premises, St. John's. En 1999, l'Association francophone de Saint-Jean organise le premier Franco-Fest, un festival consacré à la culture francophone.
Avec la permission de l'Association francophone de Saint-Jean. © 2000.

Les francophones de la région ouest de Terre-Neuve

Les descendants des pionniers ayant quitté la France et l'Acadie il y a des générations vivent le long de la côte ouest de l'île, majoritairement dans trois lieux de la presqu'île de Port-au-Port : Cap Saint-Georges (Cape St-George), L'Anse-à-Canards et Maisons-d'Hiver (Black Duck Brook et Winterhouses), et La Grand'Terre (Mainland). On retrouve aussi des francophones dans d'autres collectivités de la côte ouest telles que Stephenville, Kippens, La Pointe à Luc (Marche's Point) et Trois Cailloux (Three Rock Cove).

Le français typique de cette région diffère des dialectes parlés par les pêcheurs bretons et les fermiers acadiens qui s'y sont établis au 19e siècle. Les emprunts au vocabulaire maritime et à l'anglais, auxquels se mélangent des mots de la langue mi'kmaq, le distinguent des autres idiomes français. Le niveau de vie de ces francophones est inférieur à celui des francophones du Labrador et de St. John's. Au perpétuel combat contre l'assimilation, ils ont aussi dû faire face à une situation socio-économique sombre. En effet, l'absence d'un secteur industriel en oblige plusieurs à s'exiler pour chercher du travail à l'extérieur de leur région. En 1992, l'imposition par le gouvernement d'un moratoire sur la pêche à la morue porte un dur coup à la région. Le taux de chômage dans certains villages a atteint, suite au moratoire, près de 90 p. 100.

La sauvegarde de la culture francophone à Terre-Neuve-et-Labrador

L'assimilation a longtemps représenté une menace pour les francophones de Terre-Neuve-et-Labrador, particulièrement ceux habitant la côte ouest de l'île. L'anglais était devenu la langue de la scolarisation, de la religion et de la prestation des services gouvernementaux. L'usage de la langue française reculait parmi les francophones. Cette tendance s'est inversée toutefois depuis les 30 dernières années grâce à des mesures de soutien.

La Loi sur les langues officielles adoptée en 1969 correspond à un regain d'intérêt général envers le patrimoine français de la presqu'île de Port-au-Port. Depuis lors, le versement de fonds publics fédéraux permet à des organismes francophones de la région de concrétiser la tenue d'activités socio-culturelles cruciales à l'avancement de l'identité francophone et de la langue française.

En 1975, la venue du premier ministre du Canada, Pierre Trudeau, dans la région renforce cet intérêt marqué pour la culture française. D'autres organismes francophones voient le jour ailleurs dans la province. Ils encouragent la fierté et la solidarité en s'appuyant sur les politiques de bilinguisme et de biculturalisme mises de l'avant par le gouvernement fédéral. Le sentiment d'infériorité qui a longtemps rongé les locuteurs francophones à Terre-Neuve-et-Labrador tend alors à s'estomper.

La Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador est un organisme à but non lucratif fondé en 1973 à Stephenville. Relocalisée depuis à St. John's, elle coordonne les activités de la communauté francophone dans toute la province. Elle supervise également quatre autres organismes : l'Association régionale de la côte ouest (ARCO), l'Association francophone de Saint-Jean, l'Association francophone du Labrador et Franco-Jeunes.

L'Association francophone de Saint-Jean organise les activités destinées aux francophones de St. John's et ses environs. Elle met aussi en valeur le patrimoine français dans la péninsule d'Avalon. En plus de sa bibliothèque et de sa vidéothèque, elle offre, l'été, des visites guidées en français de la ville.

Des élèves francophones, 2000
Des élèves francophones, 2000
Des élèves francophones jouent une pièce de théâtre lors du Franco-Fest.
Avec la permission de l'Association francophone de Saint-Jean. © 2000.

Les bureaux de l'Association régionale de la côte ouest sont situés au Centre communautaire et scolaire Sainte-Anne à La Grand'Terre (Mainland). Ils abritent également un musée, le centre familial de ressources et les stations de radio et de télévision communautaires qu'elle gère. Cet organisme s'occupe aussi de développement économique et touristique, monte des festivals de musique dans la région et propose des cours d'alphabétisation en français.

Franco-Jeunes est un groupe jeunesse dont le mandat consiste à préserver le français chez les jeunes francophones de 13 à 24 ans. Il leur offre la possibilité de prendre part à la tenue d'activités à l'échelle nationale, provinciale et locale en compagnie d'autres jeunes francophones.

Par l'entremise de son centre communautaire, l'Association francophone du Labrador facilite les rencontres entre francophones de la région ouest. Au service de la francophonie depuis 1973, l'AFL organise également diverses activités familiales, sociales, culturelles, et sportives.

Le logo de l'Association francophone du Labrador
Le logo de l'Association francophone du Labrador
Avec la permission de l'Association francophone du Labrador. © 2000.

La Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador offre un programme de pré-maternelle et des activités parascolaires. Elle est surtout l'instigatrice de la mise sur pied du premier conseil scolaire francophone de la province en 1997

Enfin, depuis 1984, le journal Le Gaboteur constitue une source unique d'information sur les sujets d'importance pour les francophones de l'île.

Le drapeau des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador

Drapeau des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador
Drapeau des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador
Conception de Lily Fortin.
Avec la permission de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador. © 2000.

Le 5 octobre 1986, la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador adopte officiellement le drapeau qu'a dessiné Lily Fortin, une citoyenne de St. John's. Il est hissé pour la première fois en 1987 à La Grand'Terre (Mainland). Le bleu, le blanc et le rouge témoignent des racines françaises des francophones de la province. La couleur jaune s'inspire de celle de l'étoile du drapeau acadien.

Le jaune des voiles évoque aussi la couleur de la fleur de lys du drapeau de l'ancien royaume de France. Ces voiles, symboles d'action et de progrès, rappellent la contribution des explorateurs français. Elles représentent également les pêcheurs basques, bretons et français qui, dès le 16e siècle, ont traversé l'Atlantique pour pêcher dans les eaux au large de l'île de Terre-Neuve. La petite branche d'épinette apparaissant sur la voile supérieure représente le Labrador et la sarracénie pourpre de la voile inférieure, l'île de Terre-Neuve. Les lignes diagonales qui divisent les sections bleue, blanche et rouge du drapeau suggèrent le dynamisme des francophones de la province (M. Harrington 141-143).

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