Le folklore et la culture traditionnelle

La transmission du folklore d'une génération à l'autre est un héritage en perpétuelle évolution. Le folklore revêt une multitude de formes qui sont tout aussi « originales » et « légitimes » les unes que les autres. Chaque génération puise ce qu'elle apprécie le plus dans son patrimoine, puis elle y ajoute sa propre couleur et certaines nuances qui reflètent davantage son époque. Le folklore s'enrichit et se transforme au fil des ans grâce aux goûts différents des individus. L'histoire du folklore et de la culture traditionnelle de Terre-Neuve-et-Labrador repose sur les cultures traditionnelles des gens qui se sont établis ici, mais elle reflète également toute la complexité de l'évolution de la vie au cours des siècles de peuplement humain qui ont façonné notre province.

Les origines du folklore

Notre folklore comporte de nombreux éléments analogues au folklore typique des régions de l'Irlande et de l'Angleterre d'où étaient originaires les colons qui ont émigré chez nous au cours des deux ou trois derniers siècles. Les contes populaires et les contes de fées font d'ailleurs partie des traditions ramenées d'Angleterre et d'Irlande. Certains mots de notre dialecte proviennent du vocabulaire et des dialectes de ces régions. Le mot nuddick, utilisé localement pour désigner une colline saillante et arrondie, est un mot du sud-ouest de l'Angleterre (le West Country). Le mot buckaloon, qui signifie « personnage important », est d'origine irlandaise. Mais une bonne partie de la tradition de la région est d'origine purement locale – Tipp's Eve, parfois appelé Tibb's Eve ou Tipsy Eve, (premier jour du temps des fêtes célébré le 23 décembre) et la danse de groupe appelée Running the Goat sont des exemples éloquents de cette réalité.

Plusieurs traditions proviennent aussi des cultures des peuples aborigènes. Mentionnons entre autres la confection de bottes de cuir et de fourrure de même que le mot pipsy, qui désigne (en inuktitut) le poisson séché au soleil sans utilisation de sel. Le folklore des Franco-Terre-Neuviens s'enchevêtre dans celui du reste de la province, mais il est demeuré distinct au cours du 20e siècle, notamment à cause de ses caractéristiques linguistique spécifiques.

Les différents « genres » de folklore

La subdivision du folklore et de la culture traditionnelle en différents « genres » (p. ex. : coutumes, croyances et chansons) est arbitraire, car elle reflète moins les traditions elles-mêmes que le besoin des spécialistes de les classer de façon à mieux s'y retrouver. Ces distinctions sont utiles, mais les utilisateurs attentifs noteront plusieurs recoupements entre elles. Pour des raisons de commodité, on peut classifier le folklore et la culture traditionnelle de Terre-Neuve-et-Labrador en huit genres :

Les coutumes comprennent les activités inscrites au calendrier, par exemple les défilés de la fête des Orangistes (Orangemen's Day), les fêtes en plein air (Garden Parties) et la tournée des maisons (mummering) ainsi que les éventuels rites de passage (p. ex. : mariages, premières communions et funérailles).

La culture matérielle s'intéresse à l'aspect physique de la culture à travers divers objets utilisés pour les besoins, le plaisir ou le profit. Cette catégorie comprend les bâtiments (p. ex. : remises à poissons et caveaux à légumes), le paysage (p. ex. : jardins et disposition des maisons au sein d'une collectivité) et les objets (p. ex. : clôtures et bateaux).

Les croyances traitent de la médecine traditionnelle (p. ex. : remèdes pour la paralysie du sommeil [Old Hag attacks], la gueule de bois et les verrues), des êtres surnaturels (p. ex. : le diable, les fées et les fantômes), de la divination et des liens de cause à effet (p. ex. : l'art de prédire la météo et de rompre les sortilèges des sorcières).

Le récit englobe toutes les formes de narration dont les légendes relatives aux personnages locaux, les histoires de trésors et celles qui mettent en vedette le fameux héros « Jack » et ses aventures extraordinaires. L'explication des noms de lieux fait aussi partie de ce genre ainsi que les récits mythiques tel celui qui explique comment le poisson appelé halibut (le flétan) a hérité son nom.

Les chansons comprennent le riche corpus de chansons folkloriques de la province, y compris les ballades traditionnelles dont certaines datent de plusieurs siècles et les chansons locales inspirées de la tradition vivante (p. ex. : Lukey's Boat et I's the B'y).

La musique scrute l'histoire des mélodies, des musiciens et de leurs instruments (p. ex. : accordéons, violons et ugly sticks). [Ugly sticks : instrument musical confectionné à partir de matériaux communs que l'on retrouve à domicile]

La danse étudie les pas utilisés dans les collectivités de Terre-Neuve-et-Labrador et les soirées dansantes.

Les genres mineurs comprennent les proverbes et les dictons (p. ex. : He smokes like a tilt [Il fume comme une cache de trappeur], les énigmes (p. ex. : The wind was west and west sailed we...) et les noms jetés (surnoms donnés à des groupes de gens (p. ex. : les wobbles de Cape Broyle et les gatchers de Calvert).

Les ouvrages d'érudition sur le folklore

De nombreux ouvrages d'érudition ont été rédigés au sujet du folklore de Terre-Neuve-et-Labrador. Le livre Christmas Mumming in Newfoundland (édité par George Story et Herbert Halpert et publié en 1968 par les Presses de l'Université de Toronto pour la Memorial University of Newfoundland) est une œuvre innovatrice dans ce domaine. Il contient des essais qui s'intéressent à l'histoire et à la dissémination des traditions de Noël à l'île de Terre-Neuve et il a pavé la voie à d'autres publications importantes.

Mummering dans la collectivité de François, sur la côte sud de l'île de Terre-Neuve, s.d.
Mummering dans la collectivité de Francois, sur la côte sud de l'île de Terre-Neuve, s.d.
Le mummering est une tradition qui demeure en vogue de nos jours dans de nombreuses régions de Terre-Neuve-et-Labrador.
Avec la permission de Yva Momatuik et John Eastcott, This Marvellous Terrible Place: Images of Newfoundland and Labrador, Camden East, Ontario, Camden House Publishing, ©1988, p. 137.

Mentionnons aussi le Dictionary of Newfoundland English publié au début des années 1980 (Breakwater Press et les Presses de l'Université de Toronto, 1982; 2e édition 1990). Les éditeurs, William Kirwin, George Story et John Widdowson, ont rassemblé des milliers de mots et de phrases utilisés dans la province. Cette somme imposante a constitué une nouvelle base de données lexicographiques puisque les auteurs ont eu recours à la fois aux sources orales et aux sources écrites. Il s'agit d'un véritable ouvrage de référence pour une importante partie de la recherche qui s'intéresse à la culture de Terre-Neuve-et-Labrador.

En 1996, la publication du livre Folktales of Newfoundland de Herbert Halpert et John Widdowson a couronné un projet de recherche consacré à la collecte de récits dans la province, lequel s'est échelonné sur un demi-siècle. Cet ouvrage de référence, reconnu internationalement dans le domaine des études folkloriques, rassemble des douzaines de contes folkloriques de la région et du monde entier dont certains datent de plusieurs siècles. Ces récits ont tous été recueillis à Terre-Neuve-et-Labrador et ils sont accompagnés d'informations contextuelles relatives au moment précis où ils ont été consignés.

Une mise à jour de la bibliographie des articles et des ouvrages publiés sur la culture traditionnelle de Terre-Neuve-et-Labrador contiendrait plus de mille entrées (une bibliographie publiée en 1989 comportait déjà 950 entrées concernant le folklore et la langue). La Memorial University of Newfoundland a un Département de folklore très actif ainsi qu'une importante documentation rassemblée à la Folklore and Language Archive (munfla@mun.ca), ce qui permet d'approfondir les recherches sur plusieurs fronts.

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