La victoire des partisans de la Confédération et la défaite de ses adversaires expliquées

Dans l'examen des faits qui ont abouti aux résultats des référendums de 1948, il faut examiner de près le contexte qui prévalait à la fin des années 1940 ainsi que les facteurs indéniablement en action pendant les campagnes référendaires.

Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador viennent de traverser une période mouvementée de leur histoire. La Grande Crise les a durement éprouvés. Elle provoque même la fin du gouvernement responsable. Puis, la Seconde Guerre mondiale représente le plein emploi, de meilleurs revenus et un véritable boom économique.

St. John's, vers 1939
St. John's, vers 1939
Terre-Neuve, déjà en difficulté, souffre énormément de la Grande Crise qui sévit depuis 1929.
Avec la permission des archives (Collection Gustav Anderson), The Rooms, St. John's, T.-N.-L. Tiré de Desperate Measures: The Great Depression in Newfoundland and Labrador de Carmelita McGrath et Kathryn Welbourn, « The Newfoundland and Labrador Adult Basic Education Social History », vol. 4, Writers' Alliance of Newfoundland and Labrador, St. John's, T.-N.-L., ©1996, p. 27. Tirage.

Des milliers de Terre-Neuviens s'enrôlent dans les forces armées et des centaines d'autres trouvent du travail au Canada. Les bases militaires américaines et canadiennes reflètent le mode de vie nord-américain.

Rien d'étonnant alors à ce que les citoyens du dominion se montrent réticents à l'idée du rétablissement du gouvernement responsable. Ils l'associent volontiers à la Grande Crise, à la pauvreté et aux scandales politiques. Ils veulent bien réfléchir à un possible avenir au sein du Canada, un pays susceptible de leur accorder la protection nécessaire et de maintenir le niveau de vie élevé qu'ils ont découvert avec la guerre. Le Canada n'est plus un pays étranger. Environ 26 000 personnes originaires de Terre-Neuve y habitent, sans compter les nombreux liens qui se sont tissés.

La crise économique et la guerre ont défriché le terrain en faveur de la Confédération. Pourtant, en 1946, la plupart des Terre-Neuviens et Labradoriens y sont sans doute encore opposés, à condition qu'ils aient pu se forger une opinion sur le sujet. Ils pressentent simplement un rétablissement du gouvernement responsable. Dépourvus d'institutions démocratiques cependant, ils ne sont maîtres de rien. C'est le gouvernement britannique qui décide. Ce dernier, d'un commun accord avec le gouvernement canadien, détermine que l'entrée dans la Confédération constitue la meilleure des solutions au problème que représente Terre-Neuve. Il s'agit donc d'établir des circonstances favorables à l'option de l'union avec le Canada.

Qui en seraient les représentants ? Deux hommes politiques de second rang sortent de l'ombre, Joseph Smallwood et Gordon Bradley. Pour eux, l'avenir de Terre-Neuve est lié au Canada. Ils jouent un rôle essentiel pour le concrétiser. Joseph Smallwood est le plus ardent défenseur de la Confédération et responsable de l'organisation de la campagne. Gordon Bradley en est aussi un rouage fondamental à titre de président de la convention nationale et son apport à la cause est vaste.

Joseph R. Smallwood en campagne pour l'union avec le Canada
Joseph R. Smallwood en campagne pour l'union avec le Canada
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Collection J. R. Smallwood 075, photographie 5.05.321), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

La victoire des partisans de l'union avec le Canada repose en partie sur leur détermination et un sens poussé de l'organisation. Ils reçoivent aussi un coup de main des gouvernements britannique et canadien, et de leurs adversaires qui sont incapables de mettre sur pied une bonne campagne. En effet, ces derniers évaluent mal la situation. Ils présument du rétablissement d'un gouvernement responsable et ne se sont pas suffisamment préparés aux référendums de 1948.

La division règne parmi les adversaires de la Confédération. Leur campagne référendaire est défaillante et mal dirigée. S'ils avaient fait campagne de manière aussi professionnelle que la formation Confederate Association, ils auraient vraisemblablement remporté la victoire. Joseph Smallwood parvient donc à persuader une bonne partie des électeurs que le Canada et les partisans de la Confédération peuvent mieux aider Terre-Neuve que les marchands de St. John's qui forment la Responsible Government League. En 1948, ce n'est pas tant que les partisans de la Confédération ont gagné, mais que leurs adversaires leur ont permis de saisir la victoire.

Drapeau en berne, 1948
Drapeau en berne, 1948
Les partisans de la Confédération se réjouissent des résultats du deuxième référendum de 1948. Toutefois, pour de nombreux citoyens, c'est un jour sombre dans l'histoire de Terre-Neuve et du Labrador. Certains mettent le drapeau en berne devant leur habitation ou leur entreprise pour manifester leur tristesse.
The Book of Newfoundland, volume III, Newfoundland Book Publishers, St. John's, T.-N.-L., ©1967, p. 101. Tirage.

English version

Video: The Winding Road to Confederation Part V: The 1948 Referendums (en anglais)