La réaction de la population au tsunami de 1929

Les collectivités de la péninsule de Burin touchées par le tsunami ont un urgent besoin d'aide. Le gouvernement et la population s'organisent rapidement dès que la nouvelle de cette catastrophe parvient enfin à St. John's le 21 novembre. Le lendemain, un navire de secours arrive dans la péninsule avec une cargaison de matériel médical, de denrées alimentaires, de vêtements et d'autres biens de première nécessité. La population se montre très généreuse. En quelques semaines, le montant des dons s'élève à 250 000 $. Le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne offrent également une contribution financière et de l'aide. Pourtant, ce soutien n'atteint pas pleinement son but. L'économie chancelante de la péninsule se bute à la Grande Crise qui s'amorce en 1929 ainsi qu'à l'effondrement de la pêche à la morue au début des années 1930. Ce n'est que dans les années 1940 que plusieurs collectivités réussissent à se remettre sur pied, alors que d'autres échouent.

Une habitation flottant dans la mer, 1929
Une habitation flottant dans la mer, 1929
Cette maison flottait à deux kilomètres du rivage.
Photographe inconnu. Photo reproduite avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 391.1.02), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Réaction immédiate

Après le tsunami, les survivants s'activent à secourir les blessés et à récupérer de la nourriture, des vêtements et d'autres biens personnels dans les ruines des bâtiments et les débris qui encombrent la grève. À l'aide de bateaux encore en état de marche, iIs partent à la recherche de victimes emportées vers la mer ou prisonnières d'habitations à la dérive. Le retour du niveau d'eau à la normale révèle l'étendue des pertes qu'ils ont subies. Maisons et matériel de pêche sont abîmés. Ils découvrent aussi avec effroi la disparition de membres de leur famille ou de voisins. Isolés du monde extérieur, ils mettent en commun de rares denrées alimentaires et partagent des abris de fortune en espérant la venue prochaine des secours. Dans certains villages cependant, les quelques habitations ayant résisté au tsunami servent de refuge surpeuplé aux survivants. À Taylor's Bay, entre 18 et 20 personnes s'entassent dans chacune des cinq habitations encore debout. Une tempête de neige s'abat sur la péninsule le lendemain matin du tsunami et aggrave la situation.

Le rivage après le tsunami, 1929
Le rivage après le tsunami, 1929
Des vagues géantes ont détruit de nombreux bâtiments le long du littoral de la péninsule.
Photographe inconnu. Photo reproduite avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 391.1.02), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Ces épreuves n'empêchent pas de nombreux rescapés de s'occuper des blessés et des personnes moins favorisées par le sort. Ainsi, l'infirmière Dorothy Cherry, du village de Lamaline, parcourt le territoire jusqu'à Burin, à cheval et à pied, pour soigner les malades et les blessés de nombreuses collectivités. Le gouvernement lui donnera plus tard un chèque de 250 $ en guise de remerciement pour son travail. L'équipage d'un navire amarré au quai de Burin pendant le tsunami, le SS Daisy, porte lui aussi assistance aux collectivités affectées dans les jours qui suivent en s'efforçant de récupérer les habitations, les bateaux et d'autres structures qui surnagent près de la côte. Les biens récupérés par l'équipage se chiffrent à des milliers de dollars.

St. John's est informé

Dès que la nouvelle atteint St. John's le 21 novembre, le gouvernement intervient rapidement. Le premier ministre, sir Richard Squires, expédie le navire SS Meigle dans la péninsule de Burin. Il transporte des professionnels de la santé et du matériel médical, des fonctionnaires et un approvisionnement de nourriture, vêtements, matériaux de construction et autres biens nécessaires.

Une goélette coulée par le tsunami, 1929
Une goélette coulée par le tsunami, 1929
Le tsunami a englouti de nombreux bateaux le long de la péninsule de Burin.
Photographe inconnu. Photo reproduite avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 391.1.02), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Le navire quitte le port de St. John's le soir du 21 novembre et arrive à Burin le lendemain après-midi. Pendant cinq jours, le bateau fait le tour de la péninsule pour apporter du secours et évaluer les dégâts. À Point au Gaul, les responsables gouvernementaux apprennent avec effarement que le tsunami a démoli 100 bâtiments et détruit les 40 doris et bateaux à moteur du village. Il en va de même à St. Lawrence où il ne reste ni bateaux ni installations de pêche en bon état. Les conditions de vie sont terribles à Taylor's Bay. Seules cinq habitations ont survécu au tsunami. Les secouristes ravitaillent les rescapés du village en leur fournissant 3048 m de bois de construction, une abondante quantité de charbon et des vêtements.

Le matin du 27 novembre, le bateau de secours lève l'ancre et accoste au port de St. John's l'après-midi même. L'évaluation des dégâts matériels que font les fonctionnaires dans le rapport qu'ils présentent au gouvernement se situe à plus de 1 million de dollars. Le tsunami a en effet anéanti les embarcations et le matériel de pêche de la moitié des pêcheurs de la péninsule.

Mise sur pied d'un comité de secours

Le Meigle parti en mission dans la péninsule, le gouvernement et des citoyens influents de St. John's mettent sur pied un comité (South Coast Disaster Committee) dont le mandat consiste à coordonner une collecte de fonds et diverses activités de secours. Il recueille en quelques semaines 100 000 $ auprès des citoyens de St. John's et 90 000 $ parmi les habitants de Corner Brook, Grand Falls, et de plus petites collectivités. Ceux qui n'ont pas les moyens de contribuer financièrement offrent de la nourriture, des vêtements et d'autres articles utiles. À mesure que la nouvelle se répand, des dons totalisant 50 000 $ parviennent du Canada, des États-Unis et de la Grande-Bretagne.

Du secours pour Burin, 1929
Du secours pour Burin, 1929
À St. John's, on remplit un camion d'approvisionnements de secours destinés aux victimes du tsunami qui a frappé la péninsule de Burin à Terre-Neuve.
Photographe inconnu. Photo reproduite avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 391.1.02), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

En plus de la collecte de fonds, le comité distribue aussi de la nourriture, des vêtements, du matériel de pêche et des matériaux permettant la reconstruction des habitations et la réfection des bateaux, des chafauds et d'autres structures saccagées. Il verse également une indemnisation en cas de décès ou de blessures résultant du tsunami. Par contre, il n'accorde aucune compensation aux collectivités pour les stocks hivernaux perdus tels les 127 000 kg de morue salée d'une valeur d'environ 30 000 $, réduits à néant par cette catastrophe.

La vie économique de nombreux villages côtiers de la péninsule connaît un grave déclin dans les dix années suivantes, et ce, malgré toute l'aide dispensée après le tsunami. Aux séquelles de cette catastrophe naturelle s'ajoutent les premiers effets d'une récession mondiale qui se pointe en 1929 et l'affaissement de la pêche à la morue au début des années 1930. L'économie de certaines collectivités s'améliore pendant les années 1940, car la Seconde Guerre mondiale entraîne un boom économique à Terre-Neuve et au Labrador. D'autres, cependant, continuent de dépérir comme le village de Taylor's Bay.

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