Programmes sociaux de la Commission de gouvernement

L'amélioration des services sociaux à Terre-Neuve et au Labrador a été un des grands objectifs de la Commission de gouvernement durant son exercice. Elle a étendu les services de santé, amélioré le système scolaire, créé une force policière rurale et distribué des suppléments alimentaires pour combattre la malnutrition et ses méfaits. Le gouvernement a aussi tenté de créer de l'emploi dans d'autres secteurs que la pêche en encourageant l'agriculture : ainsi, il a lancé des programmes de colonisation rurale dans diverses régions du pays, ouvert une école d'agriculture et offert des primes en espèces pour le défrichage et la culture de terres agricoles.

Session inaugurale de la Commission de gouvernement, 16 février 1934
Session inaugurale de la Commission de gouvernement, 16 février 1934
L'amélioration des services sociaux à Terre-Neuve et au Labrador a été un des principaux objectifs de la Commission de gouvernement durant son exercice.
Avec la permission des archives (B 4-137), The Rooms, St. John's, T.-N.-L.

En dépit de ces efforts, la situation financière précaire de Terre-Neuve et du Labrador (attribuable au déclin des pêches et à la dépression économique mondiale) a durement limité la capacité pour la Commission d'apporter des changements immédiats et efficaces. Seule la période de prospérité amenée par la guerre dans les années 1940 a permis au pays de régler ses problèmes de chômage. Et ce ne sera qu'après la Confédération, avec ses allocations familiales et autres services sociaux payés par le gouvernement, que la majorité aura enfin les moyens d'envoyer ses enfants à l'école ou de recevoir des soins médicaux réguliers.

Éducation

En 1934, à l'entrée en exercice de la Commission, le système scolaire du pays était en plein naufrage. Les enseignants étaient mal payés et mal formés, les programmes d'études étaient surannés, les écoles, en ruines et surpeuplés, avaient rarement le chauffage et l'eau courante, et des milliers d'enfants ne fréquentaient pas à l'école, souvent parce que leurs parents ne pouvaient pas leur payer les livres de classe et les frais scolaires, ou parce qu'il n'y avait pas d'école à distance raisonnable de chez eux.

Pour remédier à ces problèmes, la Commission a accru les dépenses en éducation du pays, de 716 907 $ en 1934, à plus de 3 millions de dollars en 1949. Fort de ces ressources, il a augmenté les salaires des enseignants, créé un programme de formation des maîtres au Memorial College, construit 555 nouvelles écoles et en a rénové 264. Il a aussi créé des Book Bureaus (un service public de distribution gratuite de manuels et d'autres fournitures scolaires), a légiféré pour rendre l'éducation obligatoire, et a ajouté la santé, l'éducation sociale et la formation industrielle au programme scolaire du pays.

École de Bonavista, vers 1928-1940
École de Bonavista, vers 1928-1940
La Commission de gouvernement a accru les dépenses en éducation du pays, de 716 807 $ en 1934, à plus de 3 millions de dollars en 1949.
Photographe inconnu. Avec la permission des Archives d'histoire maritime (PF-318.262), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

La Commission a aussi cherché à remplacer le système scolaire confessionnel du pays par un système laïque, mais sans y parvenir. Ceci dit, elle a ouvert plusieurs écoles publiques, notamment à Deer Lake et North West River, ainsi qu'une poignée d'écoles non confessionnelles d'éducation populaire dans le cadre de son programme de colonisation rurale.

La Commission a aussi encouragé l'éducation des adultes, en particulier dans le domaine du développement agricole. Ses représentants ont créé une ferme modèle et une école d'agriculture pour former des fermiers. La Commission a aussi soutenu financièrement ceux qui étaient intéressés à fréquenter des collèges d'agriculture en Amérique du Nord, et dispensé des ateliers sur les techniques agricoles dans les villages de colonisation et les petites collectivités d'exploitations rurales.

Soins de santé

L'aggravation de la Crise économique durant les années 1930 a empiré la situation en matière de santé publique à Terre-Neuve et au Labrador. La malnutrition est devenue un grave problème, facilitant la propagation de la tuberculose, du béribéri et d'autres maladies. Les services d'un médecin, difficiles d'accès, surtout en région, étaient aussi coûteux, et certainement hors de portée du grand nombre des chômeurs.

À son entrée en exercice, la Commission s'était fixé comme objectif majeur l'amélioration des services de santé du pays. Elle a fait construire en 1935 une série de pavillons hospitaliers pour favoriser l'accès des populations rurales à des services médicaux abordables, en plus d'affecter deux navires-hôpitaux, le Lady Anderson et le Christmas Seal, au service des villages côtiers isolés. Plusieurs hôpitaux de la mission Grenfell sont venus compléter ces efforts au Labrador et dans le nord de Terre-Neuve. La Commission a aussi haussé le nombre de lits dans les hôpitaux de St. John's, et fait construire un hôpital antituberculeux de 250 lits à Corner Brook.

Hôpital de Bonavista, vers 1947
Hôpital de Bonavista, vers 1947
La Commission de gouvernement a construit des pavillons hospitaliers pour favoriser l'accès des populations rurales à des services médicaux abordables.
Photographe inconnu. Avec la permission des Archives d'histoire maritime (PF-318.300), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Des représentants du gouvernement ont aussi tenté de réduire le taux de malnutrition en remplaçant dans les rations la farine blanche par de la farine brune et en distribuant gratuitement aux enfants d'école du Cocomalt, une boisson maltée riche en vitamines. En 1944, le gouvernement a aussi introduit une farine blanche enrichie de riboflavine, de thiamine, de niacine et de fer.

La santé et le bien-être des enfants aura été un autre dossier prioritaire pour la Commission de gouvernement. Elle a ouvert une clinique pédiatrique à St. John's pour dispenser des soins de santé abordables aux jeunes de la capitale et promulgué des lois dans les années 1940 pour protéger les enfants et les mères seules.

Maintien de l'ordre

En 1935, la Commission a créé la Newfoundland Ranger Force, un service de gendarmerie rurale modelé sur la Gendarmerie royale du Canada (GRC), alors une organisation paramilitaire qui prodiguait toutes sortes de services gouvernementaux dans le Nord canadien, pour dispenser des services publics dans les collectivités isolées. Jusque-là, il n'existait dans les régions rurales de Terre-Neuve et du Labrador ni force policière, ni parfois de représentant du gouvernement. Les Rangers se sont révélés particulièrement précieux au Labrador, où ils auront souvent été les seuls liens entre le public et les dirigeants politiques à St. John's.

Ranger non identifié, entre 1935 et 1950
Ranger non identifié, entre 1935 et 1950
En 1935, la Commission de gouvernement a créé la Newfoundland Ranger Force pour dispenser des services publics dans les collectivités isolées.
Photographie : Norman Crane.

Les Rangers étaient des hommes jeunes, instruits et en bonne forme physique, capables d'accomplir toutes sortes de tâches sans grande supervision. En plus de veiller au respect de la loi et des règlements de chasse et de pêche, ils délivraient l'aide financière aux démunis et aux chômeurs, inspectaient les chantiers forestiers, percevaient des droits de douane, aidaient à construire des routes, des ponts et d'autres structures et délivraient des permis de chasse et de pêche, entre autres.

Dans l'ensemble, la population rurale de Terre-Neuve et du Labrador a accueilli favorablement ces Rangers. Même s'ils étaient chargés de faire respecter des règlements de chasse et de pêche impopulaires, ils permettaient comme jamais auparavant aux habitants des régions de transmettre aux politiciens de St. John's leurs besoins et doléances. C'était particulièrement le cas pour les gens du Labrador, qui n'avaient jamais auparavant profité d'un accès direct et permanent à des représentants du gouvernement. Après la Confédération, le gouvernement provincial a supprimé le programme des Rangers, permettant à tous ses membres intéressés d'être transférés à la GRC. Jusqu'au 31 juillet 1950, date de la cessation du programme, quelque 204 hommes avaient servi au sein de la Newfoundland Ranger Force.

Développement agricole

En faisant la promotion de l'agriculture, la Commission de gouvernement espérait créer des emplois à l'extérieur d'une industrie de la pêche en crise et favoriser l'autosuffisance au sein des populations de Terre-Neuve et du Labrador. À cette fin, elle a créé de toutes pièces un certain nombre de collectivités agricoles dans le cadre d'un programme de colonisation rurale, offrant des primes pour le défrichage et la culture de terres. Elle a aussi ouvert une ferme modèle et une école d'agriculture pour former les nouveaux fermiers.

Nombre de ces efforts, toutefois, seraient voués à l'échec. Une mauvaise planification de la part du gouvernement a sapé son programme de colonisation rurale et provoqué des tensions entre les habitants et les fonctionnaires. Nombre de colons se sont plaints que le gouvernement exerçait sur eux un contrôle intolérable et gérait les collectivités de trop près. De son côté, réalisant que ce programme lui coûtait bien plus cher que prévu, la Commission a supprimé toute aide financière aux collectivités agricoles à la fin de 1942. À ce moment, la plupart des habitants les avaient déjà quittées pour aller travailler dans des bases militaires à St. John's, Argentia et ailleurs.

Habitants de Markland, vers 1935-1945
Habitants de Markland, vers 1935-1945
Dans le cadre de son programme de colonisation rurale, la Commission de gouvernement a créé de toutes pièces des collectivités agricoles à Markland, Haricot et ailleurs.
Photographie : John Gosse.

Les efforts du gouvernement pour stimuler l'agriculture auront aussi été sapés par la difficulté du relief, l'acidité des sols, la rigueur du climat et la rareté des marchés locaux. Essentiellement, l'agriculture à Terre-Neuve et au Labrador restait une pratique de subsistance pour les gens qui faisaient pousser leurs légumes sur un petit lopin près de chez eux.

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