L'Entente sur les ressources extracôtières de 2005

L'Accord atlantique de 1985 permet à la province d'imposer les ressources pétrolières et d'en retirer des redevances comme si elle en était propriétaire. Il prévoit aussi une protection transitoire de 12 ans contre des réductions de ses droits de péréquation après l'extraction des 15 premiers millions de barils de pétrole (ce qui s'est produit en 1999). Cette protection vise 90 p. 100 de la production pendant les 5 premières années d'exploitation, puis décroît de 10 p. 100 chaque année suivante.

En avril 1984, près d'un an avant la signature de cet accord qui a lieu le 11 février 1985, Jean Chrétien, le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources de l'époque, clame, comme bien d'autres, que les recettes provinciales tirées de l'exploitation d'Hibernia seront suffisamment importantes pour en faire une province « nantie » d'ici cinq. Cette affirmation ne s'est pas avérée.

Les problèmes liés à l'Accord atlantique de 1985

En fait, le rythme de production est moins soutenu que prévu et les clauses de l'accord n'en tiennent pas compte. Au cours de ses cruciales premières années, les recettes dégagées de l'exploitation des ressources pétrolières d'Hibernia sont plutôt faibles. La province les voit s'évanouir à cause de la péréquation. En 2003, on calcule que les redevances escomptées pourraient atteindre 600 millions de dollars à l'expiration de l'accord en 2011.

Tant au fédéral qu'au provincial, les porte-paroles exigent des modifications à l'accord. En 2002, le Comité sénatorial permanent sur les finances, présidé par le sénateur Lowell Murray, recommande une réévaluation par le fédéral des paiements de péréquation tels que stipulés dans l'accord. Il conseille au gouvernement d'élargir les droits de péréquation bénéficiant d'une protection transitoire lorsqu'il y a hausse des recettes dérivées de ressources naturelles non renouvelables. Ce comité convient aussi de la pertinence de réévaluer les clauses de l'Accord atlantique portant sur la péréquation afin d'établir si elles ont atteint leur objectif.

The Newfoundland and Labrador Royal Commission on Renewing and Strengthening Our Place in Canada, une commission royale sur le rôle de la province au sein du Canada, déclare en 2003 que Terre-Neuve-et-Labrador ne jouira pas des avantages promis dans l'accord. En effet, la province ne recevra que 20 à 25 p. 100 des recettes totales attendues pendant la durée d'exploitation des chantiers pétrolifères en activité. La commission préconise l'amorce immédiate de négociations entre les gouvernements fédéral et provincial pour restructurer l'Accord atlantique. Cette démarche assurerait ainsi le respect et l'atteinte de l'objectif de la province.

John Crosbie, ancien ministre fédéral et signataire de l'accord de 1985, dépose devant la commission un rapport de recherche signalant que la province ne touche qu'environ 0,12 ¢ sur chaque dollar des recettes relatives à l'exploitation des ressources extracôtières. Dès que prend fin en 2011 la période de protection transitoire de 12 ans contre la réduction des paiements de péréquation, est-il indiqué dans le rapport, la province n'aura plus droit au partage net des recettes conformément à l'Accord atlantique, mais continuera de contribuer à la péréquation.

Renégociation de l'Accord atlantique

En février 2004, la province enclenche des négociations avec Ottawa. Celles-ci ciblent surtout les paiements de péréquations. Son premier ministre conservateur Danny Williams insiste sur une protection totale contre la réduction des paiements de péréquation. Le premier ministre fédéral Paul Martin (libéral) tente, pour sa part, de mitiger les pertes fédérales par l'imposition de conditions et de limites sur les recettes à venir. Danny Williams avance que le plafonnement de ces recettes ferait perdre à sa province des milliards de dollars.

Les négociations durent des mois dans une atmosphère acrimonieuse. Le 26 octobre 2004, Danny Williams quitte la rencontre des premiers ministres en signe de protestation contre l'offre d'Ottawa. Il accuse Paul Martin de ne pas tenir la promesse électorale (faite en juin) d'éliminer pendant huit ans la récupération de la péréquation sur l'exploitation pétrolière. Paul Martin affirme, quant à lui, que le plafonnement des recettes a toujours fait partie intégrante de son offre.

Le 23 décembre 2004, le premier ministre de la province, Danny Williams, sème la controverse lorsqu'il ordonne la mise en berne du drapeau canadien sur les édifices provinciaux après une autre réunion infructueuse avec le premier ministre canadien. Il proclame qu'il en sera ainsi jusqu'à la conclusion d'une entente. Pourtant, le 10 janvier 2005, le drapeau flotte de nouveau. Danny Williams justifie ce revirement en disant ne pas en vouloir à la population canadienne, mais plutôt au premier ministre, le chef du pays.

Un nouvel accord

La pression monte pour Paul Martin. Il doit régler ce conflit. Le Parti libéral fédéral est malmené par le scandale des commandites, attisé par des allégations de corruption et d'utilisation abusive de fonds publics. C'est un gouvernement minoritaire libéral qui est élu en juin 2004. Il fait face à un vote de censure et à la possibilité d'une autre élection en 2005. Le premier ministre Martin entend bien remporter trois circonscriptions girouettes à Terre-Neuve-et-Labrador (St. John's North, St. John's South et Bonavista-Exploits), et ainsi mettre un point final à cette polémique.

Le 28 janvier 2005, et après 10 heures de négociations, Paul Martin, Danny Williams et John Hamm, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, parviennent à un accord sur l'ensemble de l'exploitation des ressources extracôtières de la côte est. Cette nouvelle entente propose une protection sans réserve contre la réduction des paiements de péréquation qui s'échelonnera de 2004-2005 à 2011-2012, soit pendant 8 ans. Si l'une ou l'autre province touche encore des paiements de péréquation après cette période, il y a possibilité de la prolonger de 8 ans. Si ce n'est pas le cas, elles recevront pendant 2 autres années des paiements transitoires.

La population de Terre-Neuve-et-Labrador accueille avec satisfaction cette entente, car elle assure des recettes minimales de 2,6 milliards de dollars d'ici son expiration, dont un versement anticipé de 2 milliards en 2005 de la part d'Ottawa. En 2008, cette manne financière permet donc à la province de contribuer pour la première fois de son histoire au programme de péréquation. En 2010, les redevances sur la production des champs pétrolifères Hibernia, Terra Nova et White Rose représentent plus du tiers des recettes gouvernementales de la province. On estimait, à cette date, que les redevances allaient atteindre 2,2 milliards de dollars en 2010-2011.

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