La convention nationale de Terre-Neuve, 1946-1948

La convention nationale comprend 45 délégués provenant de 38 circonscriptions. Elle s'amorce le 11 septembre 1946 sous la présidence du juge Cyril Fox.

Le juge Cyril Fox, le premier président de la convention nationale
Le juge Cyril Fox, le premier président de la convention nationale
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Collection J. R. Smallwood 075, photographie 5.05.271), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Le mandat

Le mandat de la convention nationale consiste à examiner et à débattre… des bouleversements économiques et financiers survenus dans l'île depuis 1934, et sans faire abstraction des recettes élevées générées par les années de guerre, analyser la situation du dominion et formuler des recommandations aux autorités britanniques sur les différentes formes de gouvernement à proposer à la population dans un référendum.

Limites des circonscriptions, 1946
Limites des circonscriptions, 1946
Les limites des circonscriptions de Terre-Neuve et du Labrador pour la convention nationale de 1946.
Selon les recherches effectuées par Matt Dwyer, dans le document The National Convention Act, 1946. Illustration de Duleepa Wijayawardhana.

Dix comités sont chargés d'étudier toutes les facettes socio-économiques de la colonie. Ils déposent ensuite leur rapport respectif à la convention afin que ses membres en débattent et en adoptent les conclusions. Cette étape terminée, le comité des finances rédige un rapport d'ensemble sur la situation économique et financière du dominion et ses perspectives d'avenir, et ce, à partir des données tirées des rapports. Tous les débats sont radiodiffusés par VONF, la station de radio du gouvernement.

Au départ, les délégués présument qu'ils n'aborderont les diverses formes de gouvernement que lorsque les comités auront mis fin à leurs travaux. Joseph R. Smallwood (circonscription de Bonavista Centre) bouscule cependant l'ordre du jour le 28 octobre lorsqu'il propose que la convention délègue certains de ses membres à Ottawa afin de s'enquérir d'une possible union avec le Canada et des conditions inhérentes.

Contenu audio du débat qui suit la motion présentée par Joseph R. Smallwood (1946) sur la possibilité d'une union avec le Canada.
Tiré de l'album ...and oh, what a battle it was!: the debate, motion and vote on Newfoundland's entry into Confederation (3:42)

Joseph R. Smallwood est l'un des rares délégués favorables à l'entrée dans la Confédération. Sa motion ne recueille que 17 votes et déclenche de vifs débats qui divisent la convention. Dans ces conditions, une évaluation objective de la situation et de l'avenir du dominion est pratiquement impossible.

Les membres de la convention finissent par s'entendre sur l'envoi de délégations à Londres et à Ottawa. C'est le nouveau président et partisan de la Confédération, F. Gordon Bradley (circonscription de Bonavista East), qui les dirige. (Cyril Fox étant décédé le 16 novembre 1946.)

Les délégués de la convention nationale envoyés à Ottawa, 1947
Les délégués de la convention nationale envoyés à Ottawa, 1947
Avec la permission de Hunter, G., Archives nationales du Canada, PA-128075. Tiré de Part of the Main: An Illustrated History of Newfoundland and Labrador, de Peter Neary et Patrick O'Flaherty, Breakwater Books, St. John's, T.-N.-L., ©1983, p. 162.

Les délégations à Londres et à Ottawa

Les délégués expédiés à Londres sont en majorité hostiles à la Confédération. Son critique le plus virulent est d'ailleurs le Major Peter Cashin (circonscription de St. John's West). La délégation quitte Terre-Neuve le 25 avril 1947. Ses trois rencontres avec le secrétaire du Bureau des dominions, le vicomte Addison, accompagné de représentants britanniques se déroulent dans une atmosphère glaciale. Les Britanniques déclarent sans aucune ambiguïté que si Terre-Neuve opte pour un gouvernement responsable, le dominion ne doit s'attendre à aucune aide économique et financière quelconque. Ce parti pris met en colère les chefs de file opposés à la Confédération. Le 19 mai, Peter Cashin prononce un discours empreint d'émotion à la convention et affirme qu'il s'agit là d'un plan concerté pour céder le pays au Dominion du Canada.

Contenu audio du rapport du Major Peter Cashin au retour de la délégation envoyée à Londres.
Tiré de l'album ...and oh, what a battle it was!: the debate, motion and vote on Newfoundland's entry into Confederation (2:52)

Les autres délégués partent pour Ottawa le 9 juin. F. Gordon Bradley informe la convention qu'ils seront de retour dans moins d'un mois. En réalité, Joseph R. Smallwood et lui n'ont nullement l'intention de respecter cette échéance. Ils comptent rester à Ottawa jusqu'à ce que le gouvernement fédéral leur soumette des conditions d'union qui soient suffisamment acceptables pour faire l'objet de discussions entre les membres de la convention et le peuple. Cette démarche retardera, espèrent-ils, à 1948 la tenue d'un référendum prévu pour l'automne 1947. Les partisans de l'entrée dans la Confédération disposeraient ainsi du temps nécessaire pour communiquer leur vision.

Cette stratégie porte ses fruits. Des négociations s'engagent en effet sur une version préliminaire des conditions d'union. La délégation ne revient pas dans le dominion avant le début d'octobre. Les adversaires de l'union sont furieux devant la tournure des événements. F. Gordon Bradley doit donc démissionner à titre de président de la convention. Son remplaçant, John McEvoy, est également un défenseur de l'union. La convention entame la dernière phase de son mandat.

Elle se penche d'abord sur les rapports financiers et économiques qu'a préparés le comité des finances sous la direction de Peter Cashin. L'optimisme et le rejet de l'union transpirent de ces deux rapports. Puis, Joseph R. Smallwood déclenche un débat sur le rapport de sa délégation et les conditions d'union proposées par Ottawa. Ce débat se poursuit du 20 novembre 1947 au 16 janvier 1948.

Contenu audio du dépôt du rapport de Joseph R. Smallwood et question de privilège soulevée.
Tiré de l' album ...and oh, what a battle it was!: the debate, motion and vote on Newfoundland's entry into Confederation (5:00)

Les formes de gouvernement

Finalement, la convention doit déterminer les formes de gouvernement qu'elle proposera à la population dans un référendum. Tous les membres s'accordent sur les options de gouvernement responsable et Commission de gouvernement. Le 23 janvier, Joseph Smallwood propose une troisième option, l'entrée dans la Confédération.

Décompte des télégrammes demandant l'ajout de l'option d'union avec le Canada (Confédération) dans le référendum, 1948
Décompte des télégrammes demandant l'ajout de l'option d'union avec le Canada (Confédération) dans le référendum, 1948
Tiré de "The Story of Confederation", The Book of Newfoundland, de Joseph R. Smallwood, vol. III, Newfoundland Book Publishers, St. John's, T.-N.-L., ©1967, p. 86.

Le débat passionné qui a suivi constitue le point culminant de la convention et se prolonge jusqu'à 5 h 30 du matin le 28 janvier. La motion de Smallwood est rejetée par 29 votes contre 16. Deux jours plus tard, la convention nationale prend fin.

Contenu audio portant sur une motion visant à rajouter l'option de l'entrée dans la Confédération dans le référendum (1948)
Tiré de l'album ...and oh, what a battle it was!: the debate, motion and vote on Newfoundland's entry into Confederation (18:09)
Contenu audio du vote sur la motion
Tiré de l'album ...and oh, what a battle it was!: the debate, motion and vote on Newfoundland's entry into Confederation (2:15)

La victoire des adversaires de la Confédération est pourtant de courte durée. Au début de mars, le gouvernement britannique déclare que cette option fera bel et bien partie du référendum. C'est une possibilité qu'il ne veut pas laisser s'échapper.

Des historiens minimisent la portée de la convention nationale. D'autres, par contre, lui attribuent un rôle non négligeable, ne serait-ce que comme forum de discussion politique. Elle a donc effectivement rempli sa mission d'éducation politique comme le souhaitait Clement Attlee. La passivité qui règne en 1946 fait place à une active participation de la population dans le processus politique grâce à la radiodiffusion des débats. Les électeurs sont désormais mieux informés sur les options qu'on leur présente, plus particulièrement sur l'entrée dans la Confédération et les avantages qu'elle offre.

English version

Vidéos documentaires