Le compromis politique sur les confessions

Après 1832, deux partis politiques s'imposent. Le Parti conservateur est composé d'individus qui sont surtout de confession protestante. Ils sont étroitement liés aux classes administrative et marchande de la colonie. Un bon nombre d'entre eux appartiennent à la branche anglicane. Quant au Parti libéral ou parti de la réforme, il représente surtout la population catholique d'origine irlandaise, et est donc associé à l'Église catholique.

Le sectarisme déjà présent dans l'arène politique culmine au cours de la campagne amorcée vers 1850 sur le thème d'un gouvernement responsable. La campagne du Parti libéral repose sur cette proposition. Un tel régime politique offrirait au parti et à ses partisans un accès au favoritisme gouvernemental et au pouvoir. C'est en fait une lutte de pouvoir entre les gens qui en disposent et ceux qui en sont écartés. Cet enjeu permet aux Libéraux d'obtenir l'appui de nombreux méthodistes qui se sentent eux aussi exclus du pouvoir. Craignant d'ailleurs une perte d'influence et de pouvoir, le Parti conservateur rejette la notion de gouvernement responsable. Il affirme même que sous un gouvernement libéral, c'est plutôt le palais épiscopal qui règnera. Plusieurs débats animés accompagnent la répartition des sièges en fonction de l'affiliation confessionnelle dans une Chambre d'assemblée comportant un nombre accru de députés. En exigeant son propre réseau scolaire, l'Église anglicane ne fait qu'envenimer les querelles sur l'éducation.

En 1855, la colonie a droit au gouvernement responsable avec à sa tête le Parti libéral. À peine quelques années plus tard, le Parti libéral ne peut plus compter sur le soutien des méthodistes. Il comprend alors que l'étiquette de parti " catholique " et 13 élus catholiques sur 30 députés ne suffiront pas à le garder au pouvoir. C'est la principale raison qui sous-tend le compromis politique auquel en sont arrivés les catholiques et les protestants après 1860. Essentiellement, c'est l'instauration d'une règle non écrite qui stipule que chaque gouvernement est formé de représentants des principales confessions.

F. B. T. Carter (1819-1900) s.d.
F. B. T. Carter (1819-1900) s.d.
Élu député conservateur et dans l'opposition en 1855, F.B.T. Carter devient premier ministre en 1865. Partisan de la confédération, il perd son siège en 1869, mais il est réélu et redevient premier ministre en 1874. En 1878, il est nommé à la Cour suprême de Terre-Neuve. Il y est assermenté comme juge en chef cette année-là. Il occupe cette fonction jusqu'à son décès en 1900.
Tiré de Encyclopedia of Newfoundland and Labrador, I, 1981, p. 363. Tirage. Source originale inconnue.

D'importants hommes politiques catholiques rejoignent le Parti conservateur de Frederic Carter en 1865. Les sièges de l'Assemblée législative sont distribués selon les allégeances confessionnelles. Il en va de même pour les postes de la fonction publique, de la Cour suprême aux commis aux douanes et aux opérateurs de traversiers. Chaque confession doit recevoir sa juste part des emplois et du budget salarial. En 1874, chacune d'elles peut enfin administrer son propre système scolaire.

L'antagonisme entre confessions se retrouve ainsi institutionnalisé après 1860. Cette entente implicite prévoit que les membres de chaque confession seront traités justement et équitablement. Cet accord permet d'extirper le sectarisme des partis politiques. Il met fin aux violents désaccords qui marquaient la scène politique avant 1860. Pendant de longues années, la société reste imprégnée de préjugés religieux et politiques. Toutefois, ce compromis a fort probablement empêché la colonie de suivre la voie de l'Ulster. C'est une caractéristique propre au gouvernement responsable de Terre-Neuve. Ses principes sous-jacents ont perduré jusque dans la deuxième moitié du 20e siècle.

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