Les débuts du peuplement à St. John's

St. John's a une longue histoire. Peu importe si Cabot a débarqué ou non dans le havre lors de son voyage de 1497, il est du moins fort probable qu'il ait longé la côte de cette région. Au début du 16e siècle, des Portugais des Açores ont fait des expéditions à Terra Nova (Terre-Neuve) et, dès 1540, Français, Basques et Portugais ont traversé l'Atlantique année après année pour aller pêcher dans les eaux entourant la péninsule d'Avalon.

Carte du monde de Desliens (avec orientation nord) montrant une partie de l'Amérique du Nord, vers 1541
Carte du monde de Desliens (avec orientation nord) montrant une partie de l'Amérique du Nord, vers 1541
Au milieu du 16e siècle, le travail de cartographie se faisait principalement en Normandie et tout particulièrement à Dieppe. La carte du monde de Nicolas Desliens dessinée en 1541 est l'une des premières productions de l'école de Dieppe. En plus de la carte de 1541, deux autres cartes du monde, créées en 1566 et en 1567, sont attribuées à ce cartographe.
Tiré de Découverte et évolution cartographique de Terre Neuve et des pays circonvoisins 1497-1501-1769: essais de géographie historique et documentaire, de Henry Harrisse, Londres, Henry Stevens, Son & Stiles, 1900.

Il est fait mention de « St. Jehan » sur la carte du monde de Desliens dessinée en 1541 et de « San Joham » dans l'Atlas de Joào Freire daté de 1546. Lorsque John Rut a visité St. John's en 1527, il a croisé des bateaux normands, bretons et portugais. En 1583, sir Humphrey Gilbert notait que 16 bateaux anglais ainsi que 20 vaisseaux français et portugais utilisaient le port et, en 1620, les pêcheurs du sud-ouest de l'Angleterre (West Country) avaient déjà chassé les autres nations de la plus grande partie de la côte est. Puisque les Béothuks ne semblent pas avoir fréquenté régulièrement la péninsule d'Avalon, au sud de la baie Trinity, l'histoire ancienne de St. John's est essentiellement celle d'une présence européenne de plus en plus grande à la fin du 16e siècle grâce à la prédominance des pêcheurs anglais du West Country et, au 17e siècle, à l'installation des premières colonies par des pêcheurs venus de cette même région de l'Angleterre.

Détail de la carte du monde de Desliens, vers 1541
Détail de la carte du monde de Desliens, vers 1541
Détail de Terre-Neuve et de « St. Jehan » (indiqué par la flèche et le texte en vert).
Tiré de Découverte et évolution cartographique de Terre Neuve et des pays circonvoisins 1497-1501-1769: essais de géographie historique et documentaire, de Henry Harrisse, Londres, Henry Stevens, Son & Stiles, 1900. Texte et flèche en vert ajoutés par Duleepa Wijayawardhana, 1998.

L'établissement de la colonie

En 1627, William Payne, qui avait tenté d'y installer une colonie, qualifiait St. John's de « parcelle de terre principale par excellence de tout le pays » [Traduction libre]. À cette époque, on trouvait à St. John's des « plantations » (les établissements des habitants) et « quelques maisons déjà bâties » qui dataient probablement de la décennie précédente. Malheureusement, il subsiste peu de documents pour nous éclairer au sujet des activités de Payne et de ses associés John Slany et sir Percival Willoughby.

La population résidente a augmenté lentement au cours du 17e siècle, mais St. John's était de loin la plus grande colonie de la côte anglaise lorsque des officiers de la Marine royale britannique ont commencé à faire les premiers recensements vers 1675. La plupart des 29 habitants-pêcheurs chefs de famille enregistrés en 1680 ont déclaré qu'ils étaient à St. John's depuis de nombreuses années et plusieurs ont même affirmé qu'ils y étaient nés. Contrairement à ce que certains historiens ont laissé entendre, il y a lieu de croire que les habitants-pêcheurs de cette époque étaient bel et bien établis à cet endroit et qu'ils n'étaient pas de simples visiteurs de passage. Les premiers recensements dénombraient les chefs de famille qui possédaient une propriété, mais ne tenaient pas compte de tous les autres. Ainsi, le rapport indiquant qu'environ 50 à 60 familles vivaient à St. John's en 1674 ne tenait peut-être pas compte de tous ceux qui auraient dû être recensés.

Les recensements parvenus jusqu'à nous

Les recensements qui ont traversé les siècles sont des mines d'or d'information à propos des conditions matérielles et de la population de l'époque. Le recensement de William Poole de 1677 est particulièrement détaillé. Chaque plantation avait une maison d'habitation, un chafaud (remise en bois prolongée d'un quai où les pêcheurs entreposaient le sel et apprêtaient le poisson), des vigneau ainsi que des cuves pour garder les foies de morue dans le but de récupérer l'huile. En plus de ces structures, on comptait 80 logis pour le personnel. La plupart des habitants-pêcheurs avaient un potager et gardaient des cochons tandis que d'autres élevaient du bétail. Il y avait aussi quelques moutons et chevaux.

Chaque été, la population augmentait avec l'arrivée des pêcheurs spécialisés dans la pêche migratoire. En 1680, par exemple, 24 bateaux de pêche (la plupart de Dartmouth, dans le sud du Devon) ont installé des installations de transformation du poisson (les fishing rooms) à St. John's. Au moins 600 hommes ont débarqué dans le port pour veiller aux différentes tâches nécessaires sur plus de 120 bateaux de pêche destinés aux eaux côtières. De plus, 42 gardiens de bye-boats, petits bateaux ouverts destinés à la pêche migratoire, employaient environ 450 hommes et 100 bateaux. Enfin, on doit aussi compter les 33 sack ships venus acheter du poisson à St. John's dans le but de le vendre ensuite à l'étranger, principalement en Espagne et au Portugal.

Les premiers véritables ouvrages défensifs de la ville ont probablement été érigés pour des raisons commerciales à la suite de la prise temporaire de St. John's par l'amiral néerlandais de Ruyter en juin 1665. De toute façon, les habitants ont été en mesure de repousser une seconde attaque néerlandaise en 1673. Le gouvernement britannique a commencé à planifier les fortifications vers 1689, mais ce sont les résidents qui ont dû veiller à l'érection des fortifications locales jusqu'en 1693. Le gouvernement a assuré le financement des fortifications à la suite de la reprise de la ville de St. John's par les Anglais, et ce, après que les Français eurent pris et détruit la ville à la fin de 1696. Les Français ont attaqué de nouveau St. John's en 1705 et en 1708 et ont dévasté des structures civiles par le feu. Le port est resté fortifié pendant la plus grande partie du 18e siècle.

Le 18e siècle a été le théâtre de changements majeurs à Terre-Neuve, notamment la croissance de la population, la construction d'églises, le renforcement des liens commerciaux avec l'Amérique du Nord et le développement de la pêche au phoque et au saumon de même que celle effectuée sur les bancs. La ville de St. John's s'est développée lentement et, au début des années 1790, elle comptait 3250 âmes. Encore à cette époque, elle était surtout considérée comme une station de pêche, mais elle était également une garnison, un centre gouvernemental et une plaque tournante de plus en plus importante pour le commerce.

English version