Archéologie et présence des Béothuks à Ferryland

Au milieu des années 1980, un fragment d'un couteau en pierre et plusieurs petits éclats de pierre ont été repérés dans l'une des couches les plus profondes d'un site archéologique à Ferryland. Les archéologues ont réalisé que ceux-ci provenaient des Autochtones et ils ont conclu qu'ils avaient probablement été fabriqués par les Béothuks. Toutefois, puisqu'ils n'ont pas trouvé de petites pointes de flèches en pierre ni d'autres artefacts caractéristiques des autres sites béothuks de Terre-Neuve, il leur a alors été impossible d'identifier formellement, à ce moment-là, les premiers habitants de Ferryland. Cette situation allait toutefois changer lors de futures fouilles archéologiques.

Artefacts béothuks, début du 16e siècle
Artefacts béothuks, début du 16e siècle
Des fouilles archéologiques menées à Ferryland au cours des années 1990 ont permis de découvrir plusieurs petites pointes de flèches en chert (silexite) ainsi qu'un gros couperet ou hachoir. Ces artefacts ont été trouvés lors de la mise au jour de foyers béothuks.
Avec la permission du Département d'archéologie, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Au moment de la reprise des fouilles dans les années 1990, l'un des objectifs était de mettre entièrement au jour une forge de pierre découverte au milieu des années 1980. Une fois le travail terminé, les archéologues ont continué de creuser sous la couche du plancher de la forge à travers des couches de pierres et d'ordures laissées par les visiteurs européens d'Avalon. C'est à une profondeur de plus de 1,2 mètre (3,9 pieds) sous la couche liée à l'occupation des années 1620 qu'ils ont pu atteindre la couche originelle de la plage de sable.

À la surprise générale, la plage était jonchée de petits foyers fabriqués avec des pavés provenant des lieux mêmes qui avaient été empilés sommairement en cercles ayant jusqu'à 1 mètre (3,28 pieds) de diamètre. Beaucoup de pierres s'étaient brisées en fragments anguleux sous l'effet de la chaleur. Les foyers contenaient une grande quantité de charbon de bois, de parcelles de déchets alimentaires brûlés, d'os et de graines, de fragments de la fabrication d'outils en pierre et, enfin, quelques pointes de flèche typiques de celles qui avaient été déterrées ailleurs sur d'autres sites béothuks. Aucun reste de bâtiments à ossature de bois ou semi-souterrains comparables à ceux qui avaient été découverts sur d'autres sites béothuks n'a pu être trouvé. Par conséquent, il est fort probable que l'occupation béothuque n'ait consisté qu'en une série de visites de courte durée effectuées par un ou quelques petits groupes de chasseurs et, peut-être, leurs familles.

Aux outils en pierre et aux déchets laissés par les Béothuks étaient mêlés des tessons de poterie manifestement d'origine européenne et datant de la première moitié du 16e siècle.

Fragments de poterie européenne, début du 16e siècle
Fragments de poterie européenne, début du 16e siècle
Ces fragments provenant d'un vase à deux anses ont été trouvés dans les couches les plus profondes du site archéologique. Ce vase d'origine portugaise (de type Merida) a été découvert dans la même couche que les restes des foyers béothuks. Les fragments datent du début du 16e siècle.
Avec la permission du Département d'archéologie, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Étant donné que les débris et artefacts européens et béothuks ont été retrouvés dans la même couche, il est justifié de se demander si ces deux groupes se sont déjà rencontrés. Nous ne pouvons répondre à cette question avec certitude, mais le fait que certaines graines brûlées récupérées dans les âtres provenaient de raisins non indigènes nous laisse croire que les Béothuks pourraient avoir obtenu des denrées périssables (notamment des raisins) de la part des pêcheurs européens, et ce, peut-être en échange de fourrure ou d'autres produits du Nouveau Monde.

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