Robert Gillespie Reid

Le patriarche de la famille Reid de Terre-Neuve est né le 12 octobre 1842 à Coupar Angus, dans le comté de Perthshire, en Écosse. Il était le fils de Catherine (Gillespie) et de William Robertson Reid. Initié très tôt au métier de maçon grâce à son oncle maternel, Reid a travaillé dans la région de son village natal jusqu'au début de l'âge adulte.

L'émigration

En 1865, Reid a émigré en Australie dans l'espoir de faire fortune dans les champs aurifères. Pendant son séjour, il a rencontré Harriet Duff, sa future femme (ils se sont mariés à Auckland, en Nouvelle-Zélande, au mois d'août de la même année) et il a vite renoncé à l'utopie de la ruée vers l'or pour se consacrer à son véritable métier. Le travail le plus important qu'il a fait en Australie consistait à construire des viaducs en pierre pour un chemin de fer traversant les Blue Mountains (Montagnes bleues) en Nouvelle-Galles-du-Sud. En 1869, il est retourné en Écosse avec sa famille (qui comptait maintenant deux fils, Harry et William) à la suite de la mort de son père.

En 1871, Reid a émigré de nouveau, cette fois en Amérique du Nord, car il était à la recherche d'occasions favorables pour exercer son métier et mettre son expérience au service de grands projets de construction. Il a trouvé du travail en Ontario (selon la tradition familiale d'entrepreneuriat, il aurait fait du travail de maçonnerie sur les édifices du Parlement à Ottawa) et, en 1873, il a fait venir sa famille d'Écosse pour l'installer à Galt (aujourd'hui Cambridge), en Ontario. Reid, qui était alors dans la fleur de l'âge, a travaillé pendant quelques années comme « surveillant de chantiers » pour la société contractante Isbester and Reid, basée à Galt et spécialisée en construction de ponts.

Robert G. Reid (1842-1908), s.d.
Robert G. Reid (1842-1908), s.d.
Reid a émigré au Canada en 1871.
Photographie tirée de Newfoundland Men, de Henry Youmans Mott, Concord (N.H.), Cragg, 1894, p. 267.

À la fin des années 1870, Reid et sa famille ont déménagé en Californie où, pendant quelques années, il a surtout travaillé comme entrepreneur et ingénieur en construisant des ponts sur des tronçons occidentaux difficiles des chemins de fer transcontinentaux américains. En 1883, après avoir construit un pont enjambant le Delaware Water Gap, il s'est acquis une réputation inégalée en tant que constructeur de ponts en terrains difficiles et – fait peut-être encore plus remarquable – en tant qu'entrepreneur fiable qui respectait toujours ses engagements.

Le retour de Reid au Canada

Cette année-là, Reid est retourné au Canada, probablement après avoir été recruté pour travailler pour le Chemin de fer du Canadien Pacifique (CFCP). Quoi qu'il en soit, on lui a rapidement confié des sous-contrats exigeants, en particulier pour la construction d'un pont le long de la rive nord du lac Supérieur. En 1887, il a obtenu du CFCP son premier contrat pour la construction d'une ligne secondaire complète de 140 km à Sudbury. Ce contrat lui a aussi donné l'occasion de travailler pour la toute première fois avec un de ses fils, William, alors âgé de 20 ans. Au cours des années suivantes, ses trois fils se sont impliqués personnellement dans l'entreprise.

Si Reid a eu envie de relever de nouveaux défis jusqu'à un âge mûr, c'est notamment grâce à la fidélité et à la loyauté d'un noyau d'employés dont faisaient partie plusieurs de ses compatriotes écossais originaires du comté de Perthshire. R.G. Reid a connu le succès et la prospérité avant même avant de s'impliquer dans la construction du chemin de fer de Terre-Neuve. Il a installé confortablement sa famille à Montréal, la ville où se trouvait également le quartier général du Canadien Pacifique.

En 1890, l'année où il s'est impliqué pour la toute première fois à Terre-Neuve, Reid a obtenu le contrat pour achever la construction du Chemin de fer Intercolonial à l'île du Cap-Breton. C'est au moment de superviser une étape cruciale de la construction du pont de Grand Narrows qu'il a contracté le rhumatisme, une maladie dégénérative qui allait l'affecter pendant tout le reste de sa vie (il n'avait pas encore 50 ans).

La construction du chemin de fer de Terre-Neuve

Reid a d'abord présenté une soumission au gouvernement pour la construction d'un chemin de fer entre Whitbourne et Halls Bay, en partenariat avec George H. Middleton. Deux ans plus tard, en 1892, Middleton s'est retiré du partenariat pour des raisons personnelles. Maintenant qu'il avait suffisamment confiance en ses deux fils aînés, Reid a accepté de se consacrer davantage à l'administration interne de l'entreprise. Il passait la plus grande partie de l'année entre Montréal et la Californie et comptait sur les employés les plus anciens pour épauler ses jeunes fils dans la gestion quotidienne de la construction du chemin de fer à Terre-Neuve.

Robert Reid et des travailleurs de la construction, vers 1892
Robert Reid et des travailleurs de la construction, vers 1892
Reid (au centre) en compagnie de travailleurs de la construction au Camp 3 (quartier général des travaux de construction en 1892), le long du chemin de fer près de Southern Harbour.
Photographie tirée de la collection A.R. Penney. Avec la permission de Harry Cuff Publications.

En 1893, Reid s'est impliqué plus activement dans les affaires de Terre-Neuve au moment de la négociation d'un nouveau contrat visant à prolonger la ligne jusqu'à Port aux Basques. Puis, en 1895, le gouvernement de Terre-Neuve étant au bord de la ruine à la suite de la faillite bancaire de 1894 et craignant que les obligations avec lesquelles il était payé perdent leur valeur, Reid a incité le gouvernement à favoriser l'intégration de Terre-Neuve au sein de la Confédération canadienne. Il s'est par ailleurs servi de sa fortune et de son influence pour obtenir de l'aide pour la colonie pendant cette crise. Il a contribué entre autres à ce que la Banque de Montréal, avec laquelle il faisait affaire, vienne à Terre-Neuve pour aider à démêler le désordre occasionné par la faillite bancaire.

En 1897-1898, à la veille de l'achèvement de la ligne de chemin de fer, Reid se demandait si l'exploitation de celui-ci serait toujours possible. Il était préoccupé entre autres par le fait que des milliers d'acres de terres longeant la voie ferrée lui avaient été concédés par contrat par le gouvernement. Ses fils souhaitaient quant à eux qu'une fois la construction terminée, leur famille s'implique à long terme à Terre-Neuve afin d'utiliser ces terres pour créer un nouvel empire commercial. C'est ce qui a mené à la signature du contrat de 1898 relatif au chemin de fer, lequel avait été négocié par William et Harry Reid pendant que leur père passait l'hiver en Californie.

La famille Reid et la politique

Au moment où il a accepté ce contrat, R.G. Reid semblait accablé par la controverse politique qui s'est ensuivie et la révision du contrat qu'il a été forcé d'accepter en 1901. Après une carrière au cours de laquelle ses talents d'ingénieur et sa droiture en affaires avaient récolté succès et éloges, il était consterné par les propos malveillants de ceux qui contestaient le contrat de 1898. Bien qu'il ait continué à soutenir ses fils dans la plupart des affaires de l'entreprise familiale, il était consterné par la grande animosité personnelle entre William et le premier ministre, sir Robert Bond. Il était totalement en désaccord avec la décision de ses fils de faire campagne contre Bond pendant la campagne électorale de 1904. En 1905, Reid a proposé de vendre au gouvernement le chemin de fer et les activités de sa famille à Terre-Neuve, mais Bond a décliné son offre.

Sa mort

Sir R.G. Reid est décédé dans sa maison de Montréal le 3 juin 1908 (il a reçu le titre de chevalier le jour du Nouvel An en 1907). Dans son testament, il a ordonné que ses parts dans la Reid Newfoundland Company soient « réalisées et liquidées le plus tôt possible » et il a conseillé à ses fils de n'«investir aucune partie de ma succession dans quelque investissement spéculatif ou hasardeux que ce soit à Terre-Neuve ou ailleurs ». [Traduction libre]

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