Les mines d'amiante de Baie Verte

On extrait de l'amiante dans l'île de Terre-Neuve depuis l'ouverture de deux petites mines aux environs de la baie des Îles et de la péninsule de Port-au-Port, sur la côte ouest dans les années 1890. Dès le départ, le transport des matériaux et de l'équipement nécessaires s'est révélé problématique. De plus, dans le contexte litigieux lié au traité du French Shore, la France aura disputé la légitimité de ces activités industrielles dans l'ouest de l'île, créant un climat d'incertitude chez les investisseurs et les entrepreneurs. En 1896, comme on n'avait exporté que de petites quantités de minerai, les activités d'extraction ont été abandonnées.

Découvert en 1955, le gisement d'amiante de Baie Verte va être exploité à ciel ouvert par Advocate Mines, une filiale du consortium Johns-Manville Company, à compter de 1963.

Mine d'amiante Advocate, Baie Verte, vers 1980
Mine d'amiante Advocate, Baie Verte, vers 1980

Avec la permission du ministère des Ressources naturelles, St. John's, T. N. L.

L'amiante est un minerai fibreux et cristallin utilisé pour la fabrication de nombreux produits, et en particulier d'articles ignifuges comme les garnitures de freins. Les principaux marchés de l'amiante de Baie Verte étaient en Europe occidentale et en Amérique du Sud. La mine aura employé jusqu'à 550 travailleurs.

Problèmes de santé et de sécurité du travail

Durant les années 1970, on a commencé à soupçonner que l'extraction et le broyage de l'amiante étaient nocifs pour la santé des travailleurs, nombreux à être atteints du cancer, d'affections pulmonaires et d'autres maladies graves. Le syndicat, une section locale de l'United Steel Workers of America, a réclamé des améliorations sur le plan de la santé au travail. En 1976, le syndicat a réussi à faire venir à Baie Verte le Dr Irving J. Selikoff, un spécialiste de renommée mondiale, pour qu'il examine 485 des travailleurs de la mine et de l'usine, soit 97 p. 100 de l'effectif. Publié en 1977, le rapport Selikoff confirmait que 10 p. 100 des travailleurs examinés souffraient d'une maladie associée à l'amiante, et que nombre d'autres, exposés longtemps ou intensivement à ce minéral, allaient aussi être atteints de diverses maladies professionnelles dans les années subséquentes.

Le rapport Selikoff a été publié au moment où la mine et le syndicat étaient en négociation contractuelle. Faisant du rapport la pièce maîtresse des revendications, le syndicat a exigé que la compagnie et le gouvernement appliquent ses recommandations : surveillance étroite et régulière du taux de fibres d'amiante dans l'air; établissement de normes d'empoussièrement plus sécuritaires; adoption de pratiques et d'installations susceptibles de limiter l'exposition aux fibres (par ex. des douches et des lave-autos); et strict contrôle de la poussière de l'énorme tas de rebuts adjacent à la mine, qui était souvent transportée par le vent sur la ville, le système d'approvisionnement en eau et les routes des environs.

Refusant de satisfaire à ces demandes, la compagnie a protesté que de telles mesures d'hygiène et de sécurité étaient inutiles et menaçaient la viabilité financière de la mine, rompant effectivement les négociations. Le ministre des Mines de l'époque (et futur premier ministre provincial), A. Brian Peckford, a adopté une position similaire, disant que l'intransigeance sur ces questions menaçait la survie de la mine.

Mines Advocate, vers 1975
Mines Advocate, vers 1975
Sur l'affiche, on peut lire : « Advocate Mines Limited : le plus grand producteur de fibre d'amiante à Terre-Neuve. »

Avec la permission du ministère des Mines et de l'Énergie, St. John's (T. N. L.)

Le syndicat et l'employeur restant campés sur leurs positions, les mineurs ont déclaré la grève. Ponctué de manifestations populaires, ce conflit de travail devait durer 14 semaines. Les femmes de la région y ont joué un rôle particulièrement actif, organisant et animant marches et manifestations à l'appui des demandes du syndicat. Éventuellement, la compagnie a cédé sur nombre de points et apporté quelques améliorations aux conditions de travail et de vie. La grève des mineurs de Baie Verte a été importante de bien des points de vue, ne fût-ce que pour avoir été une des premières grèves au Canada presque uniquement motivée par des facteurs de santé et de sécurité du travail.

Fermeture de la mine

Toutefois, en 1980, la mine de Baie Verte éprouvait de nouveaux problèmes. Bien que ses réserves d'amiante aient été jugées encore considérables, il restait peu du minerai à teneur plus élevée qu'on avait extrait aisément à ciel ouvert. De plus, les marchés se rétrécissaient, le grand public étant mieux informé des risques associés aux produits de l'amiante et celle-ci étant remplacée par d'autres minéraux. La mine Advocate a été fermée en 1981.

Affiche sur la sécurité de Baie Verte Mines, vers 1985
Affiche sur la sécurité de Baie Verte Mines, vers 1985
L'affiche indique 0 heure depuis le dernier accident avec perte de temps.

Avec la permission du ministère des Mines et de l'Énergie, St. John's (T. N. L.)

La mine d'amiante de Baie Verte a été rouverte en 1982 par Transpacific Asbestos Limited, qui l'a exploitée sous le nom de Baie Verte Mines Limited. En 1990, des difficultés liées aux marchés et à l'accessibilité, conjuguées à toutes sortes de problèmes sanitaires et juridiques, ont de nouveau entraîné la fermeture de la mine.

English version

Vidéo: Mining in Pre-Confederation Newfoundland (en anglais seulement)