Mécanisation de l'industrie forestière depuis la Confédération

Les progrès technologiques durant la deuxième moitié du 20e siècle ont révolutionné l'exploitation commerciale des forêts à Terre-Neuve-et-Labrador. D'une récolte manuelle des arbres au moyen de haches, de scies à bûches et de traîneaux tirés par des chevaux, l'industrie est passée à un système mécanisé reposant de plus en plus sur des équipements complexes d'abattage, d'ébranchage et de transport des arbres de la forêt jusqu'au site de l'usine. Dans les années 1970, presque chaque pièce d'équipement utilisée par les bûcherons avant l'union avec le Canada avait été remplacée.

Premiers jours de l'exploitation commerciale des forêts

L'utilisation à des fins commerciales des forêts de Terre-Neuve et du Labrador a débuté durant la deuxième moitié du 19e siècle, lorsque le gouvernement a offert des concessions de terres à bois à des exploitants de scieries et d'usines de pâtes et papiers. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, deux sociétés dominaient l'industrie forestière : la Bowaters, à Corner Brook, et l'Anglo-Newfoundland Development Company (AND) à Grand Falls.

La plupart des bûcherons étaient des employés contractuels saisonniers pour ces sociétés : pêcheurs durant l'été, ils devenaient bûcherons l'automne venu. Jusque dans les années 1950, les bûcherons de Terre-Neuve et du Labrador se servaient de scies à bûches (sorte de scie manuelle fixée à un cadre) et de haches pour abattre les arbres. Avec des traîneaux halés par des chevaux, ils transportaient ensuite les billes au bord d'une rivière ou d'un lac, pour flotter le bois jusqu'à l'usine à la faveur de la crue printanière.

L'adoption de la scie à chaîne (tronçonneuse) vers le milieu des années 1950 allait transformer ce système. Au lieu d'abattre les arbres à la scie à bûches et de les ébrancher à la hache, les bûcherons ont pu effectuer les deux tâches avec le même outil. La scie à chaîne exigeait moins d'efforts physiques et permettait aux bûcherons de travailler plus vite. Plutôt que deux cordes de bois à l'ancienne manière, ils pouvaient désormais en récolter jusqu'à quatre cordes par jour.

La plupart des bûcherons ont découvert la scie à chaîne en 1954, lorsque des vendeurs itinérants ont commencé à visiter les camps pour leur en faire la démonstration. Même s'ils devaient les payer de leur propre poche, ces machines étaient relativement bon marché à l'origine (entre 200 $ et 250 $). Il s'agissait du tiers environ des revenus moyens d'un bûcheron durant sa saison en forêt. Souvent, les entrepreneurs achetaient ces équipements pour leurs employés, qui les remboursaient ensuite par des déductions salariales mensuelles.

Véhicules motorisés

Même si tracteurs et camions sont d'abord apparus dans les chantiers d'abattage durant les années 1940, ce n'est que durant la décennie suivante qu'ils ont remplacé les traîneaux tirés par des chevaux et le flottage comme principal moyen de transport du bois jusqu'aux usines. À la différence des méthodes traditionnelles, ces véhicules pouvaient servir par tous les temps et couvrir de longues distances en relativement peu de temps.

Au départ, des tracteurs halaient les billes du chantier d'abattage à une route voisine, où des travailleurs les chargeaient sur des camions. Vers le milieu des années 1950, il était devenu assez courant que des camions prennent le bois directement au chantier pour le livrer à l'usine, éliminant le recours au tracteur. S'il sauvait du temps, ce nouveau système exigeait que les travailleurs aménagent des routes de qualité suffisante jusqu'au chantier d'abattage, ce qui causait souvent la destruction d'une superficie inacceptable de forêt et réduisait la quantité de bois qu'ils pouvaient en extraire.

Pour remédier à cette situation, les sociétés ont fait entrer durant les années 1960 un nouveau véhicule dans le processus d'exploitation forestière. Nommée débusqueuse à roues, cette machine à quatre roues motrices aux allures de tracteur utilisait une pince de débardage ou un câble pour haler ensemble jusqu'à une douzaine d'arbres entiers hors de la forêt. Elle pouvait franchir des terrains raboteux et fonctionner dans la neige, la pluie et presque n'importe quelle condition du temps.

Une équipe de cinq bûcherons était affectée à chaque débusqueuse : deux abatteurs pour couper et ébrancher les arbres, un conducteur pour les charger et les conduire jusqu'à la route, et deux tronçonneurs pour scier les arbres à la longueur désirée et les charger sur les camions. Ce système allait révolutionner l'exploitation des forêts. Les bûcherons n'étaient plus engagés dans toutes les étapes de la récolte; à la place, ils agissaient en unités distinctes et spécialisées, constituant une forme de chaîne d'assemblage. Selon le relief du chantier, une telle équipe pouvait récolter de 15 à 30 cordes de bois par jour, soit de trois à six cordes par travailleur.

Progrès de la mécanisation

Avec les années et les décennies, l'industrie forestière s'est mécanisée encore davantage, les sociétés recourant à des machines de plus en plus sophistiquées pour ébrancher, écorcer, soulever, charger et tronçonner les arbres. Ainsi, la tronçonneuse circulaire multiple a suivi de peu la débusqueuse, remplaçant les humains pour le sciage des arbres abattus et leur chargement sur les camions; une seule de ces machines pouvait travailler pour 10 à 15 débusqueuses et tronçonner jusqu'à 300 cordes de bois par jour en deux quarts de neuf heures..

Certains travailleurs forestiers considèrent que la véritable mécanisation de l'exploitation forestière à Terre-Neuve-et-Labrador n'a commencé qu'à la fin des années 1970, au moment de l'introduction de l'abatteuse-porteuse. Ces énormes machines, encore utilisées de nos jours, ressemblent à des tracteurs, mais possèdent un grand bras articulé qui peut à la fois agripper et couper les arbres au moyen d'une scie mécanique; le bras articulé charge ensuite l'arbre sur une plate-forme à l'arrière, pour ensuite passer à l'arbre suivant.

L'abatteuse-porteuse a été suivie par divers autres équipements de coupe du bois, notamment par l'abatteuse-empileuse (qui empile le bois à terre plutôt que sur une benne), par l'abatteuse-façonneuse à tête multifonctionnelle (une machine automotrice qui peut couper un arbre, l'ébrancher et le tailler en des longueurs prédéterminées), par l'ébrancheuse-écorceuse-déchiqueteuse et par l'ébrancheuse-tronçonneuse (qui peut enlever les branches d'un arbre et le tailler en morceaux).

De nos jours, les bûcherons de la province récoltent les arbres par des procédés manuels et mécaniques. Les équipements mécaniques sont souvent utilisés dans les sites plus productifs et tendent à gaspiller moins de bois que les équipes de travailleurs manuels (Young 1996), tandis que la coupe manuelle est plus efficace en terrain accidenté ou abrupt. En date de 2007, des systèmes mécaniques récoltaient 60 p. 100 de tout le bois sur les terres publiques (terres de la Couronne), et 95 p. 100 du bois sur les terres appartenant à des sociétés, essentiellement à Abitibi Consolidated et à Corner Brook Pulp and Paper Limited. Bien que certaines machines aient disparu de l'exploitation forestière depuis, notamment l'ébrancheuse-écorceuse-déchiqueteuse, plusieurs autres sont toujours utilisées, comme la débusqueuse, l'abatteuse-façonneuse à tête multifonctionnelle, l'abatteuse-porteuse, l'abatteuse-empileuse et l'ébrancheuse-tronçonneuse.

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