La grève des mineurs de Buchans en 1941

En 1941, la Buchans Workmans' Protective Union (BWPU) a présenté à la société Buchans Mining Company (BMC) une liste de 41 doléances traitant de divers problèmes, dont les salaires, les conditions de vie et la sécurité dans la mine. Le 8 août, à la surprise des travailleurs et des dirigeants syndicaux, le chef adjoint de la Force constabulaire de Terre-Neuve est arrivé à Buchans en compagnie de 75 officiers pour signifier aux hommes une ordonnance d'injonction les contraignant à retourner au travail.

Buchans, 1985
Buchans, 1985
Vue aérienne du site original de la mine ASARCO (American Smelting and Refinery Company) de Buchans, T.-N.-L.
Avec la permission du ministère des Mines et de l'Énergie, St. John's, T.-N.-L., © 1985.

L'injonction a été émise en vertu de la Emergency Powers (Defence) Act (1940) et des Defence (Control and Conditions of Employment and Disputes Settlement) Regulations (1941). Ces mesures spéciales adoptées en temps de guerre avaient pour but d'éviter ou d'abréger les conflits de travail qui menaçaient de ralentir la production des biens et services en période de conflit.

Conformément à la réglementation de 1941, un comité chargé des conflits de travail est arrivé à Buchans le 15 août et les hommes ont dû retourner au travail. Jusque-là, il n'y avait jamais eu de perturbations ou d'affrontements importants, mais la grogne a fini par exploser et le conflit semblait imminent lorsque dix organisateurs syndicaux ont été appelés à comparaître même si l'ordonnance de retour au travail avait été respectée. La Couronne a finalement retiré les accusations et le comité chargé des conflits de travail, le syndicat et la société BMC ont entrepris de négocier les questions non réglés.

Ordonnance officielle de la Cour, 1941
Ordonnance officielle de la Cour, 1941
Une ordonnance officielle de la Cour a été envoyée à un gréviste - William Hennessey - afin qu'il comparaisse devant la cour des magistrats.
Avec la permission de la Red Indian Lake Development Association. Tiré de Khaki Dodgers: The History of Mining and the People of the Buchans Area (Red Indian Lake Development Association, ©1992).

Les risques d'accident au travail

Le comité a ignoré ou rejeté les revendications des mineurs à propos de nombreux problèmes liés à la sécurité dans les mines. Par exemple, quand les mineurs alléguaient que c'était pratique courante pour les hommes de travailler seuls sous terre sans que leurs compagnons puissent les voir ni les entendre, le tribunal a stipulé qu'il s'agissait d'un fait sans importance.

Les mineurs ont aussi exhorté la société de cesser de sous-traiter les travaux de boisage de la mine (érection de lourdes structures de bois servant à renforcer les murs et les plafonds). Ils affirmaient qu'étant donné que les équipes de boisage étaient rémunérées selon leur rendement, le travail était souvent effectué à la hâte, ce qui rendait les conditions dangereuses sous terre. Le tribunal n'a fait aucune recommandation à ce sujet.

Des mineurs de Buchans travaillant sous terre, 1955
Des mineurs de Buchans travaillant sous terre, 1955
Deux mineurs de fond transportant des explosifs dans la mine de Buchans.
Avec la permission du ministère des Mines et de l'Énergie, St. John's, T.-N.-L., © 1955.

Les conditions de vie

Le syndicat a aussi présenté plusieurs revendications concernant les conditions de vie dans la collectivité ouvrière, y compris des plaintes à propos des piètres conditions dans les secteurs d'habitation et du nombre insuffisant de réseaux d'égouts. À ce propos, le tribunal a acquiescé aux arguments de la société BMC voulant que de telles réparations et améliorations seraient injustifiées à cause de la courte durée de vie de la mine – celle-ci devait fermer en 1946.

Le syndicat a aussi fait pression pour qu'il y ait plus de concurrence commerciale dans la collectivité afin de mettre fin au monopole du magasin appartenant à la société minière. Le tribunal a statué que celle-ci était en mesure d'évaluer si la ville pouvait accueillir ce type de concurrence.

L'établissement commercial Royal Stores, Buchans, vers 1940
L'établissement commercial Royal Stores, Buchans, vers 1940
Une des réclamations présentées à la société minière de Buchans concernait le manque de concurrence commerciale dans la région. Les mineurs étaient obligés de faire leurs achats dans les magasins appartenant à la société BMC.
Avec la permission de la Red Indian Lake Development Association. Tiré de Khaki Dodgers: The History of Mining and the People of the Buchans Area (Red Indian Lake Development Association, ©1992).

Les salaires

Le tribunal s'est toutefois montré plus conciliant à propos du problème des salaires. Les travailleurs réclamaient une augmentation de 10 cents l'heure de plus que les 37 à 39 cents qu'ils recevaient à l'époque, et la société BMC a proposé une hausse de 5 cents l'heure. Le syndicat demandait aussi que les travailleurs soient payés à temps et demi après neuf heures de travail et que le dimanche soit payé en temps supplémentaire. La société a refusé ces demandes en affirmant que sa situation financière l'en empêchait.

Après avoir examiné le problème des horaires, le tribunal s'est dit étonné qu'une journée de travail moyenne était de 14 heures, ce qu'il a attribué finalement à l'isolement de la collectivité. Le tribunal a recommandé que, à la lumière de l'inflation sévissant en temps de guerre, les mineurs devraient recevoir une indemnité compensatrice du coût de la vie de 67 cents par jour (une augmentation d'environ 7 ½ cents l'heure après une journée de travail de neuf heures). Les représentants de la société BMC, le syndicat et le gouvernement devaient réviser les problèmes liés au coût de la vie tous les trois mois et faire des recommandations appropriées fondées sur leurs observations.

De plus, le tribunal a recommandé que le travail effectué après une journée de neuf heures devait être considéré dorénavant comme du temps supplémentaire payé à temps et demi. Une vérification des livres comptables ayant démontré que 1940 avait été une année record pour la société BMC, celle-ci pouvait difficilement rejeter ces recommandations.

Les conséquences de la grève

Du point de vue des travailleurs et de leurs familles, la grève qui a eu lieu à Buchans en 1941 – et son règlement par le comité chargé des conflits de travail – a obtenu un succès mitigé. D'une part, les recommandations concernant les salaires et le temps supplémentaire leur ont été manifestement profitables même s'ils n'ont pas eu gain de cause pour toutes leurs demandes initiales. D'autre part, l'enquête du tribunal a permis de mettre en lumière des conditions et des pratiques de travail inconnues du public jusque-là.

Toutefois, rien n'a été fait – ou peu de choses – pour régler les autres problèmes. La sécurité, les conditions de vie et le contrôle exercé par la société ont continué d'être des préoccupations importantes pour les travailleurs et ces problèmes allaient persister pendant toute la durée de la vie de l'industrie minière et de la ville.

English version

Vidéo: Mining in Pre-Confederation Newfoundland (en anglais seulement)