La famille Reid

Robert Gillespie Reid

Robert Gillespie Reid et ses descendants ont laissé leur empreinte sur de nombreux pans de la vie commerciale, politique et sociale à Terre-Neuve. La famille Reid venait du comté de Pertshire, en Écosse. Robert G. Reid (1842-1908) y est né dans le village de Coupar Angus, d'un père propriétaire d'une toilerie. Les Reid de Coupar Angus étaient une race fière d'artisans animés d'une éthique fondée sur le travail, les convenances, la religion et la famille. C'est dans ce cadre que Robert Reid a fait son apprentissage avec son oncle maternel, maçon dans un village voisin.

En 1865, Reid a quitté l'Écosse pour aller prospecter les champs aurifères d'Australie, rencontrant en chemin sa future épouse, Harriet Duff. Au décès de son père, Robert rentrait à Coupar Angus avec deux fils : William (1867-1924) et Harry (1869-1929). En 1871, la famille émigrait à nouveau, cette fois au Canada. Reid s'est vite mis au travail, construisant des ponts ferroviaires un peu partout en Amérique du Nord. Il a d'abord installé sa famille à Galt (Ontario), puis à Montréal, où devaient naître sa fille Lois et son fils cadet, Robert Gillespie Reid Jr. (1875-1947). À compter de 1883, R. G. Reid s'est installé à Montréal, agissant comme entrepreneur pour la compagnie Canadian Pacific Railway.

En 1887, accompagné de son fils aîné, Reid a conclu un contrat de construction d'un chemin de fer de Sault-Ste-Marie à Algoma. Ses deux aînés allaient devenir des « contremaîtres de chantier » chevronnés dans tous les rouages des travaux ferroviaires. S'il restait aux commandes, Reid père comptait de plus en plus sur leur expérience et leur jugement en affaires. R. G. Reid s'était attiré la fidélité de nombreux employés dévoués, dont plusieurs étaient aussi des Écossais du Pertshire émigrés au Canada.

Lorsque R. G. Reid et G. H. Middleton ont signé en 1890 leur premier contrat de construction à Terre-Neuve, William était devenu le bras droit de son père. À la différence de William, direct et aisément irrité, Harry possédait une réserve qui masquait, sans la dissimuler, une vision à plus long terme. Après s'être joint à ses frères en 1895, Robert, le cadet, s'est vite fait connaître dans les cercles sportifs de Terre-Neuve, en plus d'agir avec compétence comme chef des opérations. Avec un père incrusté à Montréal, déjà riche mais souvent malade, les trois frères constituaient, à la fin de la construction du chemin de fer en 1898, le visage public de l'empire des Reid à Terre-Neuve.

William Duff Reid (1867-1924), s.d.
William Duff Reid (1867-1924), s.d.
William aura été l'associé le plus important de son père dans les activités des Reid à Terre-Neuve.
Tiré de The Fisheries and Resources of Newfoundland, de Michael E. Condon, St. John's, 1925, p. 308.

Le contrat ferroviaire de 1898, négocié en grande partie par William mais signé par Harry, mandataire de son père, reflétait l'intérêt des frères Reid pour le développement économique de Terre-Neuve. Les fils poursuivaient la vision de leur père sur le potentiel des terres concédées à leur famille, desservies par un chemin de fer construit non seulement par leur propre labeur, mais aussi par celui de nombre de précieux serviteurs.

Présidence de William Reid

Il ne fait aucun doute que William Reid aura été la personnalité dominante durant l'exploitation du chemin de fer par sa famille entre 1898 et 1923. Du vivant de son père, soit jusqu'en 1908, William a été responsable de la gestion quotidienne en plus de diriger, parfois avec un gant de fer, la participation des Reid aux affaires publiques. Fait président de la compagnie en 1908, à la mort de R. G. Reid, William réussissait enfin à orchestrer l'élection d'un gouvernement favorable aux intérêts de sa famille. Le People's Party de Sir Edward P. Morris n'a pas tardé à attribuer à la Reid Newfoundland Company des contrats de construction pour cinq lignes secondaires. Toutefois, l'arrêt de la construction des lignes secondaires en 1915 allait placer l'entreprise dans une position précaire.

Présidence de Harry Reid

Le stress des affaires, associé à la perte tragique de son fils Bruce en France, allaient réduire les capacités de William. Mettant à part les considérations familiales, Harry Reid en a conclu que le moment était venu pour son aîné (devenu Sir William) d'être soulagé de la présidence de la compagnie : c'est ce qui a été réalisé de façon dramatique en 1917, lorsque William a pris le chemin de Montréal pour prendre sa retraite, tandis que ses frères Harry et Robert lui succédaient, le premier à la présidence et l'autre comme vice-président et directeur général.

Harry Duff Reid (1869-1929), n.d.
Harry Duff Reid (1869-1929), s.d.
Harry Reid est devenu président de la Reid Newfoundland Company en 1917.
Tiré de la collection A. R. Penney. Avec la permission de Harry Cuff Publications.

Pendant les 12 ans qu'il lui restait à vivre, H. D. Reid s'est consacré à l'exploitation des terres familiales, donnant naissance à des filiales rentables comme la St. John's Light and Power Company, produisant un inventaire des ressources naturelles pour attirer des investissements et militant pour l'établissement d'une usine de pâtes et papiers sur la côte ouest de l'île. Harry est notamment parvenu à extirper la compagnie de ses activités ferroviaires ruineuses pour recentrer les intérêts des Reid à Terre-Neuve. En 1923, il allait remporter une double victoire : la signature du « marché de l'Humber », préliminaire au développement de Corner Brook, et l'adoption de la Railway Settlement Act, une loi qui remettait au gouvernement le contrôle du chemin de fer, des vapeurs côtiers et du chantier maritime.

Présidence de R. G. Reid Jr.

L'engagement des Reid à Corner Brook durant la crise de l'après-guerre leur a fait perdre 1,2 millions d'acres de terres placées en garantie. Quand c'est l'International Power and Paper Company que le gouvernement a choisi pour exploiter l'usine en 1926, les Reid ont perdu leur intérêt dans la Newfoundland Power and Paper. Harry, accompagné dans la gestion de l'entreprise par son fils W. Angus Reid (1895-1961) à partir de 1927, a consacré le reste de ses jours à tenter d'établir une autre papeterie sur les « terres de Gander ». Mais la promotion du « marché de Gander » allait exiger de nouveaux emprunts, en majorité du beau-fils de William, Alan Butler. À la mort de Harry Reid en 1929, R. G. Jr. est devenu président de la compagnie, et Angus en a été nommé secrétaire-trésorier.

En 1931, Butler s'est servi de son hypothèque sur la Reid Newfoundland Company pour faire mettre l'entreprise sous séquestre. Les descendants de Harry et de Robert Jr. sont demeurés actifs sur la scène commerciale de Terre-Neuve. Robin Reid s'est distingué comme promoteur touristique et hôtelier, tandis qu'Angus s'est lancé dans l'assurance et, après 1956, a assumé la présidence d'une nouvelle mouture de la Reid Newfoundland Company, toujours détentrice de droits fonciers et minéraux substantiels. Angus Reid aura aussi été le premier président terre-neuvien de la Société canadienne du cancer, un engagement philanthropique que la famille a poursuivi depuis. À partir des années 1960, son fils, Ian J. Reid (1925- 2010), est devenu un intervenant-clé dans le développement de l'industrie de transformation du poisson congelé frais.

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